La mer.
Qu'est-ce que la mer?, se demandait Camélia.
Tantôt paisible, tantôt ardente, femme insaisissable, reine de chants et de poèmes. Elle se mue en myriades de vagues, qui, dignes de son exigence, roulent perpetuellement leur perfection, jamais brisées, sans guère de diversité dans leur couleur ou leur son. Belle et lunatique ; telle est la mer.
Une brise tendre flattait son échine, et, ce jour, sa voix était douce. Elle venait heurter calmement le pied d'une falaise, et, patiente, réitérait inlassablement ses assauts. L'écume bouillonnait aux commissures de ses lèvres bleues, mais qu'importe ! elle voyait dans ce jeu son loisir favori.
La falaise en question était haute, très haute. Elle dominait la mer, paraissait maîtresse du monde ; et elle était belle, merveilleusement belle.
La pelouse dont elle se parait ployait doucement sous les caresses du vent ; des fleurettes de printemps inclinaient leur coeur coloré ; le monde s'animait de lueurs bleutées, pourpres et dorées, et le soleil déclinait dans un horizon brouillé. Les nuages soupiraient un souffle tiède ; il louangeait une fille.
Celle-ci n'était qu'à quelques pas du bord. Elle était vêtue d'atours défiant le plus haut degré de raffinement et de magnificence ; sa robe de mousseline gris-rose bouffait aux manches et sa longue traîne était plaquée aux jambes.
La chevelure d'un blond vénitien lui retombait sur les épaules en de lourdes boucles soyeuses, où l'or et le roux se mêlaient en un ballet fantastique. Son visage aux joues délicatement rosées était maculé de taches de son : les pommettes, le nez en trompette... Les lèvres pleines s'étiraient souvent en un sourire qui se muait en un rire joyeux ; et, dès lors, les plus gros soucis s'envolaient, et les plus infimes simplement en regardant ses yeux... Ces yeux extraordinaires, à la prunelle pervenche, immenses, rieurs, aux cils longs et drus, comme faits d'or, que surplombaient des sourcils dorés, fournis, à l'oblique inattendue.
Le vent lui envoya une bourrasque plus violente, plus froide, pour la punir des réticences qu'elle portait à son amour ; elle fut forcée d'avancer de deux, puis trois pas. La terre se finirait bientôt. Elle enserra plus étroitement la rose qu'elle tenait entre ses doigts blancs ; elle se piqua à une épine, et une gouttelette de sang se forma sur son index. Alors, lentement, elle se mit à arracher les pétales de la fleur, et chacun, du rose aussi fade que la robe, fut maculé d'une tache vermeille. Elle détacha un à un tous les pétales ; jusqu'à ce qu'il n'en reste plus qu'un. Elle embrassa celui-là. Elle ne le tacha pas, le retira de sa rose avec douceur, et le vit s'envoler comme les autres, puis disparaître dans le sang du soleil. Elle savait qu'il rejoindrait la mer.
Elle ne gardait plus à présent que la tige et le coeur. Elle porta le coeur à ses lèvres, s'y attarda. Elle piqua ses doigts à chacune des épines ; offrit la rose à la houle. Elle embrassa les doigts qui avaient touché la rose, et fit un signe d'adieu au soleil. Le vent s'empara alors de la chance que cela représentait et lui vola la dernière goutte écarlate qui perlait à sa main.
Alors, Camélia sourit. Elle n'avait plus peur.
Elle savait ce qu'était la mer. C'est à elle qu'elle offrirait son âme.
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