franch (clôturé)
il y a 4 ans
Ahhh, le Chaos, ma plus grande passion.
Décidément @yami-yuki , tu m'épates avec tes postes intellos, merci.
Autant la quantique m'intéresse parce que je m'intéresse à tout mais reste loin d'une réalité tangible, ça reste pour moi des expériences de pensée ; autant la théorie du chaos a refaçonné ma vision du monde observable.
Edgar Morin, La méthode, tome 1 : La nature de la nature :
"Le Chaos est une idée d'indistinction, de confusion entre puissance destructrice et puissance créatrice, entre ordre et désordre, entre désintégration et organisation.
Les processus d'ordre et d'organisation ne se sont pas frayés un chemin comme une souris à travers les trous du gruyère cosmique, ils se sont constitués dans et par le chaos.
Le bouillonnement est à la source même de toute organisation. Dans cet univers, toute
forme d'organisation est née de rencontres aléatoires. De ce chaos surgit l'ordre, mais
toujours, toujours, avec la coprésence complémentaire et antagoniste du désordre.
Comment n'avait-on pas compris que l'ordre pur est la pire des folies qui soit, celle qui n'a
jamais connu la vie ?
Les contradictions ne demandent plus à être éliminées ou dépassées, elles doivent être acceptées comme faisant partie du réel. Il faut donc briser une barrière mentale. Il faut se rendre à la nouvelle évidence. Le chaos oblige nos notions antagonistes à se tordre l'une vers l'autre, à se nouer l'une à l'autre.
Nous sommes toujours dans le nuage qui se dilate. Nous sommes toujours dans un univers qui se désintègre et s'organise du même mouvement. Nous sommes toujours dans le commencement d'un univers qui meurt depuis sa naissance.
L’important à comprendre dans la théorie du Chaos, c’est qu’à tous niveaux d’organisation, à toutes les échelles, l’atome, la molécule, le vivant, les sociétés, les écosystèmes, les étoiles et
l’univers, partout, les lois de la complexité sont les mêmes. Entre autres : Le désordre crée des rencontres, des interactions, qui construisent de l'ordre, de l'organisation qui, à leur tour, par entropie, génèrent du désordre qui crée des nouvelles rencontres. Ou : Plus un système est organisé, plus il génère du désordre."
à lire aussi : Chaos et déterminisme. Sous la direction d'A. Dahan Dalmedico, J.-L. Chabert, K. Chemla.
Loin des exégèses spectaculaires et des spéculations superficielles, ce livre tente, en donnant la parole aux meilleurs spécialistes du domaine, de remonter aux racines du chaos déterministe. Grâce à une approche physique et mathématique, mais aussi historique et philosophique, il éclaire de manière originale un concept clé de la science contemporaine.
Et puis ça, c'est de moi, extrait de mon roman "Chaos et construction". Une petite analyse des mondes marginaux, alternatifs et créatifs vu par le prisme du Chaos. (ça parle aussi de vie en collectif et de schizophrénie).
"Donc, les systèmes chaotiques de réseaux, d'affinités, de concerts et de chantiers, de rencontres improbables, de grouillements nomades et de bouillonnements créatifs, qui exploitent et assimilent les aléas et profitent des coïncidences, ces rhizomes en perpétuel altération et amélioration, bouleversement et conversion, cession et renouvellement, restent viables parce qu'en mouvement, riches et innovants parce que désordonnés.
C'est justement parce que la logique scientiste et la rationalité marchande veulent à tout prix ordonner le monde que tout part en quenouille. Parce que la pensée unique resserre les couloirs de la normalité que la marge se développe. Parce que le monde prosaïque prend toute la place que la poésie s'immisce partout. Il faut profiter des failles qui apparaissent, combler les vides, utiliser le gaspillage de l'économie rationnelle et multiplier les rencontres génératrices de nouvelles formes l'organisation.
Le chaos social se construit par analogie, par tâtonnements empiriques, par hasard. Chacun fait selon ses désirs et ses opportunités. Cela doit partir dans toutes les directions pour augmenter les chances et accroître les croisements fructueux. Et s'il y a un truc qui marche, il faut faire passer le mot. C'est ce remous insaisissable et universel de petites choses qui nous fait forts. Reliées entre elles par la vague intuition qu'en réinventant le relationnel et la sociabilité, qu'en se réinventant, l'humanité a peut-être encore un avenir. La déviance est sans doute son dernier espoir.
"Une improbabilité générale peut se transformer en myriade de probabilités locales."
Modifié il y a 4 ans, le vendredi 27 novembre 2020 à 15:39