Savil
J'ai commencé à germer.
Je sens les germes grignoter lentement ma nuque, fourmiller sur les côtés de mon cou. Sur le dos de mes mains, sur mes épaules. Peut-être bientôt sur mon front. Il me faut ingérer le Suc encore, pour combattre la germination. Pour ne pas précipiter mon déclin.
Mon équilibre interne est extrêmement fragile. Si je mange trop, je suis obligé de vomir, de recracher la bile noire que j'extraie des choses et des êtres vivants. Je fais du mal à la terre sur laquelle le Suc retombe. Et ce mal-là, je ne peux plus, ensuite, le dévorer.
Mais si je ne mange pas assez, ou si je crée trop, alors je me mets à germer. Parce que la fertilité monstrueuse de mon organisme s'affole, parce que le Suc ne permet plus de la briguer. Alors je germe. Ma chair s'emballe et pousse à même ma peau, des excroissances légères, tentaculaires, finissent par me recouvrir. J'ai déjà vu un Fermenté entièrement recouvert de germes. Je ne veux pas finir ainsi.
Vous savez, avec le Suc, je peux faire à peu près n'importe quoi. Les métamorphoses qui s'opèrent en et par moi sont infinies. Je peux refaire des simulacres de vie, des objets, des machines. On pourrait crier à la sorcellerie, mais je suis tellement au-delà de la magie. Si "puissant", dans le sens où -en théorie- je "peux". Mais trop instable et trop fragile pour être capable d'exploiter à fond l'une ou l'autre de mes capacités.
Suis-je heureux ? Je ne crois pas, non.
Découvre les profils similaires à proximité susceptibles de t'intéresser !