babar-au-rhum (clôturé)
il y a 19 ans
IL FAUT!
Nous ne sommes pas des "Eurobéats" ainsi que les partisans du Non tendent à nous qualifier (pour ne pas dire insulter) parfois. Nous sommes conscients que parfois, les avancées ne sont pas allées aussi loin, aussi vite, que nous l'aurions souhaité (nous sommes Eurofédéralistes), mais les avancées sont là, bien réelles. Qui plus est, le rôle de la Convention était simplement au départ de simplifier les traités et institutions existants, nous avons obtenu finalement plus que ce qu'il était autorisé à la Convention. Ne crachons pas dessus.
Institutions
Le trio institutionnel de l’Union est conservé : Commission pour le supranational ; Conseil des ministres et Conseil européen (chefs d’états) pour l’intergouvernemental, représentant les états ; Parlement européen pour la représentation populaire. Malgré cela, des changements ont eu lieu et, si en tant que fédéralistes, nous aurions préféré qu’ils aillent plus loin, force est de constater que ces avancées semblaient déjà aller trop loin pour certains états.
Le parlement est désormais à égalité avec le Conseil, c'est ce qu'on appelle la Colégislation. Il dispose pour cela d'un droit de veto qui peut ainsi bloquer une loi européenne. Seuls quelques points très précis échappent encore au parlement, mais l'essentiel est là, sur la quasi totalité des sujets, le parlement européen peut agir, contrairement à aujourd'hui : votre vote aux élections européennes a désormais une plus grande utilité ! Les pouvoirs du parlement n’ont pas régressé, loin de là. Même les partisans du non le reconnaisse : le parlement est LE grand gagnant du TC (même si certains veulent nous faire croire qu’avec plus de pouvoirs dans les textes, le parlement aura moins de pouvoir dans les faits qu’aujourd’hui, cherchez la logique). Et nous pouvons faire confiance en nos députés, chaque fois que de nouveaux pouvoirs leur ont été attribué, ils s'en sont très vite servi !
Qui plus est, le président de la Commission Européenne pourra être élu « à la française ». Comme pour notre premier ministre, le Conseil européen devra choisir un président de la Commission en fonction des résultats des élections européennes. Le parlement pourra alors l'accepter ou non. En cas de refus, le Conseil Européen devra proposer un autre candidat. Un peu plus tard, lorsque la Commission sera formée, le parlement pourra la refuser collectivement. C'est ce qui s'est passé dans le cas du commissaire italien Buttiglione dernièrement. L'élection du président de la Commission permettra ainsi aux partis politiques européens de faire campagne pour un homme qui deviendra Président de la Commission s'ils gagnent les élections européennes.
Le Conseil européen va voir la naissance d’un vrai président et n’aura plus de présidence tournant tous les 6 mois. Le nouveau président sera élu pour 2 ans et demi renouvelable une fois, et ne sera titulaire d'aucun autre mandat politique : le Président du Conseil sera donc un Président à plein temps, contrairement à ce qui se fait aujourd'hui.
L’unanimité qui bloquait de nombreux sujets deviendra l’exception, et le vote à la majorité qualifiée, la règle. De plus cette majorité qualifiée (55% des états et 65% de la population) est améliorée : on était à 72% avant avec des pondération ridicules (29 points pour l’Allemagne de 80 millions d’habitants, 27 pour l’Espagne et la Pologne et leurs 40 millions d’habitants). Bien sûr, des sujets comme la fiscalité ou le social demeurent à l’unanimité, ce qui est regrettable, mais il faut penser que le Royaume-Uni n’aurait pas accepté le TC sinon. Ce qui ne nous empêche en aucun cas de mener des coopérations en la matière de manière bilatérale ou grâce aux coopérations renforcées.
La Commission va être réduite. Avant le traité de Nice chaque état avait au moins un commissaire, les grands états comme la France et l'Allemagne en avaient deux. Avec le Traité de Nice on a réduit ce nombre : chaque état a un et un seul commissaire. Demain, si le TC est adopté, il n’y aura plus que deux tiers des états représentés à la Commission, les états tournant alors pour se laisser les places. Ainsi, plutôt que d'avoir une commission pléthorique de 25 membres, elle n'en comptera que 15. On gagnera en efficacité et en clarté.
Nous aurions préféré que la commission soit débarrassée de cette ridicule question des nationalités (un commissaire français ne fait pas forcément de cadeaux à la France) mais cette modification va déjà bien assez loin pour beaucoup de pays : les nouveaux pays membres mais surtout les petits pays (nouveaux et anciens confondus) tenaient à conserver ce principe pour ne pas être effacés par les Grands.
L'élection du président de la Commission est également revue (voir pour cela les avancées pour le parlement), et le Le Ministre Européen des Affaires étrangères sera vice président de la Commission.
Qui plus est un droit de pétition est créé : un million de citoyens européens peuvent inviter la Commission à proposer un projet de loi. Il ne s’agit là que d’une invitation, pas d’obligation, mais un non nous ramènerait à la case départ, c'est-àire : rien du tout ! Nous prenons cette avancée, il ne nous restera plus qu'à rendre plus contraignante à l'avenir cette disposition.
Les dizaines de types de textes européens existants sont simplifiées. Désormais il n'y a plus que six types de textes : loi européenne, loi cadre européenne, avis, recommandation, règlement et décision. Pour une explication de ces différents textes on pourra se référer à l'article I-33 du TC.
La personnalité juridique est reconnue à l’UE. Qu'est-ce que cela signifie ? Et bien que l’UE peut attaquer et être attaquée en justice, siéger dans des organisations internationales comme l'ONU, signer des accords en son nom… bref exister réellement sur la scène internationale.
Le TC crée un ministre européen des affaires étrangères qui sera vice-président de la Commission Européenne, président du Conseil des affaires étrangères (Conseil des ministres européens) et remplacera le Monsieur PESC d’aujourd’hui. Il sera chargé de représenter l'Union à l'étranger et d'animer le Conseil des affaires étrangères, c'est à dire de fixer l'ordre du jour, les priorités et le calendrier de travail. Bref, il sera chargé de faire avancer les différents états européens vers une politiques étrangère commune (PESC).
Les états restent bien entendu maîtres de leurs décisions, ne rêvons pas, mais le rôle central au sein de l'Union que confère le TC au Ministre européen des affaires étrangères permettra de multiplier les réussites de la politique étrangère européenne (si les échecs européens sont très médiatisés, ses réussites le sont moins, pourtant l'Europe a très bien réussi en nie, en Macédoine, au Congo-Kinshasa ou en Ukraine).
Tout d'abord, une coopération renforcée, c'est quoi ? Eh bien une coopération renforcée, c'est la possibilité pour certains états européens d'aller plus loin que d'autres dans certains domaines où l’Europe n’agit pas ou plus ou pas assez, tout en restant au sein de l'Union (on a aussi appelé ça Noyau dur, avant-garde, groupe pionnier... ). Ainsi on peut imaginer que certains états créent une coopération renforcée afin d'accélérer ou de simplifier l'harmonisation fiscale ou sociale. L'essentiel étant de ne pas refaire à quelques-uns ce que l'Union fait déjà pour tous (pas de doublons) et de répondre à quelques exigences minimales.
Il faudra par exemple 9 états membres participants sur les 25 actuels pour lancer une coopération renforcée (1/3 des états) afin que ne se créent pas 10 fois les mêmes coopérations, mais avec deux ou trois états à chaque fois (les coopérations renforcées utilisent les infrastructures de l'Union). Il faudra également l'accord de la Commission afin que la coopération renforcée ne fasse pas la même chose que l'Union. Par défaut, les décisions se prendront à l'unanimité au sein d'une coopération renforcée, mais elles pourront très bien passer à la majorité qualifiée si bon leur semble.
Les coopérations renforcées n’ont guère été utilisées jusque là, c’est vrai, car nous étions dans une Europe à 15 qui parvenait tout de même à avancer bon an mal an. Mais aujourd'hui nous sommes passé à 25 états membres, bientôt 28 (si la Croatie progresse rapidement), elles deviendront maintenant obligatoires pour avancer dans de nouveaux domaines.
Attention ! Contrairement à ce que certains partisans du Non laissent entendre, les conditions exigées ne sont pas là pour empêcher toute coopération renforcée, mais bien pour s'assurer que la coopération renforcée n'ira pas à l'encontre des politiques de l'Union et qu'elle sera représentative. Qui plus est, rien n'interdit des coopérations à 2 ou 3, par exemple, mais auquel cas, la coopération en question ne se fait pas au sein de l'Union, mais juste entre les états.
Le TC donne clairement la possibilité aux états européens d’instaurer un Parquet européen dans l'article III-274. La Convention sur l'Avenir de l'Europe n’ayant ni les pouvoirs ni le temps nécessaires pour le mettre en place, le TC se « contente » de mentionner la possibilité de le mettre en place grâce à une simple loi européenne, ainsi que la possibilité d'étendre ses pouvoirs avec une autre loi : c’est un exemple intéressant pour montrer que la Convention avait des pouvoirs limités, la CIG trop peu de temps et de travail pour pousser plus en avant le projet et que malgré tout cela, des avancées ont été faites en matière sociale, environnementale, militaire et en l'occurrence judiciaire.
Le TC définit clairement maintenant la possibilité et les procédures de sortie d’un état-membre de l’Union ou de sanction envers un état membre qui contredirait les valeurs de l’Union. Ces points sont très importants, l’Union s’est déjà retrouvée quelques fois face à ce genre de problèmes sans savoir quoi répondre : l’Angleterre a déjà menacé de sortir deux fois de l’Union (un an après son adhésion puis sous l’ère Thatcher), l’Autriche de Haider avait quant à elle posé le problème d’un état qui passerait aux mains d’un gouvernement extrémiste. Les conditions de sortie sont importantes : elle permettent de comprendre en quoi le TC n’est pas une constitution, et pourquoi l’Europe ne peut pas avoir une vraie Constitution « comme tout le monde ». Tout état réprimerait une sécession (guerre de sécession aux USA, Tchétchénie en Russie…), alors que l’Union est un choix libre des états membres qui peuvent en sortir dès lors que leur situation l’exige.
Le TC reconnaît un rôle pour les parlements nationaux. Ceui se sont souvent sentis dépassés par les activités de l’Union. La commission créait des lois que le Conseil approuvait (ministres) et les parlements nationaux n’avaient plus qu’à accepter sans broncher. Aujourd’hui, ⅓ des parlements nationaux peut repousser une loi européenne qui ne respecterait pas le principe de subsidiarité (règles de partage des compétences entre l’Union et les états). Ce principe de subsidiarité est d’ailleurs défini dans le TC et les compétences de l’Union sont clairement délimitées. Certains partisans du Non feraient d'ailleurs bien de les relire avant de reprocher tout et n'importe quoi à l'Union.
L'€urogroupe et la zone €uro
Aujourd’hui l’Union a une monnaie forte et une banque centrale efficace et indépendante mais qui n’a pas face à elle de politique économique cohérente, chaque état mène sa vie comme si rien n’avait changé. L’une des nécessité aujourd’hui est l’élaboration d’une gouvernance économique sur la zone euro ayant en charge l’industrie, le commerce, l’économie, les finances, le social, la recherche et l’aménagement du territoire. Le TC, dans ce secteur, ne crée rien d’équivalent au ministre européen des affaires étrangères, mais gardons en tête que la Convention n’avait pas réellement le pouvoir de créer, mais plutôt celui de simplifier. Elle a cependant proposé des avancées qui pourront débloquer la situation de la zone Euro.
La liberté de la zone Euro
Sous ce titre un peu ronflant se cache une avancée toute bête, si bête que l'on se demande pourquoi cela n'avait pas été fait avant. Désormais, sur les questions liées à la zone euro, seuls les états ayant choisi l’Euro pourront voter ! Cela paraît évident n'est-ce pas ? Mais pourtant, si le pacte de stabilité a eu tant de mal à être révisé, c’est bien parce que des pays comme la Lettonie bloquaient alors même que cette question ne les concerne pas encore, comme si nous allions donner des conseils aux Pays-Bas sur le mariage homosexuel alors que nous ne l'avons pas encore adopté. Avec le TC, ce problème sera résolu : si la question porte sur la zone euro, les états n'ayant pas encore adopté l'Euro n'auront pas le droit de vote, ce qui permettra de débloquer nombre de situations.
L'€urogroupe
Tout d'abord, l'Eurogroupe c'est quoi ? L'Eurogroupe c'est une réunion des ministres de l'économie et des finances de la zone Euro. Aujourd'hui, il s'agit d'une réunion informelle, si le TC est adopté, l’Eurogroupe sera institutionnalisée et reconnue comme un organe de l'Union européenne. Il disposera également d’un président. Combiné avec la liberté citée précédemment et l’élection d’un président de l’Eurogroupe pour 2 ans et demi, on peut espérer que l’Eurogroupe va peu à peu devenir cette gouvernance économique européenne. Comme toujours en Europe, rien ne s’imposera tout se construira peu à peu. Le protocole sur l’Eurogroupe indique également que celui-ci consulte la BCE (Banque Centrale Européenne), ce qui permettra également de développer la coopération entre la BCE et les gouvernements économiques de l'Union, point central pour une économie qui fonctionne correctement.
Services publics
Avant de commencer, il y a quelques points à savoir sur les services publics. Tout d’abord, ce mot pose des problèmes d’incompréhension au niveau européen, c’est pourquoi LE service public n’est qu’une notion. LES services publics tels que nous les entendons en France sont donc dénommés Services d’Intérêt Economique Général (SIEG) ou Service d’Intérêt Général (mais ces derniers ne sont pas mentionnés dans le TC). Garder cela en tête permet de ne pas tomber dans le ridicule (voir l'idiotie habituelle « on ne parle qu’une seule fois de service public dans le TC ! », « Bah bien sûr puisqu’ils s’appellent pas comme ça ! »). Là, je pense que les avancées sont les plus grandes, même si elles ne s’étalent pas sur 300 pages, quelques articles suffisent, ou plutôt un article nous permettra de sauvegarder LE service public, l’article III-122.
Une Loi européenne sur les SIEG
Depuis des années, la France et la Belgique réclamaient une directive sur les SIEG. La Commission avait fini par en admettre l'utilité mais, même récemment, avait signifié qu'elle ne ferait pas. L'article III-122 du TC exige l’adoption d’une loi européenne sur les SIEG. Notre volonté a fini par payer. Qui plus est, si la Commission tarde à légiférer, nous pourrons nous appuyer sur le TC pour refuser tout projet portant sur les SIEG puisque le TC demande pareille loi pour clarifier la situation.
Reconnaissance, protection et développement des SIEG
L'article III-122 prend le relais de l'article 16 du traité instituant la Communauté européenne et le complète avantageusement. Auparavant, les SIEG étaient une valeur de l’Union mais ils n’étaient pas définis, donc libre à chacun de réduire leur liste ou de demander leur privatisation. Aujourd’hui ils sont définis comme des services auxquels « tous dans l’Union accordent une valeur ». On a perdu en sémantique mais on a gagné en précision et donc en possibilités, gardons à l'esprit qu'il vaut mieux avoir de vrais moyens d'agir que de jolis mots creux.
Auparavant, l’UE reconnaissait les SIEG, point barre. Aujourd’hui elle reconnaît leur rôle dans « la cohésion sociale et territoriale » des états membres (quelques mots qui sentent bon la France) et DOIT leur garantir qu’il puisse exercer leur mission. L’article III-122 précise même que les états ont liberté de financer, détenir ou même fournir ces services ! Quelques mots qui ont une importance capitale puisqu’ils remettent en cause tout le reste de la partie III qui doit donc être lue à la lumière de cet article qui accorde aux SIEG un statut particulier dans le marché intérieur européen. N’est-ce pas ce que nous voulions ?
Statut particulier des SIEG
Le TC reconnaît que la mission de service public (d'intérêt général en langage communautaire) est plus importante que le statut public ou privé de l'entreprise. Ainsi en 2004, pour la Commission européenne, en vertu de l'article III-166, "les services d'intérêt économique général ne sont pas soumis à l'application des règles du traité dans la mesure nécessaire pour leur permettre de remplir leur mission d'intérêt général. Il en résulte que (...) l'accomplissement effectif d'une mission d'intérêt général prévaut, en cas de tension, sur l'application des règles du traité. Ainsi, ce sont les missions qui sont protégées, plutôt que la manière dont elles sont accomplies." (extrait du livre blanc sur les SIEG paru en 2004)
Économie et affaires sociales et culturelles
Ces deux considérations relèvent des parties II et III. La partie III est souvent considérée par les anti-TC comme un traité économique, ce qui est assez comique. Oui, la partie III traite principalement des politiques de l'Union, mais peut-on dire qu’un article décrivant les procédures d’adoption d’une loi européenne soit de nature économique ? Et l’organisation des politiques étrangères ? Ne tombons pas dans les caricatures et restons précis.
La Charte des droits fondamentaux
L’avancée principale en matière sociale est la Charte des Droits fondamentaux. Celle-ci reconnaît les droits élémentaires de tout citoyen européen, les droits sur lesquels personne ne peut revenir. On nous dit : « Quoi de neuf puisqu’elle existait déjà en 2000 et qu’il y avait les conventions sur les droits de l’homme ? ». Soyons précis, cette Charte avait été acceptée en 2000 au sommet de Nice, mais elle n'avait pas de valeurs contraignante, aujourd'hui elle est incorporée au TC qui doit devenir le traité central de l'organisation européenne, ce qui lui donne une toute autre valeur. La Commission devra dès lors prendre en compte les droits sociaux dans chacune de ses actions. Quant aux conventions sur les droits de l'homme ou la charte de Turin, elles ne sont nullement abrogées par ce traité, elles continueront d'exister, contrairement aux traités de Rome, de Maastricht, d'Amsterdam ou de Nice.
D'autres avancées sont proposées, hors de la charte des droits fondamentaux, comme une économie sociale de marché ou le commerce équitable, les objectifs de l'Union contiennent par exemple le plein emploi, le développement durable, le progrès social, un niveau élevé de protection et d'amélioration de la qualité de l'environnement, le progrès scientifique et technique... et j'en passe (lire l'article I-3 du TC).
En définitive, les avancées se font essentiellement sur le plan social et environnemental (mais aussi institutionnel). Bien des partisans du Non ne veulent pas le reconnaître, inventant différents prétextes, lisant un mot sur deux dans un article sur vingt, essayant de faire croire que cette charte est mauvaise alors qu'ils étaient les premiers à la réclamer. Trop d'entre eux jouent sur la peur ainsi que l'ont déjà fait certains partis extrêmes (suivez mon regard).
L'obligation pour l'Europe de prendre en compte le social
Qu'est-ce que cela ? L'Europe devrait faire du social ? Pas exactement, le social reste en majeur partie du ressort des états-membres. L'Europe dispose en la matière de compétences partagées et pas de compétences exclusives, c'est à dire que l'Union et les états membres peuvent légiférer tant que l'un ne porte pas préjudice à l'autre. Mais en tout début de la partie III (vous savez, la partie apparemment "ultralibérale, super-dangereuse qui va détruire l'Europe mais qui existe déjà" des tenants du non), on pourra lire l'article III-117, qu'avait obtenu le parti socialiste belge, et que nous avons copié ci-dessous :
"Dans la définition et la mise en oeuvre des politiques et actions visées à la présente partie, l'Union prend en compte les exigences liées à la promotion d'un niveau d'emploi élevé, à la garantie d'une protection sociale adéquate, à la lutte contre l'exclusion sociale ainsi qu'à un niveau élevé d'éducation, de formation et de protection de la santé humaine."
Mouais. Pas de quoi casser des briques au premier abord, chacun ira lire l'article suivant sans s'arrêter. Et pourtant, cet article fait partie des nouveaux articles et, comme bien souvent quant il s'agit des nouveaux articles, va dans le bon sens. Sa portée est bien plus importante qu'il n'y paraît. L'article III-117 ne dit pas que l'Union essaie d'atteindre le plein emploi si elle le désire, il dit clairement que l'Union doit chercher à atteindre ces objectifs à chaque fois qu'elle légifère dans le domaine social et, plus important, dans le domaine économique, c'est à dire celui du marché commun ! Ces objectifs doivent être pris en compte, si une loi ne le faisait pas, elle pourrait être annulée par la Cour de Justice.
On pourra également lire les articles III-115 à III-121 qu de la même manière donnent des obligations en matière d'égalité homme-femme, de droit des handicapés, de non-discrimination, de protection des consommateurs, des animaux ou encore de l'environnement.
Les droits des handicapés
A écouter certains, la charte des droits fondamentaux n'aurait aucun intérêt, n'apporterait rien. Voilà pourtant un exemple frappant d'avancée. Lisez la Constitution française (ou plutôt LES constitutions françaises) et vous ne trouverez nul part une mention faisant référence aux droits des handicapés et aux obligations de la société envers elles. Le TC, quant à lui, y fait référence plusieurs fois grâce à la pression des conventionnels scandinaves. Ainsi les articles suivants :
Article II-86 : Intégration des personnes handicapées
L'Union reconnaît et respecte le droit des personnes handicapées à bénéficier de mesures visant à assurer leur autonomie, leur intégration sociale et professionnelle et leur participation à la vie de la communauté.
Article II-81 paragraphe 1 : Non-discrimination
Est interdite toute discrimination fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, les origines ethniques ou sociales, les caractéristiques génétiques, la langue, la religion ou les convictions, les opinions politiques ou toute autre opinion, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance, un handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle.
On remarquera que les discriminations liées au handicap sont mises au même niveau que le racisme ou les discriminations sexuelles et combattues en tant que telles, c'est à dire des discriminations à l'encontre d'une minorité qui est dès lors sujette aux différents articles du TC protégeant les minorités. Enfin, l'article II-75 suivant permet une protection contre les abus de certains CAT :
Article II-75 paragraphe 1 : Liberté professionnelle et droit de travailler
Toute personne a le droit de travailler et d'exercer une profession librement choisie ou acceptée.
L'exception et la diversité culturelle
Tout d'abord de quoi s'agit-il ? Si vous êtes déjà au courant, vous pouvez passer au paragraphe suivant sinon, voilà une petite explication. L'exception culturelle est un concept développé par la France et qui vise à protéger la Culture nationale de l'uniformisation et des lois du marché. C'est grâce à cette exception culturelle que nos radios passent 40% de musique française et donc que notre création musicale nationale existe encore. C'est grâce à elle également que le cinéma français se porte bien et n'a pas disparu comme ses congénères italiens ou allemands. Bref, c'est grâce à l'exception culturelle que la culture française et francophone a pu être préservée d'une trop grande uniformisation, certains diront américanisation. Mais ce concept est avant tout défensif et ne plaisait guère aux autres pays qui le considéraient comme une forme de protectionnisme, d'où le développement de celui de diversité culturelle. Les objectifs sont plus ou moins les mêmes, mais l'ambition est autrement plus grande puisqu'il s'agit de sortir du care purement franco-français pour promouvoir un concept quasi-universel auquel chaque peuple peut s'identifier. Il s'agit notamment d'un des objectifs de la Francophonie.
Le concept de diversité culturelle n'est pas accepté par tous en Europe, loin de là (certains états considérant la culture comme une simple branche des biens commerciaux). Cependant, des négociations commerciales peuvent avoir lieu entre l'Union européenne et un état tiers portant justement sur le commerce des biens culturels. Pour cela, lisons l'article suivant :
Article III-315 paragraphe 4 :
Pour la négociation et la conclusion des accords visés au paragraphe 3, le Conseil statue à la majorité qualifiée.
Autrement dit, si l'Union européenne négocie un traité commercial avec les Etats-Unis, lorsqu'il s'agit d'accepter le traité on utilise la règle de la majorité qualifiée : 55% des états représentant 65% de la population. Il est alors possible que la France soit mise en minorité lors de ces négociations, et qu'alors le principe de diversité culturelle soit mis à mal. Heureusement, les conventionnels français sont parvenus à obtenir ce qui suit, toujours dans le même paragraphe du même article :
Le Conseil statue également à l'unanimité pour la négociation et la conclusion d'accords:
a) dans le domaine du commerce des services culturels et audiovisuels, lorsque ces accords risquent de porter atteinte à la diversité culturelle et linguistique de l'Union;
Autrement dit, l'unanimité est maintenue dans les domaines culturels. Qui plus est, le TC reconnaît le principe de la diversité culturelle et engage l'Union à la développer. Ainsi l'article I-3 sur les Objectifs de l'Union précise qu'elle "respecte la richesse de sa diversité culturelle et linguistique, et veille à la sauvegarde et au développement du patrimoine culturel européen". De même l'article II-82 de la Charte des droits fondamentaux stipule que "l'Union respecte la diversité culturelle, religieuse et linguistique". Autrement dit, le concept français de la Diversité Culturelle devient un Concept européen !
L'économie
Du point de vue économique, rien de nouveau mis à part l’Eurogroupe dont j’ai déjà parlé et les nouveautés sur les SIEG (services publics). Ah si peut-être une ou deux choses : le plein Emploi qui est un objectif de l’Union et est souvent rappelé tout au long du traité, l’économie sociale de marché ou le commerce équitable. Donc pas de régression et même des avancées.
Bien sûr on aurait pu aller plus loin en matière de gouvernance économique, mais le projet serait-il passé au sein de la Convention puis de la CIG ? Nous n'y croyons pas (cf. Royaume Uni). Certains nous disent que le maintien de la partie III est en soi un recul. Si on laisse de côté l’assimilation de la partie III aux politiques économiques, on peut facilement remarquer que cet argument n’a pas de sens. Est-ce un recul que de ne pas avoir détruit ce que nous avons créé durant 50 ans ? Est-ce un recul que les partis socialistes européens aient demandé la présence de cette partie afin que ce traité soit honnête vis-à-vis des citoyens et que ceui puissent voter sur tout le texte ? Est-ce un recul finalement que d'avancer dans les domaines clés, même si nous n'avançons pas assez vite ? Ce n’est en tous cas pas notre avis. Enfin, voter Non à cause de la partie économique est ridicule puisque c’est surtout cette partie qui restera (sans les avancées précitées) si le TC est refusé, pas la partie sociale ! ! !
Restons donc lucide : y a-t-il
des avancées sociales ? Oui.
des avancées libérales ? Non.
des avancées politiques ? Oui.
Est-ce ce que nous voulions ? Oui.
Défense et diplomatie
L’un des grands enjeux aujourd’hui pour l’Union européenne, c’est la politique étrangère et de défense. On se souvient de la crise iraqienne mais n’oublions pas pour autant l’action européenne au Congo-Kinshasa, en Ukraine, en nie, en Macédoine, en Iran ou en Afrique. La diplomatie et la défense européenne marquent des points, petit à petit. Quelles sont les nouveautés avec ce texte ?
Le Ministre européen des affaires étrangères
Le TC crée un ministre européen des affaires étrangères qui sera vice-président de la Commission Européenne, président du Conseil des affaires étrangères (Conseil des ministres européens) et remplacera le Monsieur PESC d’aujourd’hui. Il sera chargé de représenter l'Union à l'étranger et d'animer le Conseil des affaires étrangères, c'est à dire de fixer l'ordre du jour, les priorités et le calendrier de travail. Bref, il sera chargé de faire avancer les différents états européens vers une politiques étrangère commune (PESC).
Les états restent bien entendu maîtres de leurs décisions, ne rêvons pas, mais le rôle central au sein de l'Union que confère le TC au Ministre européen des affaires étrangères permettra de multiplier les réussites de la politique étrangère européenne (si les échecs européens sont très médiatisés, ses réussites le sont moins, pourtant l'Europe a très bien réussi en nie, en Macédoine, au Congo-Kinshasa ou en Ukraine).
L'Agence européenne de Défense
La crise européenne déclenchée par la guerre en Iraq avait entraîné une réunion France – Allemagne – Belgique – Luxembourg qui avait abouti à la volonté de lancer une agence européenne de l’armement. Les entreprises de l’armement sont aujourd’hui européanisées, il ne reste plus qu’à européaniser le marché ! C’est l’objectif de cette agence qui devient l’Agence européenne de défense et qui devra faire en sorte que les états européens s’arment de la même manière et plutôt chez nous qu’aux USA (article III-311 pour plus de détail). Il s'agit là pour l'Union de mettre en place une véritable politique d'armement européenne afin que les différents états se dotent des mêmes matériels en vue de l'élaboration d'une armée commune.
Au passage, nous voudrions relever une contradiction flagrante du camp du Non : l’armement de l’UE. Certains pacifistes regrettent que le TC demande à l’UE de s’armer (on parle je rappelle de gap technologique entre les armées US et européennes, c'est à dire d'un fossé, d'un écart technologique et militaire entre USA et UE) alors que d’autres critiquent non pas le fait que l’UE s’arme mais que ce réarmement se fasse au niveau national. Contradiction. Qui plus est, l’UE n’a pas les moyens de gérer elle-même une armée et l’agence européenne de défense est justement instituée de manière à ce que ce réarmement se fasse en considérant l’action générale en Europe. Triple contradiction dans le camp du Non sur ce seul et même sujet qui est pourtant LE grand projet européen aujourd’hui et sur lequel il leur serait pourtant simple d'avoir une vision commune.
Les coopérations structurées
Non non, il n'y a pas erreur, il ne s'agit pas des coopérations renforcées mais des coopérations structurées ! Quelle différence ? Le terme de coopération structurée est utilisé dans le cas de la défense et de la politique étrangère. Comme pour les coopérations renforcées, le but est qu'un petit groupe d'états puisse aller plus loin dans la coopération et l'intégration que tous les autres qui pourront rejoindre le mouvement plus tard. Ce type de coopération est beaucoup plus souple que les coopérations renforcées car deux états peuvent en créer une. S'il n'y a pas encore eu de coopérations renforcées, il existe dors et déjà des coopération structurées :
* Eurofor et Euromarfor
* Eurocorps
* Groupement aérien européen
* Forces amphibies anglo-néerlandaises
* Brigades de gendarmerie franco-italiennes...
Le but est aujourd'hui de les intégrer pleinement à l'Union et de clarifier leur créations.
Clause de Solidarité et ambition européenne
Une clause de solidarité est mise en place et qui risque de remettre en cause le statut quelque peu neutre de pays comme l’Autriche, la Suède ou l’Irlande. Cela signifie, qu'en cas d'agression contre un état membre, les autres doivent lui porter assistance. C’est une très bonne chose qui, avec les éléments déjà évoqués, pourra lancer une véritable défense européenne.
De larges compétences dans le domaine humanitaire sont également conférées à l’Union (qui n’en disposait pas auparavant) et un Corps volontaire européen d'aide humanitaire est créé. Les missions pouvant être attribuée à l’Union (les missions dites de Petersberg) sont étendues, notamment en matière de lutte contre le terrorisme, de désarmement ou d’assistance militaire (le maigre article 17 devient l’article III-309 bien plus complet). L'UE qui devait jusque là se limiter à évacuer des ressortissants ou faire de l'humanitaire peut désormais jouer un rôle actif sur la scène militaire, rôle qui est constamment mis en relation avec les décisions de l'ONU : l'Europe n'a dès lors pas vocation à intervenir "illégalement" ainsi que l'a fait Bush en Iraq.
L'Europe spatiale
Jusqu'à aujourd'hui, le spatial en Europe se fait au sein de l'ESA (European Space Agency ou Agence spatiale européenne) équivalent de la NASA. Il s'agit d'une organisation internationale et intergouvernementale regroupant l'Autriche, la Belgique, le Danemark, la Finlande, la France, l'Allemagne, l'Irlande, l'Italie, les Pays-Bas, la Norvège, le Portugal, l'Espagne, la Suède, la Suisse et le Royaume-Uni. La Grèce et le Luxembourg doivent devenir membres de l'ESA en 2004. De plus, le Canada et la Hongrie participent à certains projets de l'ESA au titre d'accords de coopération. Tous les états membres de l'ESA ne sont pas membres de l'UE et inversement. Le TC permettra à l'Union Européenne de mener une véritable politique européenne spatiale en vertu de l'article III-254. Il s'agit là d'une nouveauté.
ARTICLE III-254
1. Afin de favoriser le progrès scientifique et technique, la compétitivité industrielle et la mise en oeuvre de ses politiques, l'Union élabore une politique spatiale européenne. À cette fin, elle peut promouvoir des initiatives communes, soutenir la recherche et le développement technologique et coordonner les efforts nécessaires pour l'exploration et l'utilisation de l'espace.
2. Pour contribuer à la réalisation des objectifs visés au paragraphe 1, la loi ou loi-cadre européenne établit les mesures nécessaires, qui peuvent prendre la forme d'un programme spatial européen.
3. L’Union établit toute liaison utile avec l’Agence spatiale européenne.
Voila une ou deux raisons de voter oui ....