Dans l'avion au départ de Tokyo, je suis assis seul à l'arrière et je tripote les boutons d'un synthétiseur de voyage et Roger est près de moi et il me chante à l'oreille "Open the rainbow", les choses disparaissent, éclatent, s'effacent, une année de plus, quelques voyages encore, une personne insensible qui s'en fout, un ennui si monumental qu'il rend humble, des décisions tellement changeantes, prises par des gens à ce point inconnues que tu finis par perdre tout sens du réel, si tu en as jamais eu, des espèrences si déraisonnables que tu deviens méfiant à l'idée de les réaliser. Roger me passe un joint, je tire une taf et regarde par le vitre, et je me détends un peu quand les lumières de Tokyo, dont je viens de comprendre que c'est une île, s'évanouissent, mais ce sentiment ne dure pas parce que Roger m'annonce que d'autres lumières dans d'autres villes, dans d'autres pays, sur d'autres planètes, vont bientôt s'allumer.
B.E. Ellis, Zombies
Je me rendis compte, alors-même que je prononçais ces mots, que la mort elle-même ne nous révèle pas pourquoi nous avons vécu. L'athée le plus convaincu ne s'imagine-t-il pas qu'à sa mort il verra bien s'il y a Dieu ou s'il n'y a rien du tout ?
"Mais voilà, m'exclamai-je, nous ne découvrons rien du tout au moment suprême. Nous nous arrêtons tout simplement. Nous passons dans la non-existence sans nous apercevoir de rien." Je me mis à rire. "Tu te rents compte ! Nous nous arrêtons, tout simplement. Nous ne saurons jamais pourquoi tout est arrivé, ni même que c'est fini ! Nous allons mourir sans rien savoir. Tout ce chaos dépourvu de sens, qui nous entoure, continuera et nous ne seront plus là pour en être témoins. Nous n'aurons même plus cette parcelle de pouvoir pour lui donner une signification dans notre esprit. Nous serons partis, morts, morts sans le savoir !"
Je ne riais plus. Je comprenais parfaitement ce que je disais !
Pas de jugement dernier, pas d'ultime explication, pas de moment lumineux durant lequel les torts les plus affreux seront redressés.
A. Rice, Lestat le vampire
"Est-ce que tu m'as jamais aimé ?" je lui retourne, même si maintenant je m'en fous complètement.
Elle se concentre.
"J'y ai réfléchi, eh bien oui je t'ai aimé une fois. J'veux dire, vraiment aimé une fois. Tout a été parfait un jour ou deux. Tu étais gentil."
Elle baisse les yeux puis continue.
"Mais on aurait dit que tu étais pas là. Et merde, tout ça est vraiment trop absurde."
Elle se tait. Je la regarde en attendant qu'elle poursuive, puis lève les yeux vers le panneau de pub. Disparaître ici.
[...] " Je ne veux pas de l'amour. Si je me mets à aimer des trucs, je sais que ça va être pire, que ça sera encore une chose qui me causera du souci. Tout est moins douloureux quand on n'aime pas."
B.E. Ellis, Moins qu zéro
Sur mon oreiller de pierre, j'ai rêvé du monde mortel au-dessus de nous ; ses voix et ses musiques m'ont bercée ; j'ai eu la vision de ses fantastiques découvertes, l'intuition de son courage, dans le sanctuaire éternel de mes pensées. Et bien que ses formes éblouissantes me soient impénétrables, j'ai ardemment souhaité la venue d'un être assez fort pour le parcourir sans crainte, pour en traverser le coeur le long de la Voie du Diable.
A. Rice, Lestat le vampire
"En face d’elle, il y celle qui me regarde tous le temps, croyant que dans un bus, on peut regarder les gens sans crainte, les dévisagent et les fusillant du regard car on est dans un endroit isolé, immobile alors que le monde du dehors bouge et change, se tranforme et vit. Le bus est le répit où elle peut fantasmer. Je hais cette idée. Le monde est pareil partout et quand elle sortira elle se dira qu’elle n’a pas assez insisté, que demain, peut etre, je serais là et que cette fois, elle esquisera un sourire, me frolera en sortant ou me posera une question d’accroche. Mais elle ne fera rien, me regardera et aura exactement les mêmes pensées ensuite. Pour paraître enjouée sans être idiote, elle écoute de la musique et tapote parfois le rythme. On croirait voir ses lèvres bouger pour chanter, ses yeux briller pour l’état de transe dans lequel la mélodie la met, bien que je sais que ces mouvements sont dus à ma présence.
[...]
"Plus loin, il y a le petit. Il doit avoir 11 ou 12 ans. Il porte aujourd’hui un pull à capuche vert, un jean large bleu délavé, ces baskets habituels. Mardi dernier, il avait un pull noir Lacoste et un autre jean large, mais vert. A ses pieds, son sac à dos marron. Il porte de fines lunettes à monture noirs, il est brun, il est coiffé au bol. Il tient ses mains l’une dans l’autre, un peu crispé. Il ne regarde rien, son regard n’est ni vide, ni fixé. Il attend, comme tous le monde devrait attendre, attendre que son arrêt arrive, et non pas chercher à s’occuper sous le prétexte qu’il faut être utile dans un bus. J’aime son attitude, j’aime son style, j’aime son naturel. Il n’est là que le mardi. Et quand je pense à lui, ce qui m’arrive étrangement souvent, je m’imagine que le mardi est son jour de défi, que les autres jours, il ne prend pas le bus, qu’il est obligé de le prendre le mardi et que cela lui fait peur. Il est petit, ils sont grands. Il est lent, ils sont pressés. Il a froid, ils sont chaleureux ou glaciales, plus ou moins vivants que lui. Le petit n’a même pas en tête tout ce que j’ai dit sur lui. Il se contente d’aller à destination, parce qu’il le faut, parce que c’est ainsi et que le bus n’est qu’un passage ordinaire, moins habituel que d’être conduit par Papa, mais tout de même assez commun et qui se passe aussi anodinement que prévu.
J’aimerais lui parler, lui dire que bientôt, ce bus deviendra son quotidien, qu’il le prendra tout les jours, si ce n’est pas encore le cas. Que bientôt il perdra son naturel car il reconnaîtra les gens qui sont autour de lui et désirera paraître plutôt que simplement être. Ou plutôt je voudrais lui parler, juste pour entendre sa voix, savoir si il a de la répartie, s’il a peur des gens plus vieux que lui, si il est courageux, franc, timide, si sa voix est hésitante, enfantine, ou déjà mure ou réfléchi. Un jour, je vais sûrement suivre le petit, voir ou il va, et quand il repart, voir où il habite.
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