Description
(...)
Et depuis Thomas… Depuis…
Tous les jours, j’arpente les couloirs de ma bibliothèque.
Sur certaines étagères, je vois les livres que j’aimais. Ailleurs – est-ce plus bas ou plus haut, au fond ou près de la porte ? – j’entraperçois le visage de ceux que j’ai aimés : Rosa a le sourire de Jayne, Damien l’ombre de Brad, Lili s’étire dans la clairière aux bourgeons. Dans les couloirs, les arbres poussent, la mer s’enroule, les montagnes se resserrent. Des coquelicots s’avancent dans un ciel violet.
Et les pages s’envolent, disparaissent avant de redescendre sur les rayonnages, les branchages, un nuage qui repose sur le sol.
Et plus j’avance, plus ma bibliothèque grandit. Je ne savais pas qu’elle avait tant de recoins. J’ouvre un livre inconnu, respire le parfum d’une rose sans nom, caresse un songe qui bêle.
Je ne fais aucun bruit. J’ai si peur qu’elle ne s’efface.
Nous avons tous notre bibliothèque. Certains la rangent par ordre alphabétique, par thème, d’autres par couleurs. Moi, je la range par histoire : l’histoire de tous ceux que j’ai aimés. C’est aussi simple que cela, Thomas. Voilà pourquoi je suis devenue le livre de la bibliothèque. Pour sauver de l’oubli mes souvenirs. Mais ils empêchent de vivre. »
Thomas la serra contre lui. La mer luisait sous la lune ronde.
— Et toi, comment est ta bibliothèque ? ne put s’empêcher de demander Mellie.
Il mit si longtemps avant de répondre qu’elle crût qu’il ne l’avait pas entendu.
— Toi, Mellie. Toi. Tu es ma bibliothèque.
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