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Ce que prévoit le projet de « loi travail »
LE MONDE | 03.05.2016 • Mis à jour le 26.05.2016
Par Alexandre Pouchard et Pierre Breteau
Cible d’une mobilisation sociale depuis plus de deux mois, le projet de « loi travail » a été adopté en première lecture par l’Assemblée nationale le 12 mai, après que le gouvernement a recouru à l’article 49, alinéa 3 de la Constitution (dit « 49.3 »).
Explications : Qu’est-ce que l’article 49.3 ?
Le texte proposé aux députés en séances était très différent de celui qu’avait présenté la ministre du travail, Myriam El Khomri, en février. Face aux vives critiques des syndicats et organisations lycéennes et étudiantes, le gouvernement a d’abord revu sa copie en mars avant que la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale modifie à son tour plusieurs dispositions importantes du projet de loi.
De l’abandon du plafonnement des indemnités pour licenciement injustifié à la définition du licenciement économique en passant par la prise des congés par le salarié, nous avons épluché en détail le projet de loi dans sa version réécrite et modifiée pour le comparer au code du travail dans sa version actuelle.
Un préambule avec les « principes essentiels du droit du travail »
MODIFIÉ
Définition du licenciement économique
DANS LE CODE DU TRAVAIL AUJOURD'HUI
Actuellement, le code du travail définit le licenciement économique comme étant celui « effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ».
Lire aussi : L'article du code du travail sur le licenciement économique
LA PROPOSITION DANS LE PROJET RÉÉCRIT
Le projet de loi précise la définition du licenciement économique de manière très stricte à l'échelle de l'entreprise, alors que le juge avait jusqu'ici une certaine latitude pour l'apprécier. Par rapport au projet original, la version réécrite ajoute que « les difficultés économiques créées artificiellement à la seule fin de procéder à des suppressions d'emploi » ne peuvent pas « constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement », comme dans le cas d'un groupe qui pourrait organiser le déficit d'une de ses entreprises.
En commission des affaires sociales, les députés ont instauré des mesures différentes selon la taille de l'entreprise. Une société employant moins de onze personnes pourra se séparer d’un ou plusieurs de ses salariés si elle est confrontée à une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires au moins égale à un trimestre. Le seuil est porté à deux trimestres consécutifs pour les entreprises de 11 à 49 personnes, à trois trimestres consécutifs pour celles qui comptent de 50 à 299 personnes et à quatre trimestres consécutifs pour les autres.
D’autres critères pourront être invoqués par l’employeur, tels que « des pertes d’exploitation, une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation ». Cette disposition pourrait toutefois être retoquée par le Conseil constitutionnel.
Modifié il y a 8 ans, le samedi 28 mai 2016 à 21:11
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http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2016/05/28/20002-20160528ARTFIG00115-pour-jean-tirole-il-faut-proteger-le-salarie-plutot-que-l-emploi.php
Pour Jean Tirole, il faut «protéger le salarié plutôt que l'emploi»
Le Nobel de l'Economie reconnaît l'impopularité de la loi El Khomri mais appelle à «faire de la pédagogie» pour réformer le marché du travail.
Pour le Nobel de l'Économie Jean Tirole, que l'agence de presse AFP a interrogé, il faut que la France réforme son marché du travail en faisant de la pédagogie.
Dans votre livre «Economie du bien commun» (PUF), pourquoi dites-vous que le chômage est un choix de société?
«Nos institutions non seulement créent du chômage mais aussi du mal-être. Comme les emplois disponibles sont des CDD, un CDI reste à son emploi même s'il ne le satisfait plus (...) La France est 129e au monde du point de vue du bien-être au travail. Les gens sont bloqués dans leur emploi, or il est normal dans la vie de changer de travail, mais c'est très difficile en l'absence de créations d'emplois à durée indéterminée.
Avec les mutations technologiques, dans 5-10 ans, beaucoup d'emplois auront disparu ou auront changé de nature. Les employeurs sont de plus en plus réticents à créer des emplois de CDI formule actuelle. Je pense que demain, cela sera encore plus le cas. Actuellement, ce n'est pas dans l'intérêt des entreprises de créer des CDI, donc elles abusent des CDD. Mais les supprimer créerait un chômage massif. Tous les gouvernements utilisent les CDD et les emplois aidés pour contenir le chômage. On diminue ainsi les statistiques du chômage, mais on crée de la dette publique et on ne résout pas le problème.
»» LE SCAN ÉCO - En France, 70% des embauches sont des CDD... de moins d'un mois
Quelle est la solution?
Pour moi, c'est tout un système à réformer. Je propose de maintenir le CDI actuel pour ceux qui en ont un, mais que tous les nouveaux contrats soient sous le nouveau régime de contrat unique (...) L'idée est de créer un nouveau CDI qui joue sur la flexibilité et sur la responsabilisation.
On garderait le juge pour des cas d'abus (...) mais la décision économique de savoir si un emploi est justifié économiquement revient au chef d'entreprise. L'entreprise doit être responsabilisée: elle doit payer des indemnités au salarié mais aussi à l'assurance chômage, car un licenciement peut coûter très cher à la société. C'est le principe du pollueur-payeur. Protéger le salarié plutôt que protéger l'emploi.
» LE SCAN ÉCO - Durée, montant, plafond...: tout sur l'indemnisation des chômeurs en France
À cet égard, le projet de loi El Khomri va-t-il dans le bon sens et doit-il être adopté aux forceps?
J'ai signé une tribune en (sa) faveur car je pensais que certaines dispositions allaient dans le bon sens. (...) C'est vrai que la moitié de nos concitoyens sont encore contre la réforme du marché du travail (...) Il faut se forcer à aller au-delà des apparences, protéger les CDI c'est bien, à part qu'il n'y en a plus, donc on aide quelques personnes et on laisse les autres à la porte (...) On utilise trop souvent des rustines, et finalement 30 ans plus tard, cela ne bouge pas. Pire, cela empire.
Comprenez-vous la révolte d'une partie de la jeunesse?
Nous ne sommes pas très généreux envers les jeunes. Nous leur laissons le réchauffement climatique, une dette publique élevée, des retraites qui ne sont pas financées, le chômage, le logement cher, un système éducatif moyennement performant et impliquant de fortes inégalités: le système éducatif français est un délit d'initiés (...) Ce n'est donc pas facile d'être jeune aujourd'hui. Alors «Nuit Debout» est une réponse à ce mal-être, le risque étant que cela reste dans le domaine de l'utopie, ce qui engendrerait de nouvelles frustrations, antichambre du populisme.
» LE SCAN ÉCO - Les jeunes sont 2,5 fois plus pauvres que les seniors
Le gouvernement doit-il résister pour faire passer sa réforme?
Il faut faire de la pédagogie et rappeler certains fondamentaux. Les dépenses publiques étaient à 35% du PIB pendant les 30 Glorieuses. Maintenant, elles sont à 57%, on voit le dérapage. Il faut garder un service public de qualité, mais on a tendance à confondre service public et nombre de fonctionnaires. Le service public, c'est un résultat, ce qu'il apporte en termes de santé, d'éducation par exemple. Il faut beaucoup de pédagogie et de consensus social.
À tous les niveaux, le dialogue social est terrible en France, le taux de syndicalisation est trop faible, il faut que les gens soient plus impliqués. Finalement toutes les discussions sur la loi El Khomri se déroulent avec des syndicats qui représentent peu de Français».
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http://www.challenges.fr/politique/20160528.CHA9800/loi-travail-pourquoi-il-faut-ouvrir-une-negociation-sur-l-article-2.html
Challenges > Politique > Loi Travail: pourquoi il faut ouvrir une négociation sur l’article 2
Loi Travail: pourquoi il faut ouvrir une négociation sur l’article 2
Par Laurence Parisot, Publié le 28-05-2016
Le non dialogue autour de la loi El Khomri conduit à une impasse dommageable pour tous. Il faut ouvrir d’urgence la consultation des partenaires sociaux, ce qui est d’ailleurs obligatoire.
Alors que nous sommes proches d’un désastre national, depuis plusieurs jours déjà j’entends des dirigeants d’entreprises supplier le gouvernement de ne pas “céder”.
La plupart des patrons sont favorables aux principes du fameux article 2 du projet de loi travail qui étend les possibilités de négociation au niveau de l’entreprise.
Mais, ne nous trompons pas, leur soutien à la fermeté du Président de la République et du gouvernement relève moins d’un attachement indéfectible aux avantages de l’accord d’entreprise que de l’espérance d’un échec cuisant de la CGT, et accessoirement de FO.
On peut les comprendre tant l’activisme syndical national, toutes centrales confondues, a donné le sentiment ces 20 dernières années d’avoir été à l’origine de l’incapacité de la France à se mettre au tempo du XXIe siècle.
Mais, les erreurs commises par notre pays ont été tellement nombreuses et massives qu’il est selon moi erroné – et injuste - de les attribuer aux seuls syndicats de salariés.
Médias, patronats, syndicats, fonctions publiques, partis de gauche, partis de droite, tous les acteurs majeurs de la vie publique française portent une part de responsabilité.
De même que chacun détient un pouvoir, chacun engage une responsabilité.
Je ne doute pas qu’il y ait dans les postures des uns et des autres sur la loi travail des précupations égoïstes, des ambitions cachées et quelques tentatives désespérées de rétablissement sur l’échiquier politique ou syndical.
Mais je ne doute pas non plus de la conviction profonde et sincère de Manuel Valls de l’importance du projet de loi travail pour la santé économique et social de notre pays.
Je partage la philosophie du dialogue social que le Premier ministre tente d’installer.
C’est celle de la proximité, de la simplicité, du respect des parties prenantes, mais aussi du compromis, de la recherche de la solution gagnante pour tous, de l’efficacité. L’approche est résolument moderne.
Faire un petit pas en arrière pour amorcer le grand pas en avant
Mais c’est justement au nom de cette éthique d’une construction sociale déconflictualisée que j’estime qu’il est temps de remettre tout le monde autour de la table.
Le but de ce texte était tout sauf de fabriquer de l’exaspération. C’est pourtant ce qu’il est en train de faire.
Au lieu de créer une régulation sociale pacifiée, il jette la France dans l’excès. L’Histoire nous enseigne à quel point notre pays peut se laisser glisser sur des mauvaises pentes. Et l’actualité récente témoigne d’une capacité intacte à s’emporter. Ici vers l’anarchisme, là vers le populisme.
D’ailleurs, les commentateurs n’ont peut être pas assez souligné que si deux tiers des Français considèrent la contestation actuelle légitime, c’est parce que la gauche et la gauche de la gauche sont rejoints dans leur approbation du mouvement par la quasi totalité des sympathisants du Front National. Dans un pays au bord de l’abîme, la protestation attire et attise.
Il y a dans cette affaire un vice initial. L’objet principal de cette réforme du droit du travail, l’inversion de la hiérarchie des normes entre la branche professionnelle et l’entreprise, n’a pas été soumis à la consultation des partenaires sociaux selon les formes précisément définies par la loi Larcher du 31 janvier 2007.
Faisons un petit pas en arrière pour préparer un grand pas en avant, respectons les termes de cette loi qui avait été conçue pour corriger les égarements de méthode au moment du CPE, et proposons aux organisations syndicales et patronales d’ouvrir une délibération, voire une négociation sur la problématique contenue dans l’article 2.
C’est ainsi qu’on évitera la victoire d’un camp sur un autre, ou, dit autrement, l’humiliation d’un homme par un autre.
Il s’agit premièrement de sortir d’une impasse, d’une no-win situation pour reprendre l’expression anglaise très parlante. Mais, il s’agit aussi de retrouver tout simplement de la dignité.
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L'article 2 est au cœur de la contestation de la loi Travail. Il doit instaurer la primauté de l'accord d'entreprise sur l'accord de branche professionnelle.
Pour les opposants au texte, c'est le risque de "créer une course au moins-disant social" en cas d'accord d'entreprise moins favorable qu'un accord de branche.
Pour François Hollande et Manuel Valls, il n'est pas question de revenir sur le cœur même de l'article 2, même s'ils se disent prêts à apporter "tel ou tel élément de précision".
Malgré cela, des proches du gouvernement estiment que la porte n'est pas totalement fermée et qu'au final "tout peut arriver" au moment où 60 % des Français selon un sondage Odoxa publié ce vendredi pensent que Manuel Valls finira par céder.
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http://www.marianne.net/article-2-loi-travail-pourquoi-non-hollande-n-pas-ete-elu-ca-100243272.html
Article 2 de la loi Travail : pourquoi NON, Hollande n'a pas été élu pour ça !
Vendredi 27 Mai 2016 Thomas Vampouille
Le trio Hollande-Valls-El Khomri n'a de cesse d'affirmer que son projet de loi Travail est en parfaite cohérence avec les idées de la majorité depuis quatre ans. Mais l'article 2, qui concentre l'opposition de la CGT, consacre une inversion de la hiérarchie des normes… que le PS promettait de rétablir en 2011, puis en 2015 !
C'est LA ligne rouge. L'article 2 du projet de loi El Khomri, adopté en première lecture à l'Assemblée nationale, est celui autour duquel se cristallise aujourd'hui le bras de fer entre le gouvernement et les opposants au texte, CGT en tête.
Le fameux article a aussi provoqué cette semaine une certaine cacophonie au sein de la majorité, le chef des députés socialistes Bruno Le Roux puis le ministre des Finances lui-même, Michel Sapin, ayant évoqué sa possible modification avant d'être rabroués sèchement par Manuel Valls ce jeudi 26 mai : "On ne touchera pas à l'article 2". Depuis le Japon où il se trouve pour le sommet du G7, François Hollande a fini par descendre ce vendredi 27 mai dans l'arène, apportant son franc soutien à son Premier ministre : "Je l'ai voulue, cette réforme, elle est en cohérence avec tout ce que nous avons fait depuis quatre ans"… Vraiment ?
La hiérarchie des normes, promesse du PS et d'EELV en 2011
Le hic avec cet article 2, c'est qu'il consacre selon ses opposants "l'inversion de la hiérarchie des normes". En clair, dans l'ancien code du Travail, il était impossible d'établir un accord d'entreprise moins avantageux pour le salarié que l'accord de branche, lequel était forcément mieuisant que le code du travail. Aujourd'hui, dénoncent ses opposants, la loi El Khomri inverse cette pyramide en faisant prééminer, pour les questions de temps de travail, l'accord d'entreprise sur tout le reste.
Or, l'inversion de la hiérarchie des normes n'est effectivement pas très cohérente avec "tout ce que (la gauche) a fait depuis quatre ans". Comme l'a souligné Jean-Luc Mélenchon dans l'émission DPDA ce jeudi soir, face à l'eecrétaire nationale d'EELV devenue ministre Emmannuelle Cosse, dans l'accord signé entre les Verts et le Parti socialiste en vue des législatives de 2012, "il était écrit qu'il fallait revenir sur l'inversion de la hiérarchie des normes qui avait été mise dans les lois de 2004 et de 2008 par la droite". En effet, ce point figure très clairement page 12 du texte signé en novembre 2011 par le PS et EELV, intitulé "Ensemble pour combattre la crise et bâtir un autre modèle de vivre ensemble". Au chapitre "Travailler tous, travailler mieux", celui-ci proclame :
" L’amélioration de la qualité au travail est une condition du dynamisme économique. Contrairement à la droite, nous ne pensons pas que des salariés pressurés et mis en concurrence rendent l’entreprise plus compétitive. Au contraire, se rendre au travail la boule au ventre, être soumis à des horaires ou des cadences impossibles, voir ses droits rognés peu à peu, sont autant de facteur de dégradation du travail, donc de la performance de l’économie. Durant la prochaine législature, plusieurs décisions interviendront pour inverser la tendance : redonner toute sa force à la négociation collective et rétablir la hiérarchie des normes, permettre la présence des salariés et de leurs représentants dans les instances de décision et de rémunérations des grandes entreprises, réformer la médecine du travail et renforcer les CHSCT, soutenir les moyens de l’inspection du travail, conditionner les exonérations de cotisations sociales à des conditions de travail décentes (recours au CDI, accords salariaux, encadrement de la pratique des stages, etc.) "
La hiérachie des normes, ligne du PS en 2015
"Rétablir la hiérarchie des normes", donc. Est-ce à dire que le PS aurait signé cet accord sans le penser, juste afin de s'assurer l'aide des écologistes pour gagner les élections ? Que nenni : il ne l'a tellement pas oublié que cette disposition a été réaffirmée pas plus tard qu'il y a tout juste un an, début juin 2015, lors du congrès de Poitiers. Et ce, dans la motion A - "Le renouveau socialiste" - présentée par le secrétaire national du parti, Jean-Christophe Cambadélis :
"Rétablir la hiérarchie des normes", toujours, tout spécialement dans le domaine de la "durée légale du travail". Un texte qui est devenu la ligne officielle du PS depuis juin dernier et qui avait été signé notamment par… Manuel Valls et Myriam El Khomri.
Reste une question : oui ou non l'article 2 de la loi El Khomri inverse-t-il cette hiérarchie des normes à laquelle la gauche, y compris le PS, tient officiellement tant ? Eh bien, voici l'exposé des motifs du projet de loi présenté par la ministre du Travail de Manuel Valls :
"La primauté de l’accord d’entreprise en matière de durée du travail devient le principe de droit commun", notamment "en matière de fixation du taux de majoration des heures supplémentaires, où la priorité est donnée à l’accord d’entreprise, et non plus à l’accord de branche". C'est très clair. Et voici la formulation retenue par le projet de loi sur lequel le gouvernement a engagé sa responsabilité, concernant les dispositions sur le temps de travail :
"Une convention ou un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche peut prévoir…"
En clair, comme prévu dans l'exposé des motifs, "la primauté de l’accord d’entreprise en matière de durée du travail devient le principe de droit commun".
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http://www.lejdd.fr/Societe/Social/Loi-Travail-pourquoi-gouvernement-et-syndicats-s-echarpent-sur-l-article-2-787525
Loi Travail : pourquoi gouvernement et syndicats s'écharpent sur l'article 2
DECRYPTAGE - La grogne sociale se concentre autour de l'article 2 de la loi Travail, qui instaure la primauté des accords d'entreprise dans plusieurs aspects clés du dialogue social. Le gouvernement et les syndicats campent sur leurs positions, diamétralement opposées.
Files d'attente aux stations-service, production d'électricité affectée, transports perturbés et manifestations spontanées : la grogne contre la loi Travail reste intense. Début mai, 74% des Français se disaient opposés à ce texte qui favorise l'entreprise pour 7 sondés sur 10. Après des semaines de manifestations - et leurs cortèges de dérapages plus au moins violents -, la situation semble plus tendue que jamais. En cause principalement : l'article 2 du texte de loi. "La CGT ne fait pas la loi dans ce pays", a lancé mercredi Manuel Valls durant la séance de questions au gouvernement à l'Assemblée nationale. Le Premier ministre a voulu être "très clair" : "Il n'y aura ni retrait du texte, ni remise en cause de l'article 2, car c'est le coeur de la philosophie du texte". Une sortie qui ne devrait pas apaiser la colère syndicale.
Que dit l'article 2?
L'article 2 "vise à réécrire la totalité des dispositions du code portant sur la durée du travail, l’aménagement et la répartition des horaires, le repos quotidien, les jours fériés et les congés payés", peut-on lire dans le projet de loi. "La primauté de l’accord d’entreprise en matière de durée du travail devient le principe de droit commun. C’est notamment le cas en matière de fixation du taux de majoration des heures supplémentaires, où la priorité est donnée à l’accord d’entreprise, et non plus à l’accord de branche", précise-t-on ensuite. Les défenseurs de cet article (le gouvernement et le Medef notamment) estiment que les accords d'entreprise permettront de mieux s'adapter aux contextes spécifiques que connaissent chacun des entreprises.
Pourquoi une telle grogne sociale?
Au contraire, plusieurs syndicats, la CGT et FO en première ligne, sont vent debout contre ce qu'implique cet article. Ils craignent en effet que, les accords d'entreprise remplaçant les accords de branche qui prévalaient jusqu'à présent, les salariés se retrouvent fragilisés au cours des négociations, qui plus est avec un taux de salariés syndiqués en baisse et, de fait, une influence moindre des syndicats.
Une situation complètement bloquée
Bilan des opérations : les menaces des syndicats se durcissent et le gouvernement campe sur ses positions. Stéphane Le Foll, le porte-parole du gouvernement, a affirmé mercredi qu’"il n’était pas question de revenir" sur l'article 2. "Revenir sur ces dispositions, je cite, 'ce serait porter un coup dur aux salariés, car ils perdraient le bénéfice des nouveaux droits que ce texte leur accorde'", a ajouté Manuel Valls, citant des propos du secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, qui s'est rallié au soutien du projet de loi après avoir obtenu des modifications.
"Tant que le gouvernement ne revient pas sur cet article 2, nous continuerons la mobilisation", a de son côté fait savoir Jean-Claude Mailly, secrétaire général de FO. Philippe Martinez (CGT), dont le syndicat a pris la tête de l'opposition à la loi Travail, va plus loin : "Nous promettons que si le gouvernement ne retire pas son projet, les mobilisations vont continuer, s'amplifier." Et le syndicaliste d'appeler à "une généralisation de la grève partout, dans tous les secteurs".
Jeudi, l'intersyndicale CGT-FO-Solidaires-FSU-Unef-Fidl-UNL appelle à une huitième journée de manifestation, et la neuvième est déjà programmée au 14 juin. A moins que le dialogue ne se débloque avant.
Thomas Liabot - leJDD.f
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http://www.ladepeche.fr/article/2016/05/26/2352519-loi-travail-valls-recadre-sapin-article-2-auquel-gouvernement-touchera.html
Publié le 26/05/2016 à 09:27, Mis à jour le 26/05/2016 à 11:33
Loi Travail: Valls recadre Sapin sur l'article 2, auquel le gouvernement ne "touchera pas"
Loi Travail
Manuel Valls et Michel Sapin à l'Assemblée nationale - JOEL SAGET - AFP/Archives
Manuel Valls et Michel Sapin à l'Assemblée nationale JOEL SAGET / AFP/Archives
Zoomer
Le Premier ministre Manuel Valls a recadré jeudi son ministre des Finances Michel Sapin, qui avait estimé qu'il fallait "peut-être" modifier l'article 2 de la loi Travail, principale pomme de discorde avec les syndicats hostiles au texte, assurant que le gouvernement ne toucherait pas à ce point clé du texte.
"On ne touchera pas à l'article 2", a déclaré sur RMC le chef du gouvernement. "Il est hors de question de changer le cadre", a-t-il insisté, tout en reconnaissant qu'il pouvait "toujours y avoir des modifications, des améliorations", apportées au projet de loi.
Interrogé quelques minutes plus tôt sur LCP, Michel Sapin avait jugé qu'il fallait "peut-être" toucher à cet article portant sur l'articulation entre accords de branche et accords d'entreprise, tout en écartant toute "remise en cause des principes" essentiels du projet de réforme.
"Il faut regarder tout cela dans le détail", et "en finesse", avait-il poursuivi. Mais "il n'y aura pas de remise en cause des principes qui sont dans la loi, parce que ça reviendrait" à le retirer, a-t-il souligné, en fustigeant l'attitude des syndicats hostiles au texte.
Dans une déclaration transmise à l'AFP, Michel Sapin a assuré ensuite, sur la même ligne que le Premier ministre sur cette question: "On ne touche pas à la philosophie générale du texte. L'accord d’entreprise primera donc sur l'accord de branche".
"Il peut y avoir des améliorations au Sénat mais la philosophie du texte et celle de l'article 2 ne doivent pas bouger", a-t-il insisté.
La question d'une éventuelle évolution de l'article de 2 du projet de loi avait déjà donné lieu mercredi à un couac entre le gouvernement et le président du groupe PS à l'Assemblée Bruno Le Roux, qui s'était lui aussi dit ouvert à une évolution sur ce point, avant d'être recadré par le gouvernement.
"Je suis toujours ouvert quand il faut améliorer tel ou tel aspect", a assuré jeudi Manuel Valls, interrogé sur ses intentions sur le texte.
"Mais en revanche, sur les grandes lignes du texte, l'article 2, c'est-àire la négociation dans l'entreprise, la garantie jeunes, les nouveaux droits pour les salariés, la lutte contre le détachement illégal, ce que nous faisons pour les jeunes, ça il n'est pas question d'y toucher", a-t-il affirmé.
Ces déclarations interviennent au matin d'une nouvelle journée de mobilisation, la huitième depuis mars, à l'appel de l'intersyndicale CGT-FO-Solidaires-FSU-Unef-Fidl-UNL. Une neuvième est déjà programmée le 14 juin, avec un rassemblement unique à Paris.
Interrogé sur les blocages de raffineries et de dépôts de carburant, Michel Sapin a dénoncé l'action d'une "minorité", notamment de la CGT, qu'il a appelé à "se ressaisir".
Ce syndicat "a décidé de faire" de l'opposition à la loi Travail "une question de principe", a jugé le ministe. "Quand on est dans une question de principe, il n'y a aucune raison de céder. Ca consisterait à dire qu'on abandonne la réforme soutenue par une majorité d'organisations syndicales", a-t-il insisté.
"Ceux qui aujourd'hui bloquent des raffineries ou des dépôts ne font pas dans la finesse", a poursuivi l'élu. "Ca n'est pas comme ça qu'on doit dialoguer", a-t-il conclu.
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http://www.editions-tissot.fr/actualite/droit-du-travail-article.aspx?secteur=ST&id_art=7522&titre=La+qualit%C3%A9+de+vie+au+travail+favorise+la+performance+%C3%A9conomique+de+l%E2%80%99entreprise
La qualité de vie au travail favorise la performance économique de l’entreprise
Depuis quelques temps, les articles sur le bonheur au travail se multiplient ainsi que les vidé présentant une manière ou une autre de redonner le sourire aux salariés. Simultanément, le concept de « chief happiness officer » pénètre doucement les RH. Alors, entre bonheur et mal-être au travail, la qualité de vie au travail (QVT) c’est quoi ? Peut-elle être favorable tant à l’entreprise qu’aux salariés ?
Mots clés de l'article : Stress au travail
QVT au travail : de quoi parle-t-on au juste ?
En 1994, l’Organisation Mondiale de la Santé a tenté de circonscrire la notion de qualité de vie : « un large champ conceptuel, englobant de manière complexe la santé physique de la personne, son état psychologique, son niveau d’indépendance, ses relations sociales, ses croyances personnelles et sa relation avec les spécificités de son environnement ».
Puis, certainement à cause de la montée des risques psychosociaux (RPS) et du stress, le concept de qualité de vie (initialement lié au domaine de la santé) a glissé vers le secteur du travail. C’est ainsi qu’en 2002, la Commission européenne a listé sept différentes dimensions de la qualité de vie au travail.
En 2007, l’ANACT, dans le cadre d’une semaine d’échanges autour des conditions de travail, a défini six facteurs clés de la QVT :
les relations sociales et de travail ;
le contenu du travail ;
l’environnement physique de travail ;
l’organisation du travail ;
la réalisation et le développement professionnel ;
la conciliation entre vie professionnelle et vie privée.
Enfin, les partenaires sociaux s’emparent de la question et signent, en 2013, un accord national interprofessionnel (ANI) ayant pour objectif de favoriser la qualité de vie au travail et l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. L’article 1 donne une définition de la QVT et l’article 2 liste les dix éléments sur lesquels elle repose.
Art.1 : la QVT « peut se concevoir comme un sentiment de bien-être au travail perçu collectivement et individuellement qui englobe l’ambiance, la culture de l’entreprise, l’intérêt du travail, les conditions de travail, le sentiment d’implication, le degré d’autonomie et de responsabilisation, l’égalité, un droit à l’erreur accordé à chacun, une reconnaissance et une valorisation du travail effectué ».
Accord sur la qualité de vie au travail du 19 juin 2013
(pdf | 17 p. | 163 Ko)
Certains détails ne vous auront pas échappés... La problématique cruciale réside dans le fait que la QVT n’est pas définie précisément et les éléments sur lesquels elle est sensée reposer varient (même si on peut effectuer certains rapprochements et s’il existe des incontournables).
Sur quoi négocier si la définition est floue ?
L’ANI de 2013 n’a créé aucune obligation de négocier pour les entreprises. D’ailleurs, la loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 ne prévoyait que la possibilité de regrouper la QVT avec d’autres sujets de négociation (égalité femme-homme, durée du travail, prévoyance, prévention de la pénibilité, etc.).
Mais depuis la loi Rebsamen du 17 août 2015, la qualité de vie au travail, et l’égalité professionnelle femme-homme, font partie des thématiques qui doivent être abordées dans toutes les entreprises lors de la négociation annuelle obligatoire avec les représentants syndicaux (art. 19).
Négocier, voilà désormais l’obligation : mais sur quoi ? Et bien, l’article 19 de la loi Rebsamen (modifiant l’art. L. 2242-8 du Code du travail) a restreint le thème de la QVT à l’articulation entre la vie personnelle et la vie professionnelle et à l’exercice du droit d’expression ! Sur les 10 facteurs fondamentaux de la QVT retenus par l’ANI, la loi Rebsamen n’en a retenu que 3 (avec l’égalité professionnelle), vidant ainsi – à mon avis - la QVT de sa substance.
Pourtant, dans le sillage de l’ANI, le troisième plan santé au travail (2016-2020) du Gouvernement définit trois axes stratégiques parmi lesquels figure l’amélioration de la QVT. Les diverses actions évoquées doivent inciter à « la mobilisation de tous les acteurs en faveur de la prévention et pour que les conditions de travail soient portées au rang de priorité stratégique de l’entreprise ».
Les entreprises tardent à se saisir du sujet
L’ANACT reconnaît qu’il n’y a pas pléthore d’accords et comme aucun recensement exhaustif n’a été fait, pour l’heure, seul le rapport du ministère du Travail sur la négociation collective (2014) donne quelques indications. Il révèle que les accords de branches portent principalement sur les salaires (386) et primes (163), la retraite complémentaire et la prévoyance (193), la formation et l’apprentissage (187), etc. Le nombre d’accords traitant exclusivement ou à titre principal de l’égalité professionnelle femme-homme est en baisse (136) et les accords sur les conditions de travail, l’hygiène et la sécurité sont minoritaires (85). Or, l’égalité de traitement, la santé, la sécurité et la prévention font partie de la QVT !
Si certaines organisations ont simplement mis en place des espaces de discussion ou observatoires, d’autres – La Poste, EDF, Air France, SNCF, Aréva, Thalès, Maïf, Société Générale – ont ouvert la voie et signé des accords d’entreprise. L’ANACT remarque une « dynamique d’innovation intéressante » dans la vingtaine d’accords qu’elle a eu l&rsquocasion d’analyser.
Le fait que la notion de QVT évolue au cours de la carrière professionnelle, qu’elle varie d’un salarié à un autre et que les conditions de mise en œuvre puissent être différentes selon les caractéristiques de l’entreprise, complique la tâche des employeurs et DRH. Malgré sa complexité et sa transversalité, le sujet ne doit pas être évacué car l’ANI et le plan santé au travail offrent des axes de réflexion. Un projet de changement d’organisation du travail peut être saisi comme l&rsquocasion de se pencher sur ces questions. Mais sans un responsable qui s’empare du sujet et sans volonté manifeste de la direction, l’amélioration de la QVT restera un vœu pieux.
La QVT des salariés contribue à accroître la performance et la compétitivité de l’entreprise
C’est un fait, les partenaires sociaux qui ont signé l’ANI le reconnaissent et les chercheurs l’affirment.
Depuis une quinzaine d’années, diverses études – citées par Estelle Morin dans sa publication - ont montré le lien étroit qui relie QVT et performance : en 1999, des Américains ont révélé que la QVT renforce l’engagement des salariés, diminue le taux d’absentéisme et la fréquence des retards. La même année, d’autres chercheurs ayant examiné 146 entreprises pendant 5 ans, ont prouvé que celles qui avaient une haute QVT avaient réalisé de meilleurs profits et une plus forte croissance que les autres. Plus récemment, en 2004, une étude a montré que la poursuite d’objectifs financiers élevés n’est pas incompatible avec des mesures de prévention de la santé ou de la promotion du bien-être des salariés. Enfin, les experts du bureau de normalisation du Québec ont établi que 1 $ CA investi dans la santé et la QVT génère entre 2,75 à 4 $ CA de rentabilité !
Or, l’ANACT révèle que la QVT est considérée comme dégradée depuis 5 ans par 48 % des sondés en 2013. Les salariés français interrogés par Deloitte et Cadremploi en 2014 donnent une note moyenne de 4,8/10 à la qualité de vie au travail.
Un sujet transversal qui doit bénéficier d’une approche globale
La qualité de vie au travail est un sujet complexe car de nombreuses thématiques sont imbriquées et car la mise en œuvre de certaines actions peut avoir un coût. Néanmoins, toutes les études allant dans le même sens, les dirigeants doivent se convaincre du bien-fondé de s’engager dans l’amélioration de la QVT.
On retrouve dans l’ANI, les éléments-clés listés par l’ANACT pour définir la QVT, auxquels s’ajoutent l’égalité de traitement entre les femmes et les hommes, la qualité de l’engagement de chacun et la qualité de l’information partagée en entreprise. Il y a donc un consensus national permettant la mise en œuvre d’actions concrètes dans les entreprises.
Il est évident que le cloisonnement des thématiques (accord sur le stress, sur l’égalité de traitement, sur la prévention du harcèlement) et des négociations ne favorisent pas une approche globale. Espérons que les regroupements opérés par la loi Rebsamen permettent des avancées et que les entreprises soient capables d’aller au-delà de la contrainte réglementaire pour saisir l&rsquoportunité.
Cindy Feix
Auteure du blog « Travail et qualité de vie »
Sources :
ANI du 19 juin 2013, vers une politique d’amélioration de la qualité de vie au travail et de l’égalité professionnelle
Bilans & Rapports. La négociation collective en 2014. Ministère du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, DGT, DARES, mai 2015
Plan santé au travail (2016-2020), Ministère du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, DGT, Edition Dicom, janvier 2016
Sens du travail, santé mentale et engagement organisationnel, Estelle Morin, IRSST, 2008
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Bon, il va falloir que je pioche tout ça. Plus tard.
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