La sincérité qu'elle montre a ouvert une faille dans mes rancœurs.
Elle n'est pas la seule à le sentir.
Le barman fantomatique vient de baisser le rideau de fer, nous enfermant à l'intérieur de son bistrot lunaire.
Elle exprime sa fatigue de tout ce qui l'a conduite à devenir le premier sujet de plaisanterie mondialisé.
Elle dit son mépris envers un public fasciné par les pires images.
L'agitation constante de ses mains trop petites, surchargées d'ongles à grand spectacle, soulignent cette haine irrésistible qui, j'en suis sûr, finira par l'emporter.
Sa détresse m'apparaît pour ce qu'elle est : un gouffre abyssal dont les parois étroites l'étreignent sans espoir de relâche, et dont le silence sépulcral ne pourrait bientôt plus être couvert par ses couinements désaccordés.
Elle murmure, désormais.
Ses yeux mouillés brillent d'un éclat noir.
Elle veut juste qu'on lui pardonne.
Pardon pour ses mauvaises chansons, et aussi pour ses bonnes.
Pardon pour ses attitudes vulgaires.
Pardon pour s'être aventurée trop tôt et trop vite sur le terrain mystérieux de la sexualité, que même les plus brillants des écrivains*** n'en finissent pas de découvrir, en y laissant, au long de leur glorieux chemin de souffrance, plus que leur cœur et leur âme.
***Elle me regarde avec insistance à ce moment là...
Pactiser avec un ennemi honni n'est pas mon genre.
Je ne vais pas abdiquer si vite, jeter au feu Barthes, Kierkegaard et Casanova pour un produit de grandes surfaces.
C'est l'heure du combat, de la vengeance.
Après une nouvelle gorgée de nectar, je lui balance qu'elle ne comprend rien à la sensualité, ni à l'érotisme.
«Si tu crois qu'il suffit de te tortiller vêtue de fringues déchirées par les dents de Kenzo pour susciter le désir, tu te trompes aussi lourdement que tu danses.»
Elle me répond avec tristesse que la lourdeur était celle de l'industrie du disque, et que personne ne lui a jamais demandé son avis.
Sa voix basse trahit une émotion qui ne figure peut-être pas dans son manuel de comportement, ni dans les notes de service de sa maison de disques.
Je pense que ce n'est peut-être pas drôle tous les jours d'être une boîte de sardines bretonnes*** vivantes promises au dernier rayon des linéaires blafards de la sous culture occidentale.
Mais la vie était rarement douce à ceux qui l'aiment, il n'y a là rien de bien nouveau, et elle bénéficie malgré tout de considérables compensations.
*** Aucune allusion à des personnes... :)))
Je pense que ce n'est peut-être pas drôle tous les jours d'être une boîte de sardines bretonnes*** vivantes promises au dernier rayon des linéaires blafards de la sous culture occidentale.
Tu rigoles , j'espère bien être aussi primée que les boites de sardines!
C'est à la mode les collections ...
J'ai toujours aimé les femmes, pour cette fragilité que même les plus froides laissent parfois percer.
J'étais profondément ému par sa douceur, et l'acharnement que le destin avait mis à briser ses ailes, ou toute forme de talent avec lequel elle aurait pu naître.
Je me lève vers elle, et relève son menton pour qu'elle me regarde.
J'approche ma main de ses cheveux lorsqu'elle m'embrasse à pleine bouche, avec la violence contenue des baisers désespérés.
Sa langue dure s'accroche à la mienne tandis que je l'installe sur le comptoir.
Elle m'arrête d'une voix trop claire, comme un cri :
«Si vous avez en tête de vous taper la Miss Tsubishi que vous croyez connaître, vous allez être déçu.»
Je viens juste de répondre que ça m'étonnerait beaucoup, lorsqu'elle précise, avec un détachement inquiet, qu'elle est encore vierge.
Citation de marsubibi380
Je pense que ce n'est peut-être pas drôle tous les jours d'être une boîte de sardines bretonnes*** vivantes promises au dernier rayon des linéaires blafards de la sous culture occidentale.
Tu rigoles , j'espère bien être aussi primée que les boites de sardines!
C'est à la mode les collections ...
Alors je fais doucement l'amour à cette icône trash sexualisée à son corps défendant.
Tout n'est décidément qu'illusions.
Chacune de nos positions malcommodes la ramène vers un ciel éclairci dont elle a perdu jusqu'au souvenir.
Avec une tendresse hésitante, j’essaie de faire sourdre du plastique dont son corps est gorgé, l'esprit de la femme qu'on lui a interdit d'être, et qu'on a inhumé dans un linceul de décibels.
Je l'aime longtemps, sans vice et sans haine.
Je ne m'aperçois pas de son plaisir.
Elle finit par se rhabiller silencieusement.
Je reprends espoir : elle s'avère au moins capable de se taire quand il le faut vraiment.
Respectant le silence, mais d'un pas vif inattendu chez lui, le barman vient relever le rideau de fer.
Il tient encore son chiffon, probablement pressé de s'en servir de nouveau.
Au moment de franchir le seuil, la belle Erylia éprouve l'envie de sceller notre séparation, forcément éternelle.
« Essayez de penser à moi avec tendresse quelquefois. Je n'aurai jamais l'occasion de penser à vous, on ne me laissera pas faire. Promettez-le moi. »
Je promets, qu'auriez-vous fait à ma place ?
Je reste figé jusqu'à ce qu'elle sorte de mon horizon.