La nuit avait été longue. Très longue. Ses yeux ne quittaient désormais plus la beauté éphémère qui se déployait loin devant lui comme un mirage sortit tout droit d'un rêve.
A l'horizon, le ciel barbouillé d'une lumière orangée accueillait en son sein un soleil naissant, entouré d'une couronne de nuages, qui glissaient avec lenteur au dessus des plaines de la Saldaea.
Un instant il l'oublia. Il oublia tout, même ses propres blessures. Il pouvait se l'accorder après une nuit aussi mouvementée. Seulement cela ne dura pas. Conscient en son fort intérieur que le danger ne se dissiperait qu'un bref instant et que l'heure n'était pas au repos, il revint à la dure et froide réalité. Elle se dressait la, derrière lui, de sa silhouette menaçante, comme un avertissement pour les temps passés et ceux à venir. La Fin du Monde, au bord de la Grande Dévastation. Il se retourna en lâchant un soupir, dégageant une mèche de ses cheveux noirs, peu caractéristiques du saldaean, pour faire face à ce qu'il restait du campement de fortune dressé la veille.
-« Yohnis, vous devez voir ça. » L'un des soldats des Marches enjamba les restes d'une bannière aux trois poissons d'argent fendue parmi le tumulte du camp tout en s'adressant à lui. Celui la s'en était plutôt bien tiré comparé aux autres. Beaucoup n'avaient pas eu la chance de goûter au spectacle du soleil matinal.
- « Ils ont recommencé. C'est incompréhensible. Par la bas. Venez. »
Il désigna une butte vers l'ouest ou d'autres soldats se tenaient, fixant quelque chose de l'autre côté.
- « Vous voulez dire comme la dernière fois? »
- « La dernière fois c'était pas à ce point ! Je n'ai jamais rien vu de pareil. »
Que pouvait-ce encore être? Ce n'était pas la deuxième mais la troisième fois que des phénomènes inexpliqués de ce genre se produisaient. La première fois, l'un des hommes du Maréchal de Camp avait été retrouvé éparpillé en plusieurs morceaux la ou nul n'aurait pu pénétrer sans alerter les guetteurs. La seconde fois un arbre avait pris subitement feu et deux Saldaeans avaient disparu. Il avait bien ressenti quelque chose de troublant durant l'affrontement contre les abominations du Ténébreux. Cette sensation étrange, comme un picotement, s'était manifestée de nouveau.
Yohnis resta muet un long moment à observer. Il avait combattu bien des trollocs et même des Sans-Yeux, affronté les engeances de l'Ombre bien des années, mais ce qu'il avait devant lui était une preuve que des jours plus sombres encore se rapprochaient. Le versant nord de la colline était entièrement calciné et la terre semblait retournée de partout. Il y avait des trollocs, des hommes, des chevaux. Tous avait périt avec cette expression de terreur.
- « Qu'est ce que vous croyez que c'est? »
L'homme qui l'avait conduit jusqu'ici le fixait, attendant visiblement une réponse. Comme s'il en savait quelque chose ! Quel idiot. Il se contenta de l'ignorer, le laissant incrédule devant sa réaction et avança avec précaution sous les regards étonnés de ceux qui préféraient garder leur distance.
Il avait repéré quelque chose au milieu des corps sans vie, une sorte d'objet scintillant. La terre qui collait à ses bottes à chacune de ses foulées le ralentissait mais il parvint sans encombre jusqu'au fruit de son attention. Alors, il mit au clair son épée et de son extrémité, déplaça ce qu'il devina être une sorte de coupe. Ne remarquant aucun danger particulier, il la ramassa. De loin, c'était une petite coupe ordinaire en argent. Mais en regardant de plus prêt, Yohnis remarqua une sorte de fresque gravée, représentant un homme piégé dans un enchevêtrement de racines. Etait-ce un objet de pouvoir? Un ter'angreal ou angreal? La présence d'un tel objet ici amenait à d'inquiétantes suppositions. Un utilisateur du Pouvoir Unique était probablement la cause de tout ce désordre, et ceci n'augurait rien de bon.
Plus tard dans la journée, et après une longue analyse de cette découverte aux propriétés mystérieuses, le Maréchal de Camp ne trouva rien de mieux que de prendre la décision d'envoyer Yohnis à Tar Valon, probablement par peur de garder trop prêt de ses hommes et de lui ce qu'il supposait être à l'origine du phénomène.
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