Fume | Non |
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59-
Au train où vont les choses, les choses où vont les trains vont cesser d'être des gares. Pierre Dac
Il y a deux sortes de gens: ceux qui disent qu'il y a deux sortes de gens, et les autres. Charles de Gaulle
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60-
Certains matins elle révise son emploi du temps
Imagine ce qu'elle doit faire et se dit... et puis non
Elle paresse
Au ralenti elle glisse de la cafetière à la fenêtre
Elle aimerait entendre un disque mais il faudrait le mettre
Et rien ne presse
Mademoiselle paresse à Paris
Elle traîne, elle pérégrine
Son altesse caresse aujourd'hui
L'idée d'aller à la piscine
Elle descend dans la rue, il est 16h, elle marche lentement
S'assoit sur un banc pour étudier le chemin le plus long
Le transport le plus lent
Le métro pourquoi pas mais y'a pas de grève en ce moment
Quant au bus il est trop tôt pour être bloqué dans les bouchons
Alors à quoi bon
Mademoiselle paresse à Paris
Elle traîne, elle pérégrine
Son altesse caresse aujourd'hui
L'idée d'aller à la piscine
Le transport qu'elle préfère c'est la balançoire
On bouge d'avant en arrière en prenant du retard
Elle rallonge par le square
C'est la fermeture quand elle arrive au guichet
Elle s'en veut de rater de si peu, à quelques minutes près
Un peu plus elle rentrait
Faut pas compter sur la chance, alors demain elle jure
D'évaluer mieux les distances pour être bien sûr
D'arriver en retard
Sans rien devoir au hasard.
Mademoiselle paresse à Paris
Elle traîne, elle pérégrine
Son altesse caresse aujourd'hui
L'idée d'aller à la piscine
Paresseuse
Bénabar
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61-
Proverbe juif :
« On ne transmet que deux choses à ses enfants : les racines et les ailes. »
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62-
Un terrain vague, de vagues clôtures, un couple divague sur la maison future. On s'endette pour trente ans, ce pavillon sera le nôtre, et celui de nos enfants corrige la femme enceinte. Les travaux sont finis, du moins le gros oeuvre, ça sent le plâtre et l'enduit et la poussière toute neuve.
Le plâtre et l'enduit et la poussière toute neuve.
Des ampoules à nu pendent des murs, du plafond, le bébé est né, il joue dans le salon. On ajoute à l'étage une chambre de plus, un petit frère est prévu pour l'automne. Dans le jardin les arbres aussi grandissent, on pourra y faire un jour une cabane.
On pourra y faire un jour une cabane.
Les enfants ont poussé, ils sont trois maintenant, on remplit sans se douter le grenier doucement. Le grand habite le garage pour être indépendant, la cabane, c'est dommage, est à l'abandon. Monsieur rêverait de creuser une cave à vins, Madame préfèrerait une deuxième salle de bain.
Ça sera une deuxième salle de bain.
Les enfants vont et viennent chargés de linge sale, ça devient un hôtel la maison familiale. On a fait un bureau dans la p'tite pièce d'en haut, et des chambres d'amis, les enfants sont partis. Ils ont quitté le nid sans le savoir vraiment, petit à petit, vêtement par vêtement.
Petit à petit, vêtement par vêtement.
Ils habitent à Paris des apparts sans espace, alors qu'ici il y'a trop de place. On va poser tu sais des stores électriques, c'est un peu laid c'est vrai, mais c'est plus pratique. La maison somnole comme un chat fatigué, dans son ventre ronronne la machine à laver.
Dans son ventre ronronne la machine à laver.
Les petits enfants espérés apparaissent, dans le frigo, on remet des glaces. La cabane du jardin trouve une deuxième jeunesse, c'est le consulat que rouvrent les gosses. Le grenier sans bataille livre ses trésors, ses panoplies de cow-boys aux petits ambassadeurs, qui colonisent pour la dernière fois la modeste terre promise, quatre murs et un toit. Cette maison est en vente comme vous le savez, je suis, je me présente, agent immobilier. Je dois vous prévenir si vous voulez l'acheter, je préfère vous le dire cette maison est hantée. Ne souriez pas Monsieur, n'ayez crainte Madame, c'est hanté c'est vrai mais de gentils fantômes. De monstres et de dragons que les gamins savent voir, de pleurs et de bagarres, et de copieux quatre-heures, "finis tes devoirs", "il est trop lourd mon cartable", "laisse tranquille ton frère", "les enfants : à table !".
Écoutez la musique, est-ce que vous l'entendez ?
Quatre murs et un toit
Bénabar
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63-
« La gravitation ne peut quand même pas être tenue responsable du fait que les gens tombent amoureux. »
Albert Einstein
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64-
Lundi 5 décembre 2005
Gémeaux : Une journée qui se traîne en longueur. Vous n’avez qu’une envie : retrouver votre lit le plus vite possible.
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65-
« Lorsqu’il s’agit des hommes, rien n’est jamais garanti d’avance, ni le pire ni le meilleur.
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66-
Tout est mystère dans l’Amour,
Ses Flèches, son Carquois, son Flambeau, son Enfance.
Ce n’est pas l’ouvrage d’un jour
Que d’épuiser cette Science.
Je ne prétends donc point tout expliquer ici.
Mon but est seulement de dire à ma manière,
Comment l’Aveugle que voici
(C’est un Dieu), comment, dis-je, il perdit la lumière ;
Quelle suite eut ce mal, qui peut-être est un bien ;
J’en fais juge un Amant, et ne décide rien.
La Folie et l’Amour jouaient un jour ensemble.
Celui-ci n’était pas encor privé des yeux.
Une dispute vint : l’Amour veut qu’on assemble
Là-dessus le Conseil des Dieux.
L’autre n’eut pas la patience ;
Elle lui donne un coup si furieux,
Qu’il en perd la clarté des Cieux.
Vénus en demande vengeance.
Femme et mère, il suffit pour juger de ses cris :
Les Dieux en furent étourdis,
Et Jupiter, et Némésis,
Et les Juges d’Enfer, enfin toute la bande.
Elle représenta l’énormité du cas.
Son fils, sans un bâton, ne pouvait faire un pas :
Nulle peine n’était pour ce crime assez grande.
Le dommage devait être aussi réparé.
Quand on eut bien considéré
L’intérêt du Public, celui de la Partie,
Le résultat enfin de la suprême Cour
Fut de condamner la Folie
A servir de guide à l’Amour.
L’Amour et la Folie
Jean de La Fontaine
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67-
Ne pleurez pas sur ma tombe je ne suis pas là.
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68-
Besoin de vérité quand tout est surfait,
Et le temps qui passe,
Et le temps qui n’efface pas la trace,
Du chemin parcouru et des chemins à venir,
Je me suis si souvent perdue
Je n’ai jamais cessé de fuir.
On a tous une place pour un cri d’amour,
Même si l’on ne comprend pas tout
Et que parfois on ne comprend rien,
Rien, sinon que rien ne va plus,
Et qu’on ne reverra plus,
Ceux qu’on aime.
Tu es passée de l’autre côté, de l’autre côté,
Tu es passée de l’autre côté, juste de l’autre côté
La source de ton silence coule encore dans mes veines,
Mais les tourments de ton âme ont fait plus de bruits que ma peine,
Et, j’ai vraiment du mal à croire,
Que l’ont ai si peu à se dire,
Quand on sait que l’on va mourir.
La source de ton silence coule encore dans mes veines,
Mes vaines espérances de retrouver une enfance,
Mais, quand la paix renaît de tes cendres,
Et que tes cendres nous rassemblent,
C’est la vie qui recommence.
Tu es passée de l’autre côté, de l’autre côté,
Tu es passée de l’autre côté, juste de l’autre côté
Les gens qui partent, c’est comme un mois de novembre,
Les nuits sont plus longues et nos racines tremblent,
Mais, ils ouvrent dans nos cœurs,
Une porte vers un ailleurs,
Pour grandir et cesser de fuir.
De l’autre côté
Ginkobiloba
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69-
« « La cybérie » malgré toute l’agitation qui y règne, se présente comme un monde froid. »
« Sur les écrans n’y figurent que les résultats déjà obtenus, prêts à être empaquetés, combinés, manipulés, distribués à la demande. »
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70-
J’aimerai être une mouche,
Pour me poser sur ta bouche,
Et sans en avoir l’air comprendre tes mystères,
M’envoler dans tes mots
Et me rouler dans le flot de tes paroles
Ephémères.
J’aimerai être une mouche,
Pour survoler ta couche et
Harceler tes amants
Pour qu’ils ne te touchent,
D’déshabiller ta peau
Et me rouler sur ton dos,
Sans craindre l’imaginaire.
J’aimerai être une mouche,
Pour boire l’eau de ta douche
Et sentir le parfum
De ton corps si farouche,
Te surprendre au matin
Sans fard ni retouche.
J’aimerai être une mouche,
Pour survoler ta couche et
Harceler tes amants
Pour qu’ils ne te touchent,
D’déshabiller ta peau
Et me rouler sur ton dos,
Sans craindre l’imaginaire.
J’aimerai être une mouche,
Une mouche manouche
Pour te suivre à la trace,
Sans la peur du temps qui passe,
Et passer tout mon temps
A claquer mes ailes au vent
Et puis : s’envoyer en l’air…
J’aimerai être une mouche,
Pour te suivre à la trace,
Sans la peur du temps qui passe,
Et passer tout mon temps
A te murmurer le chant
De ces amours qui nous dépassent.
La mouche
Ginkobiloba
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71-
- Tout se résume à la nature et au travail de l’homme.-
- Face à un public divers il faut savoir adapter son langage.-
- Trop de population tue la population.-
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72-
Elle se pencha et aperçut un bras qui s’agitait sous elle.
S’agenouillant, elle vit Paul, le teint blanc comme un linceul, recroquevillé sous le tablier du plateau d’opération.
- Qu’est-ce que vous faites là ? demanda-t-elle, stupéfaite.
- Vous êtes revenue ? réussit à dire Paul d’une voix à peine audible, avant de s’évanouir.
Lauren appuya fortement sur les points d’ancrage de ses mandibules, causant une douleur bien plus efficace que n’importe quels sels d’ammoniaque.
Paul rouvrit les yeux.
Je voudrais sortir, supplia-t-il, mais j’ai les jambes terriblement faibles, je ne me sens pas très bien.
Lauren résista à l’envie de rire et demanda à l’anesthésiste de bien vouloir lui préparer une sonde d’oxygène.
- Ca doit être l’odeur de l’éther, dit Paul d’une voix tremblante. Ca sent un peu l’éther ici, non ?
Granelli haussa les sourcils, il appareilla la sonde et ouvrit le débit d’air au maximum. Lauren appliqua le masque sur le visage de Paul qui reprit quelques couleurs.
- Ah ! c’est très agréable, dit-il ça fait beaucoup de bien, c’est un peu comme à la montagne.
- Taisez-vous et respirez à fond.
- C’est affreux, les bruits que j’ai entendus, et puis la poche là-bas au bout, elle s’est remplie de sang…
Et de nouveau, Paul perdit connaissance.
- Je ne veux pas interrompre ce tête-à-tête, ma chère, mais il est temps de suturer le patient qui se trouve sur la couchette du dessus !
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Paul resta le regard fixé au-dehors.
- J’ai encore trop de défauts pour rencontrer la femme de ma vie, mais je voudrais changer tu sais.
- Tu voudrais changer quoi ?
- Cet égoïsme qui me fait te parler de moi alors que je suis au chevet de ton lit d’hôpital, par exemple. Je voudrais être comme toi.
- Tu veux dire avec un turban sur la tête et une migraine de cachalot ?
- Réussir à m’abandonner sans avoir la trouille au ventre, à vivre les défauts de l’autre comme des fragilités sublimes.
- C’est d’aimer dont tu parles ?
- Quelque chose comme ça, oui. C’est tellement incroyable ce que tu as fait.
- M’être fait percuter par un side-car ?
- Avoir continué à l’aimer sans retour. Avoir su te nourrir du seul sentiment que tu lui portais, avoir respecté sa liberté, te contenter du fait qu’elle existe sans chercher à la revoir, juste pour la protéger.
- Ce n’est pas pour la protéger, Paul, c’est pour lui laisser le temps de s’accomplir. Si je lui avais dit la vérité, si nous avions vécu cette histoire, je l’aurais éloignée de sa vie.
- Tu l’attendras tout ce temps-là ?
- Autant que je le pourrai.
Vous revoir
Marc Levy
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Quel est le son produit par une seule main en train d'applaudir?
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74-
Belle, très au-dessus de toute la contrée
Se dresse éperdument la tour demesurée
D'un gothique beffroi sur le ciel balancé
Attestant les devoirs et les droits du passé,
Et tout en haut de lui le grand lion de Flandre,
Hurle en cris d'or dons l'air moderne
" Osez le prendre"
Paul Verlaine
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La véritable question éthique, ce n'est pas cependant la prétendue dignité de l'animal, mais la dignité de l'homme de son rapport à l'animal.
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Je suis capable de sentir sur mon corps la moindre alternance d’ombre et de lumière – un contact pour moi plus sensuel encore que les courbes d’une femme. Les délices de la chair ne me sont pas interdits, c’est de la lumière dont je dois faire abstinence. Aussi, le moindre effleurement de photons a sur moi des effets érotiques. Chaque faisceau courant sur ma peau est une caresse. Ici, au tréfonds de ce bungalow, je ne percevais aucun attouchement lumineux sur mon corps, j’étais un simple prolongement de l’obscurité, une partie insécable d’elle-même.
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Maureen mettait Lizzie au lit, la bordait doucement lorsque ça a commencé… Lizzie s’est mise à hurler…
Delacroix avala une autre gorgée. Il reposa son verre. A la sonorité de l’impact, celui-ci était vide.
Je me trouvais dans la cuisine, et j’ai entendu ma Lizzie…ma petite Lizzie terrorisée… ses hurlements. J’ai accouru dans sa chambre. Elle était prise de convulsions… elle donnait des coups de poing, des coups de pied… Maureen ne parvenait pas à la maîtriser. J’ai eu peur qu’elle ne se morde la langue. Je l’ai plaquée sur le lit et pendant que je lui ouvrais la bouche, Maureen pliait une chaussette… pour en faire une sorte de tampon… pour éviter à Lizzie de se mordre. Mais il y avait quelque chose… quelque chose dans sa bouche… Pas sa langue… Quelque chose qui lui remontait de la gorge… quelque chose de vivant.Elle gardait les yeux fermés. Soudain, elle les a ouverts. Son œil gauche était rouge sang. Quelque chose bougeait aussi dans son œil, une espèce de chose qui se tortillait…
En pleurs, Delacroix éteignit le magnétophone. Combien de temps avait-il fallu au malheureux pour retrouver ses esprits ? La bande ne le disait pas. Un nouveau clic, et l’enregistrement reprit.
J’ai couru dans notre chambre pour prendre mon… mon revolver… et je suis revenu. En passant devant la porte de la chambre de Freddie, j’ai vu mon fils. Il était debout devant son lit, les yeux écarquillés. Terrorisé. Je lui ai dit de se mettre au lit et de ne pas bouger, que j’arrivais tout de suite. Dans la chambre de Lizzie… Maureen était contre le mur, les mains sur les tempes. Lizzie continuait à se débattre… Oh ! mon Dieu… son visage était tout enflé… tout déformé… tous ses os étaient tordus… Ce n’était plus ma Lizzie. Il n’y avait plus aucun espoir. C’était cet endroit de malheur, l’Autre Côté qui passait par elle, comme si ma Lizzie était une simple porte. Ca passait par elle. Oh ! Seigneur, je m’en veux tellement. J’ai participé à tout ca. J’ai ouvert cette porte, cette porte entre ici et l’Autre Côté. J’ai rendu ça possible ! C’est moi qui ai ouvert la porte ! Et voilà que ma Lizzie était… je devais la tuer… alors j’ai tiré… deux fois. Elle est retombée sur le lit. Morte. Elle paraissait si frêle, si immobile… Mais si quelque chose vivait encore en elle ? Maureen avait toujours les mains pressées contre ses tempes. Elle à dit : « Ca palpite. » Elle voulait dire que c’était dans sa tête, à présent. Moi aussi je le sentais, ça remontait ma colonne… Ca palpitait en rythme avec la chose qu’il y avait en Lizzie, qu’il y a toujours en Lizzie. Alors Maureen a dit … c’était si surprenant… si inattendu… elle a dit : « Je t’aime. » Parce qu’elle avait compris. Je lui avais parlé de l’autre monde, de la mission. Elle savait comment j’avais été infecté. C’était resté en sommeil pendant deux ans, mais j’avais été bel et bien infecté. Et eux aussi. J’avais détruit nos vies, je nous avais tous condamnés, et elle le savait. Et elle savait ce que je devais faire à présent. Alors elle m’a dit : « Je t’aime », pour me montrer qu’elle était d’accord. Je lui ai répondu que je l’aimais aussi, plus que tout, et que je regrettais tellement. Elle s’est mise à pleurer et j’ai tiré… une seule fois, tout de suite, pour que Maureen, ne souffre pas. Et puis… et puis, Oh ! Seigneur…, je suis retourné dans la chambre de Freddie. Il était allongé dans son lit, sur le dos, le visage en sueur, les cheveux collés sur le front, les mains refermées sur son ventre. Lui aussi sentait bouger en lui, dans son ventre… Moi, ça s’agitait dans ma poitrine et mon bras gauche, comme une veine qui bat, dans mes testicules, puis de nouveau dans ma colonne. Je lui ai dit que je l’aimais. Je lui ai demandé de fermer les yeux… fermer les yeux… que j’allais le soulager. Je ne me croyais pas capable de faire ça, mais je l’ai fait. Mon fils… Mon enfant… Un garçon si gentil. Je l’ai soulagé… Et lorsque j’ai tiré, tous les mouvements en moi ont cessé. Tous. Complètement. Mais ce n’est pas fini. Je ne suis pas seul. Dans mon corps, il y a des… hôtes. Un poids. Une présence… Tout est calme et silencieux. Mais pas pour longtemps… Pas pour longtemps… J’ai rechargé le revolver.
Jusqu'au bout de la nuit
Dean Zoontz
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"Je suivais la voiture qui me précedait qui après que je l'ai dépassée m'a suivi. C'est alors, qu'elle m'a choqué en plein derrière et m'a forcé à la choquer mais aussi le derrière de celle qui était devant."
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78-
L'avenir nous inquiétait hier parce que nous étions impuissants, il nous effraie aujourd'hui par les conséquences de nos actes, que nous n'avons pas les moyens de discerner. Lucides, nous sentons que notre maîtrise des choses est à la fois démesurée et imcomplete: suffisante pour que nous ayons conscience de faire l'histoire, inssuffisante pour que nous sachions quelle histoire nous sommes effectivement en train de faire.
Les Petites Pommes du Savoir
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79-
Au dessus de la cheminée une grande horloge s'était arrêtée à six heures et plus personne ne savait s'il s'agissait d'un soir ou d'un matin.
La prochaine fois
Marc Levy
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Phrases d'un jour
- La conscience, une maladie qui nous sépare chaque jour un peu plus de l'animal.
- Merveilleux peintre des chats et des misères humaines, il repose sous un arbre, dans le coin sud-est du cimetière. ("Ensemble, c'est tout", Anna Gavalda)
- Je suis celle qui suscite l'envie
Comme vous je ne peux attendre
Tout en rondeurs, tout en saveurs
Je suis douceur et legerte
Je suis le plaisir
Je suis la ... ?
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Mes lectures 2006:
- Jusqu'au bout de la nuit
- Ma mère mon bourreau
- Catherine tome I et II
- Kidnappée par erreur
- La prochaine fois
- L'éducation d'une fée
- La jeune fille à la perle
- Derriere le masque
- La femme qui en savait trop
- Qu'est ce que Thérèse? C'est les marroniers en fleurs
- Rien de grave
- Ensemble, c'est tout
- La cicatrice
- Dans la peau d'un garçon
- Plus jamais seule
- Eloge des femmes mûres
- Celui que j'aime
- La fête des écoles
- Manuella
- Le chemin du diable
- Fiançailles illusoires
- Harry Potter et le Prince de Sang-Melé
- Les Printemps de ce monde
- Nos amis les humains
- L'ultime secret
- Le feu et la glace 1. Anne
- Le feu et la glace 2. Webb
- Corps étranger
- La Vierge en bleu
- Sur le bord de la rivière Piedra je me suis assise et j'ai pleuré
- Les cinq personnes que j'ai rencontré la haut
- L'Hotel de la Vieille Lune
- La poursuite du bonheur
- Sauve moi
- Et après...
- Des fleurs pour Algernon
- Geisha
- Le voyage d'Anton
- Juste un regard
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82-
Elle écrit seule à sa table et son café refroidit
Quatre mètres infranchissables, un bar un après-midi
J'avais rendez-vous je crois, j'avais pas le temps
Avec un pape ou peut-être un président
Mais la fille est jolie et les papes sont souvent patients
Elle était là dans son monde, son monde au beau milieu du monde
Loin, ses yeux posés ailleurs, quelque part à l'intérieur
Plongée dans son livre, belle abandonnée
En elle je lis tout ce qu'elle veut cacher
Dans chacun de ses gestes un aveu, un secret dans chaque attitude
Ses moindres facettes, trahie bien mieux que par de longues études
Un pied se balance, une impatience, et c'est plus qu'un long discours
Là, dans l'innocence et l'oubli
Tout était dit
On ne ment qu'avec des mots, des phrases qu'on nous fait apprendre
On se promène en bateau, pleins de pseudo de contrebande
On s'arrange on roule on glose on bienséance
Mieux vaut de beaucoup se fier aux apparences
Aux codes des corps, au langage de nos inconsciences
Muette étrangère, silencieuse bavarde
Presque familière, intime plus je te regarde
Dans chacun de tes gestes un aveu, un secret dans chaque attitude
Même la plus discrète ne peut mentir à tant de solitude
Quand ta main cherche une cigarette c'est comme une confession
Que tu me ferais à ton insu
A ta façon de tourner les pages, moi j'en apprends bien davantage
La moue de ta bouche est un langage, ton regard un témoignage
Tes doigts dans tes cheveux s'attardent, quel explicite message
Dans ton innocence absolue
Et ce léger sourire au coin des lèvres c'est d'une telle indécence
Il est temps de partir, elle se lève, évidente, transparente
Sa façon de marcher dans mon rêve, son parfum qui s'évanouit
Quand elle disparaît de ma vie
Tout était dit
Tout était dit
Tout était dit
J.J Goldman
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83-
Les forts s'énorgueillissent de leurs fautes. Les timides ont de la peine à supporter la faute des autres. Sachant qu'ils n'oseront pas leur dire leur fait, ils les évitent, les fuient. Comme des coupables.
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Nul n'entendit jamais le malheur des muets.
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" Je vois clairement deux faits distincts: l'éducation et l'instruction. L'éducation, c'est la famille qui la donne ; l'instruction, c'est l'Etat qui la doit. L'enfant veut être élevé par la famille est instruit par la patrie. Le père donne à l'enfant sa foi ou sa philosophie; l'Etat donne à l'enfant l'enseignement positif. De là, cette évidence que l'éducation peut être religieuse et que l'instruction doit être laïque. Le domaine de l'éducation, c'est la conscience ; le domaine de l'instruction, c'est la science. Plus tard, dans l'homme fait, ces deux lumières se complètent l'une par l'autre."
Coulonges Georges
"La fête des écoles"
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84-
"Si tous les cons volaient, il ferait nuit."
Brassens Georges
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85-
- Quel trafic avec ce renault espace... euh mégane espace...
- Le scenic maman.
- Oui mais qui est une mégane aussi et où il y a beaucoup d'espace!
Dialogue matinal
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On était mercredi. Il faisait toujours aussi froid dehors. Pendant la nuit, l’encre avait gelé dans les encriers. Il n’était que sept heures, heureusement : elle aurait le temps de dégeler avant l’arrivée des enfants. Charles cherchait sur son livre une leçon de morale tout en pensant, de nouveau, à son père. Il s’arrêta à la page trente devant celle qui, chaque année, l’émouvait plus que de raison. Elle racontait l’histoire de ce vieil homme qui mangeait seul, à l’écart de la table familiale, dans une écuelle.
L’enfant de cette famille de paysans en était frappé, ne comprenait pas. Un jour, son père, en le voyant creuser du bois avec son couteau, lui demandait ce qu’il faisait là. L’enfant lui répondait qu’il fabriquait une écuelle pour le jour où lui, son propre père, serait vieux aussi. Le soir même, le père faisait asseoir l’aïeul à la table et lui donnait une assiette, comme à tous les membres de la famille.
Les Printemps de ce monde
Christian Signol
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87-
Monsieur le Président
Je vous fais une lettre
Que vous lirez peut-être
Si vous avez le temps
Je viens de recevoir
Mes papiers militaires
Pour partir à la guerre
Avant mercredi soir
Monsieur le Président
Je ne veux pas la faire
Je ne suis pas sur terre
Pour tuer des pauvres gens
C'est pas pour vous fâcher
Il faut que je vous dise
Ma décision est prise
Je m'en vais déserter
Depuis que je suis né
J'ai vu mourir mon père
J'ai vu partir mes frères
Et pleurer mes enfants
Ma mère a tant souffert
Elle est dedans sa tombe
Et se moque des bombes
Et se moque des vers
Quand j'étais prisonnier
On m'a volé ma femme
On m'a volé mon âme
Et tout mon cher passé
Demain de bon matin
Je fermerai ma porte
Au nez des années mortes
J'irai sur les chemins
Je mendierai ma vie
Sur les routes de France
De Bretagne en Provence
Et je dirai aux gens:
Refusez d'obéir
Refusez de la faire
N'allez pas à la guerre
Refusez de partir
S'il faut donner son sang
Allez donner le vôtre
Vous êtes bon apôtre
Monsieur le Président
Si vous me poursuivez
Prévenez vos gendarmes
Que je tiendrai une arme
et que je sais tirer ...
Boris Vian
"Le déserteur"
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88-
Ils me jettent des cailloux. Ils me jettent toujours des cailloux quand je passe devant chez eux. Parfois, ils lancent leurs chiens à mes trousses et s’esclaffent comme de gros porcs quand je pisse dans mon froc alors que les dents canines se plantent dans mes mollets ou dans mon dos. Les enfants sont les plus cruels.
Un jour, toute une bande de galopins a jailli de nulle part et m’est tombé dessus. Après m’avoir attaché à un poteau, ils m’ont badigeonné de poix. Pendant des heures qui m’ont paru des jours, ils ont joué à approcher des torches. Quand un crépitement annonçait un embrasement trop proche et que mes cris leur vrillaient les tympans, ils se reculaient, leurs bouches tordues de rires infâmes. Lassés de leur jeu idiot, ils m’ont laissé, lié comme un rôti, après m’avoir roué de coups.
Ils me jettent des cailloux. Ils me jettent des cailloux quand je passe devant chez eux. Pas Blanche. Elle est belle, Blanche. Si belle. Ses longs cheveux blonds cascadent sur ses épaules et coulent jusqu’à ses hanches. Elle me sourit, Blanche. Elle me sourit sans jamais me parler avec sa bouche. Blanche est muette. Mais je l’entends parler dedans ma tête. Elle dit de jolies choses, Blanche. Belle, Blanche.
Ce matin, la rosée perle encore sur les brins d’herbe et le soleil chante en caressant les jeunes feuilles des arbres. Mon cœur danse dans ma poitrine. Blanche et moi avançons le long de la berge. L’ourlet de sa robe paraît plus foncé à cause de l’humidité du sentier. Elle s’en moque. Je lève la main pour lui indiquer un merle qui sautille non loin de nous. Son sifflement appelle une réponse qui ne se fait pas attendre. L’air est déjà tiède et la rivière nous attend.
Arrivés à la clairière, Blanche lâche ma main. Elle se dirige vers la pierre sur laquelle elle posera délicatement ses habits. Tout est porcelaine chez Blanche. Je jette mes frusques en tas et l’épie du coin de l’œil. Elle rit et se moque gentiment. Tout est pureté chez Blanche. Nous avançons, main dans la main, vers l’eau, toute proche.
C’est à ce moment qu’ils sont arrivés. Leurs cris de barbares fendent l’air. Leurs coups pleuvent sans que je puisse les empêcher de se saisir de Blanche. Ils rient comme des fous. Et je crie. Je crie. Ils disent que je beugle et qu’ils vont la faire beugler elle aussi. Ils disent qu’elle est une salope et que je la saute alors eux aussi. Blanche, ma Blanche.
Ils m’ont ficelé à l’arbre et l’ont jetée au sol. Blanche, ma Blanche. La corde entre dans ma chair pendant qu’ils déchirent la fine chemise de Blanche. Comme elle se débat, ils la frappent. Et alors... Et alors... Ils l’ont violée. A tour de rôle. Ou à plusieurs. Mes cris de rage résonnent dans la clairière. Les larmes ravagent le visage de Blanche. Ils veulent la faire hurler, elle, la muette. Aucun son ne sortira de sa gorge.
Maintenant, elle ne bouge plus.
Poupée de chiffon sanguinolente. Longtemps, j’ai pleuré à ses côtés. Le soleil pleurait aussi. J’ai rhabillé Blanche. Je marche avec son corps frêle qui pèse si lourd dans mes bras. Ses longs cheveux frôlent mes jambes nues au rythme de mes pas. Jusqu’aux premières maisons.
Tous les yeux du village sont braqués sur nous. Les hurlements se font sirènes : « L’idiot, c’est l’idiot ! » « Il l’a tuée ! Mon Dieu, il l’a tuée ! » « Tu es mort, bâtard ! » « Qu’on le pende ! Qu’on le pende ! » Alors j’éclate de rire. Et mon rire les surprend. Ils peuvent bien me pendre, je suis déjà mort. Je vivais pour le sourire de Blanche et ses jolis mots qui dansaient dans ma tête. Ils ne dansent plus ses mots. J’aimais la sarabande échevelée de ses mots d’amour. Ils ont tué la chanson en violant son corps si beau, si pur. C’est à ces instants que je suis devenu fou. Fou de douleur.
Ils me jettent des cailloux. Ils me jettent des cailloux pendant que les autres me passent la corde au cou. Dans quelques minutes, ils n’auront plus d’idiot du village. Sur qui vont-ils les jeter leurs cailloux ? Et j’éclate de rire. J’éclate de rire. Comme un idiot.
L’idiot du village
Cali Rise
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89-
Y’a Paris, la capitale, qui renifle son trou de bals,
Intra-muros c’est brillant, dehors c’est pour les paysans.
D’ailleurs s’il n’en restait qu’une, ce serait sûr’ment celle-là :
Qu’une aussi con que la lune et prétentieuse, comme il se doit.
Mais Paris, ça reste en France, les Français restent des Français,
Les chevilles en évidence, le nombril insatisfait !
À Rennes où il fait bon vivre, j’y ai vu - pardonnez-moi,
Des masses de foules ivres, des seringues plein les bras,
Un soir, une chose amusante, sur la route, croyez-moi :
La police qui plaisante d’un cadavre sur le toit.
Mais Rennes, ça reste en France, les Français restent des Français,
Des reins en convalescence, des poumons dans le regret.
Puis y’a Bordeaux la bourgeoise avec son grand cru classé
Que l’on déguste dans l’extase, dans les grands lieux new-yorkais
Qui indique à sa mémoire ce qui est bon, ce qui est mauvais :
Si pour Papon, c’est un trou noir, le Girondin c’est un succès.
Mais Bordeaux, ça reste en France, les Français restent des Français
Des trouillards de gauche en transe ou des cons de droite muets.
À Toulouse, la ville rose, peut-être sont-ils un peu chauvins ?
Quand ils jacassent pas du rose, ils te parlent des Toulousains,
Ils ont un patois bien sûr, qu’ils utilisent parfois,
Pour écrire sur les murs d’une usine : « Plus jamais ça ».
Mais Toulouse, ça reste en France, les Français restent des Français,
Des canards qui l’été dansent sur des rythmes « afro-laid ».
Puis il y a Marseille, celle qui a son port si charmant,
Sa Méditerranée belle, sa sardine et ses harengs.
Comme un tout petit village, un hameau ensoleillé,
Qui n’a qu’un désavantage : d’être rempli de Marseillais !
Mais Marseille, ça reste en France, les Français restent des Français,
Des grandes gueules à qui l’on pense, quand on veut avoir la paix.
Entre le Rhône et la Saône, il y a Lyon et ses reflets.
En banlieue, il y a sa zone, ses odeurs et ses rejets.
Sa gastronomie connue, qui veut nous faire oublier
Pour ne pas être déçus, tous ces scandales financiers.
Mais Lyon, ça reste en France, les Français restent des Français.
Des bonnes bouffes en concurrence, des non-dits sur le palais.
Lorsque j’ai connu Strasbourg pour la toute première fois
Je pensais trouver l’amour dans les rues de celle-là
Mais il y eut soudain un doute dans cette ville un peu cruche
Où l’on me parlait de choucroute, d’Europe et de flamenkuche
Mais Strasbourg, ça reste en France, les Français restent des Français
L’égalité en « free-lance », l’humanité qui s’essaie.
Il y a Lille dans le nord comme il y a le nord en Lille
Des grands hommes gras et forts ou des consanguins débiles
Les grands projets planétaires qui dépensent sans se soucier
À deux pas de la misère des petits enfants minés
Mais Lille, ça reste en France, les Français restent des Français
Des terrils d’arrogance, l’inégalité au sommet.
Après cet air géographe, une petite explication
Je ne cherche pas les baffes, je ne cherche pas la baston
Mais lorsque je vois au loin qui agitent leurs drapeaux
La grande race des chauvins, juste à côté des fachos,
Ben, moi qui suis né en France dans un bled incognito
Je ne comprends pas la démence, je ne vois pas les idéaux
De ceux qui pensent la naissance, comme une attache, un ghetto
Pardonnez-moi cette offense et traduisez en ces mots :
Issu de la poussière, je m’en retourne à la poussière
Issu de la planète terre, je m’y promène sans frontière !
Issu de la poussière, on s’en retourne à la poussière
Issu de la planète terre, on s’y promène sans frontière !
Les orges de Barback
"3-0"
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90-
"S'interroger sur son identité, ce n'est pas rechercher ses racines, c'est se demander: qui d'autre puis-je être ?"
Anonyme, VIieme siècle av. J.-C.
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91-
Le ciel est cassé
Tout abimé
Des nuages noirs
Roulent en avanlanche
Y'a d'l'eau qui tombe
C'est plus étanche
Barré de zigzags
De pyrotechnie
Fermeture éclair
De quoi j'ai l'air
Planté devant ma porte
Sous la pluie
Sans excuses et sans parapluie
J'ai bien mérité ma pneumonie
Ouvre-moi chérie
Qu'est-ce qui m'a pris
De scier la branche
Où j'étais assis
Un moment d'absence
Moment d'absence
Blonde et très jolie
Avec une robe
Super sexie
J'étais pas soul
J'peux pas plaider la folie
J'peux juste plaider la grande
La très très grande connerie
Cette nana
Elle compte pas pour moi
C'est une fille facile
Une aguicheuse
Une briseuse de couple
Une mante religieuse
D'accord j'arrête
D'insulter ta sœur
Mais tu dois reconnaître
Qu'elle est pas farouche
C'est le moins qu'on puisse dire sans déconner
Elle m'a fait des trucs genre GRS
J'savais même pas qu'c'était possible
Notamment cette position extravagante
A mon avis gréco-romaine
Qui consiste à placer le tybia de ta partenaire derrière la nuque
Pendant que tu lui maintiens le… le front avec le ment…
Oui je devrais pas dire ça c'est vrai c'est pas très cool
J'te d'mande pardon
Bon oublie ce que j'viens dire c'est pas très…
J'te d'mande pardon
Qu'est-ce qui m'a pris
De scier la branche
Où j'étais assis
Un moment d'absence
Moment d'absence
Blonde et très jolie
Ouvre-moi chérie
Allez fais un effort
On tire un trait sur cette histoire
Bon ça va bien maintenant
J'aimerais bien avoir un peu de soutien
J'voulais pas t'en parler pour…
Pour pas t'inquiéter
Mais ça va pas fort en ce moment
Et y'a pas qu'toi qu'a des problèmes
Ah t'es là, gnagnagna
Il m'a trompé avec ma sœur
Egoïste va
Tu te rends pas compte du mal que tu fais autour de toi
Tu t'es pas apperçu que c'était un appel au s'cours qui t'était destiné
T'as changé Muriel
T'es plus la même
Qu'est-ce qui m'a pris…
Arrête de gueuler on dirait ta sœur ça m'agace
Ah non j'lui ai pas fait mal
Au contraire
C'est pour pas qu'elle se blesse que…
J'la ligotée
Faut pas…
Faut pas forcément voir le mal partout
Si tu vas par là, j'veux bien r'connaître que…
J'ai peut-être fait un faux mouvement
Quand… Pour préserver l'érotisme
J'ai découpé sa robe avec la…
Tronçonneuse
J'ai p't-être fait des mouvements un peu amples
Mais en même temps fallait bien qu'elle tienne dans la valise
Qu'est-ce qui m'a pris…
De scier cette fille
Un moment d'absence
Moment d'absence
Blonde et très jolie
Avec une robe
Super sexie
J'étais pas soul
J'peux pas plaider la connerie
J'peux juste plaider la grande
La très très grande folie
Ouvre-moi chérie
Bénabar
"Psychopathe"
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92-
Une horloge c'est la seule chose qui fait du bruit pour montrer qu'il y a du silence.
...
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93-
J’ai faim. Envie de chaleur ambiante, de conversations autour de moi ; envie de m’inventer des habitudes. Je monte vers la place du Tertre, parmi les Japonais frigorifiés par le vent qui siffle dans les ruelles à touristes. Un peintre court après son dessin qui s’envole. Des amoureux serrés l’un contre l’autre avancent, poussés par la bourrasque, entrent à la Crêpe-Montmartre, un genre de cabaret morne aux fumées réchauffantes. J’y pénètre à leur suite, me déniche un coin de banc sous un retour de poutre. Les murs d’origine grenat sont recouverts de graffitis internationaux, de cœurs gravés, d’initiales. Des affiches noires de crasse décorent le plafond. Un piano mécanique joue du Joe Dassin, en face de moi ; les touches s’abaissent toutes seules devant le tabouret vide, dans l’indifférence générale.
J’oublie de commander, on ne remarque pas ma présence. Entourés de crêpes qui circulent, de bolées de cidre et d’étrangers qui se succèdent, je reste une partie de la nuit devant l’assiette à demi terminée de mon prédécesseur, dînant d’odeurs voisines, de confidences à mi-voix, d’intimités volées, baisers fougueux, disputes larvées, rires collectifs. Je passe le sel à ma gauche, le sucre à ma droite. Mon regard se déplace au gré des notes du piano mécanique. Je m’imagine assis sur le tabouret, faisant courir mes doigts pour anticiper le mouvement des touches qui s’enfoncent. Belle image du destin, du libre arbitre, de l’imposture…
Tous les quarts d’heure, le piano se tait cinq minutes. La pause syndicale, en quelque sorte. Puis il reprend Champs-Elysées, Si tu n’existais pas et Le Petit Pain au chocolat, dans le même bruit de fond. Je suis un peu triste que personne n’applaudisse. Ceux qui, à l’autre bout, derrière les piliers, ne peuvent pas voir le tabouret vide, n’entendent peut-être pas qu’il joue. C’est le mauvais temps qui a rempli la salle, pas l’envie de musique. Et, d’heure en heure, apaisé, assoupi, je m’identifie à un fantôme qui interprète pour rien dans une crêperie miteuse la partition d’un autre.
"Corps étranger"
Didier van Cauwelaert
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94-
D'abord il y a l'aîné
Lui qui est comme un melon
Lui qui a un gros nez
Lui qui sait plus son nom
Monsieur tellement qui boit
Ou tellement qu'il a bu
Qui fait rien de ses dix doigts
Mais lui qui n'en peut plus
Lui qui est complètement cuit
Et qui se prend pour le roi
Qui se saoule toutes les nuits
Avec du mauvais vin
Mais qu'on retrouve matin
Dans l'église qui roupille
Raide comme une saillie
Blanc comme un cierge de Pâques
Et puis qui balbutie
Et qui a l'œil qui divague
Faut vous dire Monsieur
Que chez ces gens-là
On ne pense pas Monsieur
On ne pense pas on prie
Et puis, il y a l'autre
Des carottes dans les cheveux
Qu'a jamais vu un peigne
Ou est méchant comme une teigne
Même qu'il donnerait sa chemise
A des pauvres gens heureux
Qui a marié la Denise
Une fille de la ville
Enfin d'une autre ville
Et que c'est pas fini
Qui fait ses petites affaires
Avec son petit chapeau
Avec son petit manteau
Avec sa petite auto
Qu'aimerait bien avoir l'air
Mais qui n'a pas l'air du tout
Faut pas jouer les riches
Quand on n'a pas le sou
Faut vous dire Monsieur
Que chez ces gens-là
On ne vit pas Monsieur
On ne vit pas on triche
Et puis, il y a les autres
La mère qui ne dit rien
Ou bien n'importe quoi
Et du soir au matin
Sous sa belle gueule d'apôtre
Et dans son cadre en bois
Il y a la moustache du père
Qui est mort d'une glissade
Et qui recarde son troupeau
Bouffer la soupe froide
Et ça fait des grands flchss
Et ça fait des grands flchss
Et puis il y a la toute vieille
Qu'en finit pas de vibrer
Et qu'on attend qu'elle crève
Vu que c'est elle qu'a l'oseille
Et qu'on écoute même pas
Ce que ses pauvres mains racontent
Faut vous dire Monsieur
Que chez ces gens-là
On ne cause pas Monsieur
On ne cause pas on compte
Et puis et puis
Et puis il y a Frida
Qui est belle comme un soleil
Et qui m'aime pareil
Que moi j'aime Frida
Même qu'on se dit souvent
Qu'on aura une maison
Avec des tas de fenêtres
Avec presque pas de murs
Et qu'on vivra dedans
Et qu'il fera bon y être
Et que si c'est pas sûr
C'est quand même peut-être
Parce que les autres veulent pas
Parce que les autres veulent pas
Les autres ils disent comme ça
Qu'elle est trop belle pour moi
Que je suis tout juste bon
A égorger les chats
J'ai jamais tué de chats
Ou alors y a longtemps
Ou bien j'ai oublié
Ou ils sentaient pas bon
Enfin ils ne veulent pas
Parfois quand on se voit
Semblant que c'est pas exprès
Avec ses yeux mouillants
Elle dit qu'elle partira
Elle dit qu'elle me suivra
Alors pour un instant
Pour un instant seulement
Alors moi je la crois Monsieur
Pour un instant
Pour un instant seulement
Parce que chez ces gens-là
Monsieur on ne s'en va pas
On ne s'en va pas Monsieur
On ne s'en va pas
Mais il est tard Monsieur
Il faut que je rentre chez moi.
"Ces gens-là"
Brel Jacques
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95-
Mon voisin de palier est un mime. Il quitte son appartement à l'heure du déjeuner, grimé en Charlot, pour aller faire l'automate jusqu'à l'aube sur la place du Tertre. Le matin devant sa glace, il répète. La première fois que nous nous sommes croisés, en vidant nos poubelles, il m'a demandé sur un ton d'église: "Je ne fais pas trop de silence?"
"Corps étranger"
Didier van Cauwelaert
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96-
Et toi j' te connais pas mais t'es plus ma copine
et tous les jours et les semaines
et tu me fais vraiment de la peine non
regarde les autres comme ils s'aiment
et moi je connais un bon coin
où on pourrait s'embrasser
et je te veux rien, allez viens
Et la vie va grand train de l'autre côté
c'est pas ma faute à moi si je sais pas gagner
regarde comment j' dors plus la nuit
je sais même plus mon nom
et c'est quoi cette petite vie
et c'est quoi toutes ces maisons
où ils s'en vont
où ils s'en vont
Et l'autre fois je te croise dans la rue
et tu me dis même pas bonjour
et je sais je fume trop au café je meurs tous les jours
et tous les jours de l'année
c'est la nuit qui vous prend
est-ce que tu sens le vide sous nos pieds
est-ce que ce vide là tu le sens
quand je t'embrasse
quand je t'embrasse
Alors saute-moi au cou
allez dis-moi que la vie est belle
allez saute moi au cou
que c'est pas dans cette vie que l'on paye
et cette musique je l'aime beaucoup
on n'a pas l' même âge mais c'est pareil
on ira tous les deux jusqu'au bout
on ira tous les deux jusqu'au bout
je sais qu' tu m'aimes
ça je l' sais que tu m'aimes
Raphaël
Chanson pour Patrick Dewaere
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97-
"C'est peut-être parce que je vous invente que je tiens tant à vous."
St. E
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98-
"En face d’elle, il y celle qui me regarde tout le temps, croyant que dans un bus, on peut regarder les gens sans crainte, les dévisagant et les fusillant du regard car on est dans un endroit isolé, immobil alors que le monde du dehors bouge et change, se tranforme et vit. Le bus est le répit où elle peut fantasmer. Je hais cette idée. Le monde est pareil partout et quand elle sortira elle se dira qu’elle n’a pas assez insisté, que demain, peut-être, je serais là et que cette fois, elle esquisera un sourire, me frôlera en sortant ou me posera une question d’accroche. Mais elle ne fera rien, me regardera et aura exactement les mêmes pensées ensuite. Pour paraître enjouée sans être idiote, elle écoute de la musique et tapote parfois le rythme. On croirait voir ses lèvres bouger pour chanter, ses yeux briller pour l’état de transe dans lequel la mélodie la met, bien que je sais que ces mouvements sont dus à ma présence.
[...]
"Plus loin, il y a le petit. Il doit avoir 11 ou 12 ans. Il porte aujourd’hui un pull à capuche vert, un jean large bleu délavé, ces baskets habituels. Mardi dernier, il avait un pull noir Lacoste et un autre jean large, mais vert. A ses pieds, son sac à dos marron. Il porte de fines lunettes à monture noirs, il est brun, il est coiffé au bol. Il tient ses mains l’une dans l’autre, un peu crispé. Il ne regarde rien, son regard n’est ni vide, ni fixé. Il attend, comme tout le monde devrait attendre, attendre que son arrêt arrive, et non pas chercher à s’occuper sous le prétexte qu’il faut être utile dans un bus. J’aime son attitude, j’aime son style, j’aime son naturel. Il n’est là que le mardi. Et quand je pense à lui, ce qui m’arrive étrangement souvent, je m’imagine que le mardi est son jour de défi, que les autres jours, il ne prend pas le bus, qu’il est obligé de le prendre le mardi et que cela lui fait peur. Il est petit, ils sont grands. Il est lent, ils sont pressés. Il a froid, ils sont chaleureux ou glaciales, plus ou moins vivants que lui. Le petit n’a même pas en tête tout ce que j’ai dit sur lui. Il se contente d’aller à destination, parce qu’il le faut, parce que c’est ainsi et que le bus n’est qu’un passage ordinaire, moins habituel que d’être conduit par Papa, mais tout de même assez commun et qui se passe aussi anodinement que prévu.
J’aimerais lui parler, lui dire que bientôt, ce bus deviendra son quotidien, qu’il le prendra tout les jours, si ce n’est pas encore le cas. Que bientôt il perdra son naturel car il reconnaîtra les gens qui sont autour de lui et désirera paraître plutôt que simplement être. Ou plutôt je voudrais lui parler, juste pour entendre sa voix, savoir si il a de la répartie, si il a peur des gens plus vieux que lui, si il est courageux, franc, timide, si sa voix est hésitante, enfantine, ou déjà mûre ou réfléchie. Un jour, je vais sûrement suivre le petit, voir où il va, et quand il repart, voir où il habite.
Oo Amadea18 oO
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..." Parce que Bibi il fait c'qu'il peut avec sa p'tite mousse, mais il est à
deux doigts du lumbago."
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100-
« Un homme et une jeune fille étaient tombés follement amoureux et ils décidèrent de se fiancer. Les fiancés s’offrent toujours des présents. Mais le jeune homme était pauvre – son seul bien était une montre qu’il avait héritée de son grand père. En pensant aux beaux cheveux de son aimée il se résolut à vendre la montre pour lui offrir un magnifique peigne en argent.
« La jeune fille, de son côté, ne possédait pas non plus de quoi payer un cadeau de fiançailles. Elle alla donc trouver le plus important commerçant de l’endroit et lui vendit ses cheveux. Avec l’argent qu’elle en tira, elle acheta une chaine en or pour la montre de son aimé.
« Et quant ils se revirent, le jour des fiançailles, elle lui donna la chaine d’une montre qui avait été vendue, et lui le peigne destiné à des cheveux qui avaient été coupés.
Paulo Coelho
« Sur le bord de la rivière Piedra je me suis assise et j’ai pleuré »
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101-
C'est trop facile d'entrer aux églises
De déverser toutes ses saletés
Face au curé qui dans la lumière grise
Ferme les yeux pour mieux nous pardonner
Tais-toi donc Grand Jacques
Que connais-tu du Bon Dieu
Un cantique une image
Tu n'en connais rien de mieux
C'est trop facile quand les guerres sont finies
D'aller gueuler que c'était la dernière
Ami bourgeois vous me faites envie
Vous ne voyez donc point vos cimetières
Tais-toi donc Grand Jacques
Et laisse-les donc crier
Laisse-les pleurer de joie
Toi qui ne fus même pas soldat
C'est trop facile quand un amour se meurt
Qu'il craque en deux parce qu'on l'a trop plié
D'aller pleurer comme les hommes pleurent
Comme si l'amour durait l'éternité
Tais-toi donc Grand Jacques
Que connais-tu de l'amour
Des yeux bleus des cheveux fous
Tu n'en connais rien du tout
Et dis-toi donc Grand Jacques {2x}
Dis-le-toi bien souvent
C'est trop facile
De faire semblant. {2x}
Jacques Brel
Grand Jacques (C'est trop facile)
Paroles et Musique: Jacques Brel 1955
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102-
"J'ai oublié le mot que je voulais dire, et ma pensée désincarnée, retourne au royaume des ombres" écrivait Mandelstam, bien heureux cependant de trouver d'autres mots pour dire son oubli et son trouble.
L'enfant qui ne disait rien
Danon-Boileau Laurent
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103-
Des images me reviennent
comme le souvenir tendre
d'une ancienne ritournelle
autre fois en décembre
Je me souviens il me semble
des jeux qu'on inventait ensemble
je retrouve dans un sourire
la flamme des souvenirs
Doucement un écho
comme une braise sous la cendre
un murmure à mi-mots
que mon cœur veut comprendre
Je me souviens il me semble
des jeux qu'on inventait ensembles
je retrouve dans un sourire
la flamme des souvenirs
De très loin un écho
comme une braise sous la cendre
un murmure a mi-mots
que mon cœur veut comprendre
une ancienne ritournelle
loin du froid de décembre.
Anastasia
Hélène Ségara
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104-
On est parti, samedi, dans une grosse voiture,
Faire tous ensemble un grand pique-nique dans la nature,
En emportant des paniers, des bouteilles, des paquets,
Et la radio !
Des cornichons
De la moutarde
Du pain, du beurre
Des p'tits oignons
Des confitures
Et des œufs durs
Des cornichons
Du corned-beef
Et des biscottes
Des macarons
Un tire-bouchons
Des petits-beurre
Et de la bière
Des cornichons
On n'avait rien oublié, c'est maman qui a tout fait
Elle avait travaillé trois jours sans s'arrêter
Pour préparer les paniers, les bouteilles, les paquets
Et la radio !
Le poulet froid
La mayonnaise
Le chocolat
Les champignons
Les ouvre-boîtes
Et les tomates
Les cornichons
Mais quand on est arrivé, on a trouvé la pluie
C'qu'on avait oublié, c'était les parapluies
On a ramené les paniers, les bouteilles, les paquets
Et la radio !
On est rentré
Manger à la maison
Le fromage et les boîtes
Les confitures et les cornichons
La moutarde et le beurre
La mayonnaise et les cornichons
Le poulet, les biscottes
Les œufs durs et puis les cornichons
Les cornichons
Nino Ferrer
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105-
C'est pas nous qui sommes à la rue
Nao son en que son da rua
.. c'est la rue ketanou
É a rua que é nossa
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Je crois que j'aurais préféré croiser cent mille chats noirs
Lorsque je l'ai rencontrée qui sortait d'un abrevoir
Je cigalais sans me soucier de la saison hivernale
Quand PAF! me voila nez à nez, comme ça, avec, l'animal
Refrain:
Elle est là (où ça où ça?)
En face de moi (où ça où ça?)
Je suis là (où ça où ça?)
En face d'elle
Elle, elle n'a pas peur de Moi (et toi et toi?)
Et moi je n'ai pas peur d'elle
Et nous dansons le tango
bien serré l'un contre l'autre
Je lui gratouille le dos
Elle me chatouille les côtes
Je suis le cavalier
de la vache enragée
Le bla bla est entamé, la bestiole prend les devant
''Eh! il parait que vous chantez. Et bien... dansez maintenant!''
Elle me fait des croches-pieds
Moi je lui fais des croches-pattes
Son coup d'boule n'est pas loin d'mon nez, je lui épluche une patate
(Refain)
''Ca c'est sûr que les copains vont jamais vouloir vous croire, vont dire que c'est du baratin et que vous avez inventer c'histoire. Ou alors que vous allez pas bien, que ça y est vous perdez la tête!''
Bonsang vous êtes tous témoins, vous la voyez bien la bête
(Refrain)
Qui finira dans mon assiette
Je le jure sur sa tête
La Rue Kétanou - Les ogres de Barback
La vache enragée
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106-
A quoi ça sert l'amour
Si c'est un aller sans retour
Y a plus que du vide à la place
Mais que veux-tu que j'en fasse ?
A quoi ça sert la vie
Quand on meurt petit à petit
S'il ne reste plus que l'absence
A qui veux-tu que je pense ?
Je jure si tu reviens
Je saurai être heureux d'un sourire
Je jure que j'apprendrai à écrire
Tous les mots pour le dire
Chaque jour de plus est un jour de trop
Je plie déjà sous le fardeau
Chaque jour de plus est un jour de trop
Est-ce que tu reviendras bientôt ?
Et moi je sers à quoi
Si je n'suis plus la moitié de toi
Si ta vie n'est plus dans le mienne
Comment veux-tu que je tienne ?
Je jure si tu reviens
J'apprendrai à être différent
Je jure que je saurai simplement
Laisser le temps au temps
Chaque jour de plus est un jour de trop
Je plie déjà sous le fardeau
Chaque jour de plus est un jour de trop
Est-ce que tu reviendras bientôt ?
Il ne reste plus que l'absence
A qui veux-tu que je pense ?
Chaque jour de plus est un jour de trop
Je plie déjà sous le fardeau
Chaque jour de plus est un jour de trop
Est-ce que tu reviendras bientôt ?
Michel Fugain
"Chaque jour de plus"
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107-
Vu de ma fenêtre, y'a que des bâtiments
Si j'te disais que je vois de la verdure, tu saurais que je mens
Et puis pour voir un bout de ciel, faut se pencher franchement
Mais vas-y viens chez moi, on regardera par la fenêtre.
Tu comprendras pourquoi je rigole, pourquoi je crains, pourquoi je rêve, pourquoi j'espère
Surtout le printemps, surtout l'été, surtout l'automne, surtout l'hiver.
Extrait de "Vu de ma fenêtre"
Grand Corps Malade
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C'était sur une grande route, j'marchais là d'puis des jours
Voire des s'maines ou des mois, j'marchais là d'puis toujours
Une route pleine de virage, des trajectoires qui dévient
Un ch'min un peu bizarre, un peu tordu, un peu comme la vie.
Extrait de "Rencontres"
Grand Corps Malade
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108-
« La vérité est un grand miroir tombé du ciel qui s'est brisé en mille morceaux. Chacun en possède un, mais pense détenir toute la vérité»
Djalal al-Din Rumi
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109-
Le petit voisin s'appelle Jocelyn avec un P avec un F comme dans Martine. Le petit voisin il a un grain, de sel ou bien de sable, ou bien de caféine. Le petit voisin habite au-dessus de chez nous, qui évidemment sommes en-dessous. Il prend des cours de Ju-Jitsu mais n'est pas mauvais, n'est pas mauvais pour deux sous.
Et, dans tout l'immeuble, crado mais sympathique, on se chicane, on se cherche, on s'engueule gentiment. Mais le petit voisin, il est total stoïque. Et d'ailleurs il s'en fout car il est étudiant.
Le petit voisin dans son T1 a des instruments assez rares et insolites. Des percus, un masque malien, des cendriers et des grigris de bakélite. Il souffle dans un bout de bambou, un didjeridoo de Pier Import du Népal. Il joue à poser des embouts sur des bouteilles, puis il aspire et devient tout pâle.
Et, dans tout l'immeuble, crado mais acceptable, on se chicane, on se cherche, on s'engueule calmement. Mais le petit voisin, il s'assied à sa table et il se roule un stick car il est étudiant.
De temps en temps, le petit voisin, pour justifier sa bourse accordée par la fac, fait un saut hors de son T1 et intègre un amphi bondé comme un gros sac. Puis l'heure passée, il rentre au port non sans avoir fait un détour par chez Bubu. Une petite partie de Fighting Simulator, mais pas plus de quatre heures, il faut pas d'abus.
Et dans tout l'immeuble, crado mais bon, ça va, on se chicane, on se cherche, on signe des pétitions. Mais le petit voisin, en lisant des mangas, rêve à des jours meilleurs car il est étudiant.
Sur le macadam citoyen que l'on piétine quand on n'en peut plus de stagner, on voit passer le petit voisin. Sous des bannières il se plait à revendiquer un peu plus de ci moins de ça. Un sitting au djembé devant la préfecture. Les causes perdues, les grands débats, on finit par tout faire flamber dans l'aventure.
Et dans tout l'immeuble, crado et pas fini, on se chicane, on se cherche à s'en rendre malade. Et le petit voisin, dans le panier à salade, commence à regretter ses cinq ans et-demie.
Et puis un jour, le petit voisin ira pointer quelque part pour bouffer un peu. Il s'ennuiera et sera loin le temps où il rêvait que demain serait mieux. Alors pour tromper l'amertume comme à dix-huit berges en criant que ça suffit, il arpentera le bitume. Rien ne changera mais au mois ça dégourdit.
"Le petit voisin"
Jeanne Cherhal
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110-
LA CULOTTE:
La guerre des dessous a bien eu lieu. Après des années de domination provocatrice, le string est en passe de perdre la dernière manche: la modeste culotte opère un retour triomphal. Entièrement couverte de coton virginal, immaculé ou coloré, masquée de dentelle ou moulée de Lycra, la "fesse tendance" se porte désormais voilée. Pour le plus grand soulagement de toutes celles que la nature n'a pas gratifiées d'une chute de reins brésiliennes, mais aussi de celles, au moins aussi nombreuses, qui savent que le désir, pour éclore et s'épanouir, a besoin de mystère. Offrant et dérobant au regard l'obscur objet du désir, elle se décline désormais, sous les jupes des filles, comme le chante Alain Souchon, de mille et une manières: boxer, tanga, shorty, culotte haute... Au sexy insolent et quasi brutal du string, la culotte oppose un érotisme en demi-teintee, une féminité coquette, un brin désuète, que l'on avait presque oubliée. A l'heure où la nudité s'exibe, s'étale et s'affiche, elle apparaît, contre toute attente, comme l'alliée d'un désir que l'on dit de plus en plus émoussé, de plus en plus blasé. Les femmes qui portent la culotte le savent: jouer à cache-cache est le plus délicieux des jeux érotiques.
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