" Les Illusionnistes De La Modernité "
12 février 2018
" La culture française est riche de nombreux talents, dont celui des mots.
Ces mots sont censés exprimer une idée, dont la réalité peut s’expérimenter en confrontant le mot à ce que le sujet, l’événement ou l’individu exprime de cette idée dans les faits.
Et pourtant, lorsque l’idée d’un sujet s’associe à la culture du concept, et de la créativité linguistique, il est possible de s’éloigner d’une réalité bien différente des mots utilisés.
Le mot devient une projection d’une idée, la plus souvent valorisante pour l’émetteur, mais aussi éloignée de sa réalité exprimée.
L’institution raffole de ces mots qui font mouche, qui complimentent le narcissisme de leurs utilisateurs, voire des manipulateurs, et rassurent ceux qui les reçoivent, alimentant leur demande d’obtenir une réponse à leur rêve, à leur fantasme.
Cela peut se traduire dans des situations de la vie courante : le professionnel qui fait passer un entretien, abreuve son discours de mots « tendance » et valorisants sur la culture de l’entreprise, face à un candidat qui entend ce qu’il attend, sans remettre en question sa propre demande, sa satisfaction immédiate, et surtout, l’autorité que représente l’interviewer. « Empathie, bienveillance, enchanter, réenchanter, autonomie, responsabilité sociétale, engagement, humain, sans oublier disruptif… ». Et sinon, ça se traduit comment au quotidien ?
Et puis, « il l’a dit. C’est forcément vrai. Et ce qu’il a dit correspond à ce que je voulais, dans l’entreprise que je voulais ». Ce serait dommage de renoncer à un fantasme juste pour se confronter à une réalité, qui, consciente, permettrait, elle, de faire un choix basé sur les bonnes raisons.
Que dire des campagnes de recrutement pour les surveillants pénitentiaires. Ça sonne beaucoup mieux que gardien de prison, en effet. Et les affiches, les slogans…c’est vrai, ça donne envie. La plus pure tradition institutionnelle : rafraîchir l’image, en conservant les vieilles habitudes. Il semble que la confrontation au quotidien une fois en poste n’illustre pas précisément le message attractif.
L’institution agit comme le pervers qui tend un bonbon à l’enfant, pour lui faire subir le pire une fois attiré dans son antre. Excessif comme comparaison ? Le mécanisme est le même.
L’univers de l’accompagnement professionnel, aussi appelé coaching, regorge également de cette surutilisation du langage positivement connoté. Mais les mots écrits ou verbalisés sont malheureusement parfois bien éloignés de la qualité de relation, et donc de la posture de leurs utilisateurs.
Une répétition du mot qui en tue sa réelle sincérité. Un abus de langage qui met au même niveau le pire et le meilleur : le pire acte et le meilleur mot. "
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