LE VAISSEAU D'OR
C'était un grand Vaisseau taillé dans l'or massif.
Ses mâts touchaient l'azur sur des mers inconnues;
La Cyprine d'amour, cheveux épars, chairs nues,
S'étalait à sa proue, au soleil excessif.
Mais il vint une nuit frapper le grand écueil
Dans l'océan trompeur où chantait la Sirène,
Et le naufrage horrible inclina sa carène
Aux profondeur du Gouffre, immuable cercueil.
Ce fut un Vaisseau d'Or, dont les flancs diaphanes
Révélaient des trésors que les marins profanes,
Dégoût, Haine et Névrose ont entre eux disputés.
Que reste-t-il de lui dans la tempête brève ?
Qu'est devenu mon coeur, navire déserté ?
Hélas ! Il a sombré dans l'abîme du Rêve !
EMILE NELLIGAN
TENEBRES
La Détresse a jeté sur mon coeur ses noirs voiles
Et les croassements de ses corbeaux latents ;
Et je rêve toujours au vaisseau des Vingt ans,
Depuis qu'il a sombré dans la mer des étoiles.
Ah ! Quand pourrai-je encor comme des crucifix
Etreindre entre mes doigts les chères paix anciennes,
Dont je n'entends jamais les voix musciennes
Monter dans tout le trouble où je geins, où je vis ?
Et je voudrais rêver longuement, l'âme entière,
Sous les Cyprès de mort, au coin du cimetière
Où gît ma belle enfance au glacial tombeau.
Mais je ne pourrai plus ; je sens des bras funèbres
M'asservir au Réel, dont le fumeux flambeau
Embrase au fond des Nuits mes bizarres Ténèbres !
EMILE NELLIGAN
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