onenri (clôturé)
il y a 4 ans
Un jar et un phacochère traversaient un pré en devisant sur les bienfaits de l’herbe grasse du printemps lorsque leur attention fut détournée par les cris d’une grenouille.
Cette dernière tentait de les rejoindre à grands bonds…
« Attendez-moi… !!! J’ai tant de choses à vous dire… Je connais bien l’herbe… ! »
Le phacochère, sans cesser de mâchonner, se tournant vers son compagnon :
_ Ne te retourne pas, on ne va pas s’embarrasser d’une grenouille…
_ Bah… Écoutons-là, elle a peut-être quelque chose à dire et… Je suis pour la liberté d’expression moi !
_ Tu crois ?! Bon… Je veux bien, pour te faire plaisir mon bel ami mais, tu sais comment elle sont, elles veulent toujours avoir raison !
Ils ralentirent donc le pas, jusqu’à ce que la grenouille, une grassouillette grenouille commune blonde, les rejoigne, essoufflée et si pressée de dire ce qu’elle avait à dire qu’elle en bafouillait.
_ Merci les gars, c’est sympa de m’attendre. Vous ne le regretterez pas, je suis d’une compagnie très agréable, et d’un humour à vous rouler dans l’herbe.
_ Qu’est-ce que je te disais… Murmura le phacochère au jar.
_ Demeurez avec nous ma Belle susurra le jar à la grenouille. D’autant que l’on risque, dit-on, de rencontrer un nez de bœuf qui agresse les gens du voyage comme nous. Nous ne serons pas trop de trois pour l’affronter.
_ Une grenouille ! Tu parles pesta le phacochère.
C’est un phacochère angora, à la crinière et la laine longue et claire, d’un certain âge mais paraissant encore bien si ce n'est une pelure sur le crâne, séquelle d’une obstination à se taper la tête contre les murs.
Il prétend que c’est parce qu’il a trop joué au football mais, personne ne le croit !
On le dit d’un bon tempérament dans la région, bien qu’un peu grossier, sanguin, susceptible, acariâtre, rancunier et…
Mais ça, il ne faut pas le répéter, amateur de mamelles généreuses.
Orphelin dès la naissance, il a des circonstances atténuantes.
Peut-être la raison de son peu d’enthousiasme à l’idée de voyager en la compagnie de cette nouvelle arrivante, dépourvue d'appendice mammaire !
On a tendance à lui prêter toutes sortes de sobriquets, plus ou moins désagréables.
Broutard par exemple… Parce qu’il a été sevré trop tôt.
Doidorteil et autres...
Le jar, quant à lui, est, selon lui, un jar au passé aussi irréprochable que les plumes de son jabot blanc.
Une "oie blanche", au port de tête digne malgré une démarche un peu chaloupée.
Le jar, aussi prude et pur est-il, ferme les yeux sur les agissements condamnables de son ami le phacochère, et, au nom d’une tendre amitié, en arrive à prendre sa défense, faisant preuve d’une foi incommensurable.
_ Quoi ? Qu’est-ce qu’il dit le phacochère ! Halète la grenouille.
_ Je disais que si mon ami le jar pince, je donne des coups de tête mais vous ?
Que ferez-vous face à cet ignoble nez de bœuf ?
_ Mais je combattrai, comme une elfe mon Beau ! Je le darderai de mots piquants et cinglants !
_ HA HA HA
_ Ne ris pas mon vif phacochère reprit le jar d’une voix calme et douce. Tu connais le crapaud, ce chroniqueur de talent ?
Il me racontait dernièrement l’histoire d’une grenouille qui se bâtit toute une nuit contre un groupe de perroquets qui voulaient lui en conter…
Mais ne serait-ce pas vous ma Belle, cette grenouille que l’ont dit téméraire et vaillante ?
_ Heu… Ben… OUI ! Bien sûr que c’est moi ! Vous m’auriez vue…
_ Bon. Vous nous raconterez ça plus tard !
Se hâta le phacochère, froissé de ne plus être le centre d’intérêt de son compagnon.
_ Bon, Bon, si on parlait de la façon dont nous allons accommoder cette belle herbe pour le dîner… S’empressa de lancer le jar.
_ Oui, oui, je connais une recette... S’écrie la grenouille.
_ Moi aussi réplique le phacochère !
_ Vous allez d’abord écouter la mienne mes amis. imposa le jar.
Et notre jar de narrer sa recette avec des airs gourmands tout en entraînant ses compagnons vers la fin du pré.
Nous sommes en fin d’après-midi lorsqu’ils atteignent une épaisse forêt, que les derniers rayons d’un soleil fatigué d’avoir écouté le badinage de notre trio ne pénètrent plus.
_ Si nous nous arrêtions ici pour passer la nuit propose le jar…
_ Ah non, je préférerais ailleurs, dans ces taillis proteste la grenouille
_ Celle-là ! Toujours à pinailler grommelle le phacochère.
_ Dans les taillis, vous n’y pensez pas ma belle. Avec ce nez de bœuf qui rôde ! Demeurons à découvert ! Nous pourrions faire un petit feu autour duquel nous passerions la soirée à parler…
_ D’accord concède la grenouille d’un air pincé.
_ Ramasses-nous donc quelques brindilles mon Beau, susurre le jar au phacochère
Maugréant le phacochère s’exécute. Cette grenouille ! À peine arrivée qu’elle s’installe comme si elle était chez elle. Et cette façon de piailler en bondissant sur place ! MOI, moi je, moi ! Elle sait tout, elle a tout vu et les autres sont des linottes ! Je savais qu’il ne fallait pas qu’elle nous accompagne. Et ce benêt de jar qui se laisse marcher sur les palmes et qui la privilégie en plus !
Le feu allumé, le repas préparé comme le voulait la grenouille, nos trois voyageurs s’installent confortablement, les flammes se reflétant sur leurs ventres arrondis par la gourmandise, la grenouille juchée sur une pierre, gorge haute, semblant présider une assemblée.
_Ah… S’émeut le jar, alors qu’il pose un regard étonné et déçu sur son verre vide. C’est toujours lorsque j’ai le gésier débordant que je me dis qu’il y a tant de malheureux qui ont faim. Ayons une pensée pour eux.
_ Oui mon Doux coasse avec empressement la grenouille. Pauvres d’eux. Ce monde est mal fait.
_ Si mal fait… Il n’y a plus de vin ? J’en reprendrais bien un peu…
_ Le monde… Qu’est-ce qu’on en a à faire du monde ?! Le désir d’Elle… Je n’aurai de cesse que lorsque que celui qui parcourt ma soie se sera entièrement consumé ! Et ce n’est pas pour demain lance le phacochère d’un air épris.
Vous n’avez pas d’amour grenouille ? Moi, je l’aime et je m’aime, d’un amour inconditionnel. Je, nous sommes poésie…. S’extasie le phacochère.
_ Poésie ! S’il y a un poète, une poétesse ici, c’est moi !
_ Votre poésie Grenouille ! N’écrivez que pour vous attendrir et larmoyer sur votre personne les mauvais jours ! Vous valoriser les bons jours ! J’aimerais la lire !
_ Et alors ? Elle est belle ma poésie, tout le monde me le dit !
_ Il ne suffit pas qu’elle soit belle grenouille, il faut qu’elle émane de votre cœur, de vos entrailles, de vos sentiments. La mienne parle sans mot, elle est animée de mille filaments sensuels et mutins, épris et avides de notes de sexe. Notre voyage est un pèlerinage. Une déesse nous attend en ces bois.
_ Vous n’allez pas vous quereller mes amis, regardez plutôt le ciel… Toutes ces étoiles… Parmi elles se cache ma préférée… Mon étoile belge aux couleurs de la France. Je crois que je vais m’allonger et dormir en attendant demain baille le jar.
Pauvre jar ! S’exclame la grenouille. Parce qu’une étoile est au Nord, elle est belge. Si elle était au Sud, elle serait espagnole ? Je coasse…
Modifié il y a 4 ans, le jeudi 9 janvier 2020 à 13:59