Description
----------- Katarine Evanson ---------------
(Katarine de la Lyseraie)
Katarine était entrée dans le cercle de la noblesse alors qu’elle n’était encore qu’une toute jeune fille. Elle y avait été introduite par quelqu’un, certes… Mais par qui ? Le nom échappait à tous et il se révéla impossible de retrouver sa trace parmi le beau-monde, d’autant plus que personne ne revendiquait cet acte par peur du ridicule si elle avait été laide ou bête. La rumeur sans sa racine avait tout de même fait son chemin et partout on ne parlait que de la Novice, surtout dans les salons de femmes, où ce genre de ragots trouvait facilement matière à se propager.
« - Mais quel est son nom ? demandait-on à tout-va.
- Katarine de la Lyseraie, répondait la Duchesse D’Arcageth, mieux informée que quiconque ici.
- De la Lyseraie ? La fleur de Lys ? Duchesse, vous n’y pensez pas ! »
Et chacun y allait de son commentaire à grand renfort de murmures outrés. Déjà complots et menaces résonnaient partout car c’est un principe propre à l’homme que de défendre ce qu’il a à tout prix. « Si elle est jolie, disaient les uns, ridiculisons-la », « si elle est futée, ajoutaient les autres, attirons sur elle les foudres de tous qu’elle ne trouve ici aucune main alliée pour étendre son pouvoir malsain à la Cour ». Personne ne l’avait encore vue, mais tout le monde parlait d’elle et ç’en était déjà fait de Katarine.
Ce fut Madame la Dauphine en personne qui trancha tout net en organisant un grand bal. La jeune novice reçut son invitation et le soir venu, chacun attendait sans se l’avouer qu’elle fasse son apparition. Elle se présenta seule et s’attira les regards d’envie des hommes et de jalousie des femmes car elle avait eu la chance d’être fort bien mise de sa personne : deux grands yeux, maquillés au charbon, aux iris de couleur particulière, mélange si subtil de bleu roi et de vert émeraude qu’on ne pouvait les distinguer l’un de l’autre, le teint pâle et les lèvres roses, la taille fine et le port gracieux. Elle se tint avec éducation noble, qui tendait à se perdre, trouvait les bonnes phrases lorsqu’il fallait les dire et punissait avec politesse les mauvaises lorsqu’il fallait les retenir. On la trouva fort charmante mais la devinait machiavélique et les Dames s’en allèrent à sa venue. Peu la comprirent et tous la redoutèrent, sauf un, le seigneur des provinces du sud, prénommé Nathanael, qui sans doute voyait clair et osa l’approcher, ce qui lui valut le surnom de fol, dont Katarine s’amuse encore. Pendant une année entière les portes des salons furent fermées à la novice, et si elle se présentait à un bal, les femmes avaient tôt fait de lui tourner le dos. Mais au printemps, on entendit le Prince lui-même prononcer son nom et elle fut portée en grâce. Nul ne sait comment elle oeuvra pour se faire connaître du fils du roi sans passer par les échelons de la Cour, mais à l’automne elle était de toutes les fêtes et toujours à ses côtés, le fidèle Nathanael qui semblait plein de ses secrets. Parfois Katarine s’absente, ne rentre pas le soir, manque les fêtes qu’on lui propose et personne ne lui en tient jamais rigueur. Chacun veut la porter en triomphe partout où elle va, et par tant de charme, on oublie de se poser la question de savoir d’où elle vient….
-------- Mayonakano Tsukiko ------------
Littéralement, enfant de la Lune de Minuit.. Elevée entre deux jours, à l'interstice de deux vies, à la frontière de deux empires, Tsukiko n'a jamais eu de bases sur lesquelles s'appuyer. Le constant déchirement qui marque toute sa vie... Cette dualité quotidienne..
" Il était clair, mais je ne le compris que bien plus tard, au moment où je saisis le sens de l'amour, que mes parents ne s'étaient jamais aimés.. C'était une de ces unions froides et stériles qui découlent de mariages arrangés, ces deux morceaux de vies qu'on enchaîne par formalité et que l'on oublie de bercer de sentiments. La famille de mon père, à la réputation solide et froide, était née il y a des siècles, au Japon. Celle de ma mère s'était implantée en Chine pour des raisons que j'ignore encore mais que je devine salies par l'argent. On les unit, par usage et par nécéssité. De ce geste desespéré naquit un enfant. Un être venu sur ce monde pour satisfaire ce besoin excessif de pouvoir, cette volonté desespérée d'immortalité, ce désir vaniteux de perdurer, de tracer à la pierre un sillon qui traverserait les âges. C'était une fille, aux mains fragiles, trop douces pour tenir une lame, trop fines pour creuser le nom de sa famille dans la pierre. Sa mère en fut vite dégoutée.. Ses efforts insurmontables, les mains rudes d'un homme sur son corps, tout cela n'avait servi à rien.. Elle en fut profondément déçue. On me mit dans un coin et l'on me fit survivre. De mes yeux rêveurs, je regardais cette femme qui déjà berçait un homme. J'étais distraite de tout, rien ne semblait me concerner. On prit ce détachement pour de la stupidité et l'on m'envoya faire quelques courses, un jour par semaine, pour que mon existence ne soit pas complètement remisée dans un coin sombre. On ne désespérait pas de me voir jolie et vite mariée. C'était un beau matin, sur un de ces chemins rocailleux et blancs, ceux sur les rives des fleuves qui respirent la tranquilité, ceux sur lesquels j'aimais à me perdre que l'on m'enleva à ce tourment. Des mains salies par l'argent encore. Mes parents reçurent une lettre de rançon. Ils ne payèrent pas. Je ne revins jamais. Parce que les mains d'Ichini, qui avaient enserrés mes bras sur ce chemin blanc, sur les rives d'un fleuve tranquille, étaient sales et dures, mais tellement aimantes... On retrouva un seau de bois renversé, de l'eau éparpillée qui trempait le chemin et du tofu blanc qui reflétait, dans ses maintes cassures, les rayons bleus de la Lune de Minuit "