h42ansreims

Aucune percée du FN selon le MPEP

il y a 10 ans
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h42ansreims (clôturé) il y a 10 ans

Le Front national ne réalise aucune percée par rapport aux élections de 2012, mais il arrive en tête car il profite de la diminution de l’abstention et de la démobilisation des autres électorats

Pour comprendre pourquoi le FN ne réalise pas la « percée » que les grands médias veulent faire ingurgiter, il faut raisonner en nombre de voix et en pourcentage sur les inscrits, et pas seulement sur les suffrages exprimés. Il faut également comparer avec l’élection européenne de 2009 mais aussi avec les présidentielles et les législatives de 2012. La situation est alors parfaitement claire. Le FN fait davantage de voix qu’aux européennes de 2009 et qu’aux législatives de 2012, mais il en fait moins qu’à la présidentielle de 2012. Si l’on peut parler de « percée » du FN, c’est seulement en comparaison avec l’élection européenne de 2009 où le FN ne faisait que 1.091.691 voix, soit 2,47% des inscrits. Avec 4.711.339 voix, soit 10,12% des inscrits en 2014, le FN quadruple son score. C’est spectaculaire. Le FN progresse aussi par rapport aux législatives de 2012 où il avait réuni 3.528.663 voix, soit 7,67% des inscrits. En revanche, le FN perd 1,7 million de voix et 3,83% sur la présidentielle où Marine Le Pen avait réalisé son score historique avec 6.421.426 voix, soit 13,95% des inscrits.

Les 4,7 millions de voix obtenues par le FN à l’élection européenne de 2014 doivent être mises en relation avec les 26,8 millions d’abstentionnistes. Le rapprochement de ces deux résultats montre que plus l’abstention augmente, plus le poids relatif du FN diminue. On voit aussi très clairement que malgré la légère remontée de la participation électorale, le FN ne parvient pas à capter les abstentionnistes. La campagne pour le boycott de l’élection européenne a certainement joué un rôle et a limité le vote de nombreux abstentionnistes en faveur du FN. Ces millions d’abstentionnistes représentent une réserve immense de forces prêtes à s’engager pour la libération nationale et sociale pour peu qu’une perspective crédible et un cadre organisationnel adapté leur soit proposé. Ces chiffres relativisent fortement la « percée » du FN et son poids réel dans la société, sans pour autant mésestimer le fait que le FN arrive en tête dans 70 départements. Il ne faut donc pas prendre le résultat du FN comme la fin du monde mais se donner les moyens de le contrer sur le plan idéologique et politique.

Le FN a bénéficié de la légère diminution de l’abstention. Les résultats montrent généralement que là où la participation au scrutin augmente (lorsque l’abstention diminue), le Front national progresse. Et quand l’abstention augmente, le FN régresse. Dans les Alpes-Maritimes, l’abstention régresse de 5,34%, le FN progresse de 9,91%. A Saint-Dizier (52) l’abstention baisse de 1.228 voix, le taux d’abstention diminue de 71,33% en 2009 à 67,38% en 2014 : le FN augmente son score de 1.305 voix, c’est-à;-dire à peu près le niveau de l’abstention. En Seine-Saint-Denis l’abstention est de 68,78%, le FN fait moins que sa moyenne nationale avec 20,66%. A Montreuil (93) l’abstention est de 63,77%, le FN fait moins que sa moyenne nationale avec 11,65%.

Les transferts de voix en faveur du FN par rapport à la présidentielle de 2012 viennent d’abord de l’électorat de Nicolas Sarkozy dont 14% a voté pour des listes du FN. Cela fait quand même 900.000 électeurs sur les 4,7 obtenus par le FN en 2014. Les électeurs qui avaient voté pour Jean-Luc Mélenchon viennent ensuite, puisque 7% d’entre eux ont voté pour une liste FN en 2014, soit 280.000 électeurs. On trouve ensuite à égalité 6% des électeurs de François Hollande, Eva Joly et François Bayrou. Cela donne respectivement 616.000 voix, 50.000 voix et 200.000 voix.

Ce sont 29% des 18-24 ans et 20% des 25-34 ans qui se sont exprimés qui ont voté pour des listes FN, ainsi que 36% des employés et 46% des ouvriers. Ce sont des records absolus.

Le contexte dans lequel s’est déroulée l’élection européenne a joué en faveur du FN. Ce dernier, quelques semaines auparavant, venait de remporter un succès certain lors des élections municipales. Le Parti socialiste et le chef de l’Etat étaient gravement délégitimés du fait de la poursuite et de l’aggravation d’une politique d’austérité qui détruit tout. La droite de l’UMP, engluée dans des affaires qui n’en finissent pas, incapable de se distinguer de la politique menée par François Hollande, ne représente aucune alternative crédible. Quant à l’échelon de l’Union européenne, il demeure le lieu où se concoctaient les politiques d’austérité et de destruction de la souveraineté des peuples. Dans ce contexte, le seul parti visible médiatiquement – et pour cause ! – donnant l’impression de combattre l’Union européenne et le gouvernement, était le Front national.

Le FN est parvenu à résoudre une équation improbable : faire voter pour lui afin d’entrer au « Parlement » européen, alors qu’il prétend vouloir « sortir de l’Europe ». Le Monde du 21 mai 2014 présente bien le problème : « l’ennemi principal du Front national reste bel et bien l’abstention. Contrairement à une affirmation devenue lieu commun, l’abstention ne profite pas au FN ». C’est ce que Marine Le Pen dit au rassemblement parisien du 1er Mai aux pieds de la statue de Jeanne d’Arc : « ne nous décevez pas et allez voter. Ne commettez pas la funeste erreur de l’abstention ». Louis Alliot, vice-président du FN, insiste : « l’abstention a été notre principale difficulté jusqu’à présent […] Il va falloir convaincre les classes populaires qui considèrent que le ‘‘machin européen’’ ne sert à rien de voter pour nous ». Pour Nicolas Bay, secrétaire général adjoint du FN « la forte abstention nous est défavorable, car elle touche les catégories populaires qui constituent une forte part de notre électorat ». Plusieurs chercheurs en sciences politiques confirment cette réalité. Sylvain Crépon (Université de Nanterre, Observatoire des radicalités politiques) précise que « les cadres du FN redoutent une abstention forte […] Le scrutin européen ne mobilise pas autant que les autres et ils ont des craintes pour leur électorat. Sociologiquement, il est proche des abstentionnistes : peu diplômé, appartenant aux classes populaires. C’est un électorat qui peut se déplacer pour voter FN mais qui se désintéresse de l’Europe. Et le FN craint qu’il ne se déplace pas. » Pour Nonna Mayer (Centre d’études européennes de Science-Po) : « il y a très peu de gens qui s’abstiennent tout le temps. L’abstention est intermittente » (Le Monde, 11 et 12 mai 2014).

La bataille du boycott était un puissant facteur d’amenuisement du vote FN, à condition que ses partisans puissent se faire entendre. Leur interdire tout accès aux médias a été un formidable cadeau fait au FN.

Le score du Front national repose également, dans de grandes proportions, sur la démobilisation des autres électorats. L’étude de l’Ifop montre que 42% de l’électorat d’Eva Joly à la présidentielle de 2012 ne s’est pas reporté sur les listes EELV et s’est abstenu à l’élection européenne de 2014. Même phénomène pour 43% de l’électorat de François Bayrou. Même chose encore pour l’électorat de Nicolas Sarkozy (44%) et celui de François Hollande (58%). Mais le record est détenu par l’électorat de Jean-Luc Mélenchon qui, à 66%, s’est abstenu aux européennes de 2014. C’est considérable. C’est le record absolu qui montre un problème particulier au Front de gauche.

La diabolisation du FN par les autres partis politiques, et principalement par ceux de gauche et d’extrême gauche, est de plus en plus improductive, elle alimente le vote FN. La diabolisation consiste à transformer le débat politique en combat moral du Bien contre le Mal. Le Mal étant même le Mal absolu dont il faut se débarrasser, aucune place n’est laissée au combat d’idées. C’est ce que fait le FN lui-même vis-à-vis de ses ennemis : les immigrés coupables de prendre le travail des Français et de dissoudre la Nation. Cette double diabolisation des uns envers les autres ne peut que conforter ceux qui se sentent abandonnés par le système et qui trouvent dans la diabolisation du FN la confirmation de la justification de leur rejet du système. Il n’y a alors qu’un pas à franchir pour rejoindre le FN.

La rhétorique antifasciste constitue un des éléments de la diabolisation du FN. Elle tourne pourtant à vide et contribue au succès de ce dernier. Il n’y a pas de menace fasciste en France comme dans la plupart des pays d’Europe. Toute cette rhétorique creuse ne fait que contribuer à placer le FN au centre de la vie politique française et à nourrir les stratégies du PS et de l’UMP. Le FN n’est pas un parti fasciste, même si une partie de ses dirigeants et de ses militants sont des fascistes. L’électorat du FN ne se construit absolument pas sur des bases fascistes mais, avec de nombreuses contradictions, sur des éléments inverses. On y trouve des revendications clairement racistes et xénophobes, une tentation autoritaire, qui cohabitent avec des exigences sociales reprises à la gauche et aux syndicats sur l’emploi, les salaires. Ce que veut une immense partie de cet électorat est d’abord la fin de l’austérité et le retour de la souveraineté nationale. La reconstruction du cadre républicain apparaît comme une demande de cet électorat, c’est-à;-dire le contraire des fondements de la montée du fascisme en France en 1934. Les dirigeants du FN font tout ce qu’ils peuvent pour cacher la part fasciste qui est en eux. Aux portes du pourvoir ils ont besoin de rassembler largement et de surtout éviter de donner une image d’extrême droite. D’ailleurs les classes possédantes ne s’y trompent pas et ne soutiennent pas le FN. Dans l’Allemagne des années 20 et 30, au contraire, les classes possédantes (les capitalistes) ont activement soutenu Hitler, notamment sur le plan financier. Rien de tel aujourd’hui avec le FN. Avant-guerre, les classes possédantes avaient besoin de combattre le communisme. Les mouvements fascistes étaient l’instrument idéal pour y parvenir. La menace communiste n’existe plus aujourd’hui, les classes possédantes disposent d’un autre instrument redoutablement efficace pour aliéner les peuples : l’Union européenne. Elles ne veulent pas que ce système, qu’elles ont eu tant de mal à mettre sur pied, soit ébranlé. Elles ont besoin de l’euro et ne peuvent pas suivre les digressions du FN sur ce thème. C’est ce qui rend le FN le plus dangereux pour elles.

Le 21 avril 2002, le candidat socialiste Lionel Jospin avait été éliminé du second tour de l’élection présidentielle. Pour la première fois le candidat du FN était qualifié, provoquant, déjà, ce que tout le monde appelait un « séisme » politique. Depuis rien n’a été fait, ni par le PS, ni par l’UMP, ni par le Front de gauche pour analyser cette situation et trouver les bonnes réponses.

Beaucoup continuent à se demander, en tournant en rond, « pourquoi le FN apparaît comme la force antisystème » alors que la « gauche de gauche » n’y parvient pas ? Ou encore « pourquoi la colère sociale choisit-elle le FN plutôt que de se répartir entre les gauches ? » La réponse est simple. Seules des forces se réclamant de la gauche peuvent, doivent tenir ce discours. Les partis de la gauche actuelle ne le font pas, ils sont en train d’être balayés et portent une lourde responsabilité dans le choix désespéré d’une fraction significative du peuple pour le FN. Le FN tient en partie le discours que les partis qui se qualifient de « gauche » devraient tenir sur l’Union européenne, l’euro, le protectionnisme, la nation, la protection des citoyens contre la mondialisation, le rôle de l’Etat... Mais la haine de la France et de la nation professée par de larges fractions de la gauche lui interdit de mener un combat efficace contre la duplicité du FN pour qui la nation française n’est que celle du Blanc contre le Noir ou l’Arabe, du Français contre l’Espagnol, l’Italien ou le Grec. Pour le FN, la France, comme nation, n’est pas l’espace principal de la lutte des classes. Ce n’est pas non plus, pour lui, la France des Lumières, de la Commune de Paris, du Front populaire, de la Résistance, des grèves ouvrières et des luttes étudiantes de mai-juin 1968. Seules des forces se réclamant de la gauche peuvent parler de cette France-là. La gauche actuelle ne le fait pas, elle est en train d’être balayée.

Source: http://www.m-pep.org/spip.php?article3799

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sibelius il y a 10 ans

je vais lire ce texte à tête reposée. merci :-)


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