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arsinoe (clôturé)
il y a 8 ans
Je propose, autour de ce sujet, de développer les différents moments de la pensée de l'existence. Comment a pu naître le mot existence, comment il a évolué, jusqu'à ce que les philosophies existentielles s'en emparent.
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lecouperet (clôturé)
il y a 8 ans
Citation de "arsinoe"Je propose, autour de ce sujet, de développer les différents moments de la pensée de l'existence. Comment a pu naître le mot existence, comment il a évolué, jusqu'à ce que les philosophies existentielles s'en emparent.
Bonsoir ,
C'est un bien beau sujet mais nous ici de l'existence on en connaît qu'un bout , celui que l'on tend a l'autre !
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lecouperet (clôturé)
il y a 8 ans
Sos, qui pourrait m'aider a faire exister ce post , parce que là nous passons pour des , des , des comment dire.....
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immanente (clôturé)
il y a 8 ans
Je recopie ici le texte de ton introduction comme convenu.
Je compte sur toi pour que tu reprennes ensuite toi même la frappe de ton texte.
I INTRODUCTION
En quoi l'existence pose plusieurs problèmes philosophiques? A quoi répondent ces philosophies existentielles? Il va falloir d'abord comprendre pourquoi et en quoi l'existence pose un certain nombre de problèmes philosophiques pour ensuite voir comment chaque mouvance de l'existentialisme s'empare de ces problèmes et tente de donner une réponse.
La Nausée, 1938 (Jean-Paul Sartre) : "J'étais tout à l'heure au jardin public. La racine du marronnier s'enfonçait dans la terre, juste au-dessous de mon banc. Je ne me rappelais plus que c'était une racine. Les mots s'étaient évanouis et, avec eux, la signification des choses, leurs modes d'emploi, les faibles repères que les hommes ont tracés à leur surface. J'étais assis, un peu voûté, la tête basse, seul en face de cette masse noire et noueuse, entièrement brute et qui me faisait peur. Et puis j'ai eu cette illumination.
Ça m'a coupé le souffle. Jamais, avant ces dernier jours, je n'avais pressenti ce que voulait dire « exister». J'étais comme les autres, comme ceux qui se promènent au bord de la mer dans leurs habits de printemps. Je disais comme eux « la mer est verte ; ce point blanc là-haut, c'est une mouette », mais je ne sentais pas que ça existait, que la mouette était une « mouette-existante » ; à l'ordinaire, l'existence se cache. Elle est là, autour de nous, en nous, elle est nous, on ne peut pas dire deux mots sans parler d'elle et, finalement, on ne la touche pas. Quand je croyais y penser, il faut croire que je ne pensais rien, j'avais la tête vide, ou tout juste un mot dans la tête, le mot « être ». Ou alors, je pensais... comment dire? Je pensais l'appartenance, je me disais que la mer appartenait à la classe des objets verts ou que le vert faisait partie des qualités de la mer. Même quand je regardais les choses, j'étais à cent lieues de songer qu'elles existaient : elles m'apparaissaient comme un décor. Je les prenais dans mes mains, elles me servaient d'outils, je prévoyais leurs résistances. Mais tout ça se passait à la surface. Si l'on m'avait demandé ce que c'était que l'existence, j'aurais répondu de bonne foi que ça n'était rien, tout juste une forme vide qui venait s'ajouter aux choses du dehors, sans rien changer à leur nature. Et puis voilà: tout d'un coup, c'était là, c'était clair comme le jour: l'existence s'était soudain dévoilée. Elle avait perdu son allure inoffensive de catégorie abstraite : c'était la pâte même des choses, cette racine était pétrie dans l'existence. Ou plutôt la racine, les grilles du jardin, le banc, le gazon rare de la pelouse, tout ça s'était évanoui : la diversité des choses, leur individualité n'était qu'une apparence, un vernis. Ce vernis avait fondu, il restait des masses monstrueuses et molles, en désordre - nues, d'une effrayante et obscène nudité. [...]
J'étais là, immobile et glacé, plongé dans une extase horrible. Mais, au sein même de cette extase quelque chose de neuf venait d'apparaître; je comprenais la Nausée, je la possédais. À vrai dire je ne me formulais pas mes découvertes. Mais je crois qu'à présent, il me serait facile de les mettre en mots. L'essentiel c'est la contingence. Je veux dire que, par définition, l'existence n'est pas la nécessité. Exister, c'est être là, simplement; les existants apparaissent, se laissent rencontrer, mais on ne peut jamais les déduire. Il y a des gens, je crois, qui ont compris ça. Seulement ils ont essayé de surmonter cette contingence en inventant un être nécessaire et cause de soi. Or, aucun être nécessaire ne peut expliquer l'existence : la contingence n'est pas un faux semblant, une apparence qu'on peut dissiper; c'est l'absolu, par conséquent la gratuité parfaite. Tout est gratuit, ce jardin, cette ville et moi-même. Quand il arrive qu'on s'en rende compte, ça vous tourne le cœur et tout se met à flotter. »
Ce texte nous dit tout ou presque de l'existence. La première chose que dit le texte, qui va tant intéresser les existentialistes, est que l'existence se manifeste en se cachant, invisibilité habituelle de l'existence. Nous sommes donc ce qu'on appelle des existants. Précisément parce que nous sommes des existants nous ne sentons pas, nous ne voyons pas, nous ne remarquons pas notre existence.
Le texte de la Nausée est un moment particulier dans le roman puisque le narrateur, Roquentin, assis sur son banc dans le jardin public découvre tout à coup l'épaisseur, la consistance de l'existence. Cette découverte est une découverte très angoissante, très inquiétante "extase horrible". Sartre utilise le terme d'extase dans son sens littéral : état dans lequel nous nous trouvons comme à l'intérieur de nous-mêmes. Les choses, dit Sartre, sont pétries, s'enferment dans l'existence, laquelle constitue la pâte même des choses. Nous pourrions décliner la métaphore culinaire, nous mangeons la pâte, mais nous ne la sentons pas. Découvrir tout à coup cette pâte des choses, habituellement dissimulée, est qualifiée par Sartre d'obscène.
La découverte de l'existence, si l'on en croit Sartre, n'est pas quelque chose qui va de soi, mais quelque chose qui va peut-être nous révéler une partie de nous mêmes qu'il faudra ensuite assumer, à laquelle il faudra se confronter.
Dans le texte il y a une découverte majeure non seulement que l'existence est la pâte même des choses et se dissimule, mais aussi qu'elle est contingente (contingent : non nécessaire).
Découverte de la contingence de l'existence. "Tout est gratuit, ce jardin, cette ville et moi-même". Dire que l'existence est contingente revient à dire que nous ne pouvons que constater que nous existons. L'existence est de l'ordre du constat, du factuel. Certes j'existe, je suis, je suis là "da sein" dira l'allemand, mais je ne pourrai jamais dépasser ce constat. Comme le dit Sartre "Je ne peux jamais déduire mon existence". L'existence ne se déduit pas, nous ne sommes donc pas nécessaires. Je suis là, mais j'aurais bien pu ne pas être là. Quand on se hisse à cette notion de contingence, que notre esprit s'empare de cette notion, le résultat de cette extase horrible est que tout se met à tourner, à flotter. Nous commençons à éprouver ce curieux sentiment métaphysique que Sartre va appeler particulièrement dans son roman "la nausée", la nausée étant ce vertige qui était sans doute le vertige pascalien devant l'infinité du cosmos, à la différence que ce vertige ne va pas se saisir de nous devant l'immensité qui s'ouvre devant nous, mais devant le fait que moi, qui suis ce à partir de quoi le monde et les autres existent, j'aurais pu ne pas exister. Dans cette belle page littéraire se trouve la majeure partie des problèmes philosophiques qui occuperont tous les courants existentialistes.
On peut donc se demander quelle est cette existence avec laquelle chacun se confond et qui cependant nous apparaît comme une énigme, laquelle à son tour ne tarde pas à nous apparaitre comme étant l'énigme suprême. C'est-àire je ne puis rendre compte, je ne puis justifier ma propre existence, je n'en suis pas l'auteur, je n'en suis pas la cause, l'origine, je n'en suis pas non plus, sauf exception, le sujet et l'instance qui en décidera de la fin. Je suis là, jeté dans l'existence, et cette existence m'apparaît à la fois comme quelque chose qui va de soi et en même temps m'aveugle. Sous cette mauvaise évidence, non pas l'évidence philosophique travaillée, mais l'évidence au sens commun du terme, se cache un abîme susceptible de nous donner cette nausée dont nous parle Sartre. Donc évidence et en même temps énigme suprême car notre être est par définition un être existant. Ce qui nous conduit à noter que, au départ sur le plan philosophique, nous sommes conduits à confondre, à assimiler "être et exister". Nous ne faisons pas dans la vie courante de différence entre être et exister. Lorsque la différence sera faite, elle sera très tardive et sera le fait des travaux des existentialistes.
Si on ouvre les "méditations métaphysiques", grand moment de Descartes, celui-ci emploie "être" au sens "exister", à commencer dans la formulation "cogito" : "je pense donc je suis", voulant dire j'existe. Je pense, et par ma pensée j'ai bien la certitude d'exister. Nous avons du mal à ne pas mélanger "être et exister". Nous assimilons être et exister parce qu'il nous semble que notre existence est par définition ce qui fonde notre être. Être ceci ou cela présuppose que tout d'abord je sois, c'est-àire j'existe. Je suis, j'existe donc cela semble hors de doute. Cette position va valoir, va s'imposer à deux niveaux, un niveau existentiel et un niveau ontologique.
L'ontologie appartient au domaine de la métaphysique, domaine qui essaye de connaître les êtres en dehors de notre portée, les êtres transcendants sur lesquels on ne peut mener aucune expérience, voire expérimentation. L'ontologie est la partie la plus extrême de la métaphysique. C'est une discipline qui remonte à Aristote, est définie par Aristote comme la science de l'être en tant qu'être. "Être-exister" référence à certaines définitions qu'Aristote nous donne dans son ontologie, dans certains livres de la métaphysique, parce que ces définitions vont marquer totalement la pensée occidentale jusqu'à Sartre. Et ce n'est pas par hasard que Sartre a écrit "L'être et le néant".
J'existe signifie littéralement : je suis un être existant. L'existence est toujours objet d'une ellipse, c'est cela que les philosophes existentialistes vont essayer de faire ressortir, de faire apparaître : ce qui se dissimule. Mais que signifie un être existant? Quand on se pose cette question, on commence à rencontrer des petites difficultés.
Car je suis un être existant veut dire, premier niveau de transcription, je suis un être réel, un être vrai, un être qui est dans la réalité. Mais dire que je suis un être réel, un être vrai n'a de signification que lorsque je confronte le réel, l'être, et de l'autre côté le néant. Dire que je suis un être réellement existant, un être réel, signifie que je me tiens face au néant. Or cet acte que Sartre étudiera par définition dans "L'être et le néant" l'amène à fracturer le néant, appelé aussi le non-être, à le fondre, le contraindre à s'ouvrir en deux vagues opposées que mon existence va littéralement repousser. En effet il y a le néant d'avant ma naissance, et le néant d'après, après ma mort.
De sorte que mon existence pourrait déjà se qualifier comme cette déchirure qu'involontairement j'inflige au néant. Ma mort sera la suture, c'est-àire que ces deux vagues de néant vont se raccorder au-delà de mon existence. Lequel d'entre nous n'a pas été frappé d'étonnement, pris de vertige, de nausée pour reprendre le célèbre terme sartrien, face à ce constat? Celui par lequel nous découvrons que nous ne sommes qu'une forme de membrane très fragile qui sans cesse écarte deux aspects du néant. Fragilité ontologiquement extraordinaire de l'existence. C'est peut-être parce qu'il y aura une fragilité ontologique de l'existence qu'il va falloir la doper, la transformer en liberté, en action.
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arsinoe (clôturé)
il y a 8 ans
Oui c'est ce que nous avons convenu. Tu termines la frappe de l'introduction et je reprends le flambeau. Je taperai moi même la suite de l'étude.
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Citation de "lecouperet"Citation de "arsinoe"Je propose, autour de ce sujet, de développer les différents moments de la pensée de l'existence. Comment a pu naître le mot existence, comment il a évolué, jusqu'à ce que les philosophies existentielles s'en emparent.
Bonsoir ,
C'est un bien beau sujet mais nous ici de l'existence on en connaît qu'un bout , celui que l'on tend a l'autre !
MRD sa nous manque que l'existence
moi j'existe ben suis la non?
Mort de rire
poste de mrd
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immanente (clôturé)
il y a 8 ans
Citation de "arsinoe"Oui c'est ce que nous avons convenu. Tu termines la frappe de l'introduction et je reprends le flambeau. Je taperai moi même la suite de l'étude.
(suite)
Etonnement devant ce double néant dont nous sommes bordés. Réplique de Hamlet, acte III, scène 1 "To be or not to be", où toutes les traductions donnent "Être ou ne pas être". Or, quand nous disons "être ou ne pas être", nous comprenons, nous Français, "exister ou ne pas exister". Bien sûr la réplique d'Hamlet signifie cela. Il y a une méditation d'Hamlet sur la possibilité de quitter cette vie, de cesser d'exister, de mourir, de sauter la vie par le suicide, ou bien au contraire de l'accepter. Suit la tirade où Hamlet s'interroge sur ce qui nous pousse à supporter une vie difficile, pleine de tourments "telle est la question", être, ne plus être, exister, ne plus exister. Mais sous cette alternative, sous cette question s'en cache une autre. Au fond le choix dont il est question ici, au travers de la réplique d'Hamlet est aussi le choix qui ne me porte plus à choisir entre l'existence et la non-existence, mais le choix entre être et exister.
D'où une première question qui sera longue quand à son traitement puisque Sartre par exempte s'y est totalement employé dans "l'Être et le néant" : si l'existence ne pouvait se comprendre réellement comme ce qui, en nous, tente d'être sans jamais précisément y parvenir ? Si au lieu de continuer à confondre comme une chose qui va de soi être et exister, nous essayions de regarder, de modifier notre regard ? Si ces deux notions n'étaient pas équivalentes, mais entretenaient des liens conflictuels, antagonistes ? Si d'une certaine façon l'existence n'était pas l'expérience fondamentale de tout être pour essayer d'être, c'est-àire pour essayer de réaliser son être, sous entendu : tant qu'il existe son être n'est pas réalisé? Dissociation possible entre être et exister, mise en accusation de l'existence laquelle va très vite montrer sa défaillance et montrer en même temps sa vassalité totale par rapport à cette leçon d'être dont nous verrons que dans la philosophie occidentale elle est première. La première catégorie qui existe est celle de l'être, c'est de l'être qu'il faudra partir pour passer à l'existence, mais cela aura de nombreuses conséquences philosophiques.
Cette dissociation et cette opposition entre être et exister va atteindre un degré extrême dans la philosophie sartrienne puisque Sartre écrit dans "L'existentialisme est un humanisme" : " Tant que nous existons nous ne sommes pas, et quand nous sommes nous n'existons plus".
Nous devrons nous demander pourquoi cette antinomie. Comment comprendre que l'existence que nous confondons souvent avec l'être, comment comprendre que nous avons privilégié le verbe être au détriment du verbe exister. Nous employons "le fait est...", nous ne disons pas "le fait existe...". Pourquoi dans nombre d'expressions, alors que nous partons de la certitude que les deux s'équivalent, c'est quand même le verbe être que nous privilégions, que notre langue choisit ? Posons nous cette question : être n'est-ce pas obligatoirement promouvoir l'existence ? Et si nous découvrions que non, que ce n'est pas forcément promouvoir l'existence ?
Qu'est-ce alors exister ?
Toutes les philosophies existentielles procèdent de cette question. De cette première question nous allons découvrir d'autres questions qui sont emboitées dans celle-ci comme c'est souvent le cas en philosophie. En se demandant qu'est-ce que l'existence nous allons découvrir d'autres questions qui font problèmes. Il y a donc un nœud de complexités philosophiques autour de l'existence et nous pouvons poser que les existentialismes, en maintenant les pluriels pour l'instant, sont des tentatives de réponses à cela.
Qu'est-ce que l'existence ?
En se posant cette question, nous éprouvons une sorte de gêne comme si le sujet n'était vraiment pas sérieux. Il semble qu'il y ait un évidence de l'existence. Sartre nous a fait comprendre que c'était une curieuse évidence, elle s'exhibe tout en se cachant, et en même temps si nous regardons du côté de la langue, si nous remontons à l'étymologie latine, exister vient de "eistere" qui veut dire se tenir à l'extérieur de soi-même. Il semble qu'il y a une sorte de paradoxe inscrit dans l'existence, dans le sens premier, puisque exister c'est à la fois être présent à soi et séparé de soi. C'est pour cela que l'allemand d'une façon générale utilisera l'expression " da sein", être là. Quand il s'agira de l'existence, telle qu'elle peut se proposer à vivre pour un être humain, l'allemand utilisera "existenz", montrant bien que nous sommes pas là, même si nous essayons de décrire les choses d'un point de vue spatial et temporel.
Un des fils directeur de toutes les philosophies existentielles c'est de bien montrer que l'existence, certes elle est à vivre, mais elle implique une dimension qui arrache le vivant que nous sommes à son destin biologique, c'est-àire, exister n'est pas vivre. Là aussi dans le vocabulaire courant on ne fait pas toujours la distinction, on dit "je vis". Or ce sont des abus de langage parce que la vie c'est le bios, quelque chose qui est descriptible en termes de processus physico-chimiques dont nous sommes les manifestations, de même que n'importe quel type d'organisme vivant. L'existence est quelque chose à décider, à accomplir, à orienter, tous problèmes que ne se pose pas la vie. De même qu'il y a une différence entre être et exister, il y a une violente opposition entre vivre et exister. Si nous n'avions qu'à vivre ce serait beaucoup plus simple, moins douloureux, moins passionnant. L'existence se confond avec ce pur "être-là". Comment sommes-nous-là dans le monde ?
Est-il sérieux de douter de son existence ? "Comment douter de mon existence ?" (Descartes, Méditations métaphysiques : première méditation paragraphe 4 aliéna 4). Il y a une fausse évidence de l'existence qui semble aller de soi. Mais si je veux, comme Descartes, être assuré de la véracité de mes propres certitudes, je vais faire l'effort de mettre en doute ce qui semble irraisonnable, c'est-àire l'existence elle-même. "Comment pourrais-je nier que ces mains, ce corps soient à moi" demande le philosophe ? Certes je le peux, mais si je le fais, je suis comparable à ces insensés, à ces fous qui ont d'eux-mêmes une perception erronée.
Douter comme le fait Descartes, de son existence est encore témoigner de cette existence dont je doute. Douter est une modalité de la pensée, douter que j'existe est non seulement affirmer de ce fait mon existence, mais affirmer cette existence comme pensée.
C'est le sens du célèbre cogito. Ce rappel cartésien nous montre que l'existence est présupposée dans la question de l'existence. Si je me pose des questions sur l'existence, c'est que moi je suis un être existant. C'est un truisme ; mais la chose la plus difficile à exposer.
L'existence ne saurait être détachée de moi, je ne puis arriver qu'à une pure tautologie : je suis ma propre existence . Nous avons donc l'impression que le sens commun a tout à fait raison de confondre être et exister. Néanmoins il est remarquable que Descartes découvre cette certitude d'exister au cours d'une réflexion qui concerne les sens organiques. Cette certitude de l'existence que nous croyons posséder dès le départ, si nous nous interrogeons par quel moyen elle se donne à nous, la réponse est la réponse cartésienne : les sens. Nous sommes certains d'exister parce que nous nous sentons. Notre existence se confond ici par les millions de sensations que notre corps enregistre en permanence. En effet les sens nous donnent une certitude immédiate de l'existence de toutes choses. L'existence confondue avec l'être est certaine et immédiate parce qu'elle s'impose à nous d'abord par l'entremise de la perception et des sens. C'est un constat tout à fait banal, mais ce constat va nous conduire à une deuxième confusion. Cette confusion est que lorsque nous disons que quelque chose est, c'est-àire existe, nous voulons dire que cette chose existe réellement, dans la réalité matérielle. Être réellement, être vraiment cela veut dire être d'abord, exister d'abord sous une forme matérielle, que ce soit de la nature vivante organique ou de de la matière inanimée. Cependant toute la philosophie occidentale à commencer par l'édification de la métaphysique va nous montrer qu'être dans la réalité, être matériellement n'épuise pas le concept d'être, lequel recouvre un domaine beaucoup plus vaste.
Que veut dire être-exister ? [les deux mots restant accolés du fait d'une distinction non encore réalisée dans les esprits]
Être-exister signifie être-exister non pas matériellement, mais idéalement. Il y a une modalité de l'existence qui est une modalité logique. Quand je construis un concept dans mon esprit ce concept est, existe, il a une réalité, néanmoins je ne peux ni le voir, ni le toucher. Je ne peux que le concevoir dans mon esprit mais quand même lui donner un degré d'être, un degré de réalité. Cette catégorie d'être est beaucoup plus vaste qu'il n'y paraît puisqu'elle excède complètement cette partie de la réalité où sont les choses matérielles, inanimées et animées. Il y a donc de l'être ailleurs que dans l'univers des choses matérielles qui m'entourent et dont je fais partie. Il y a de l'être au niveau de l'idée, du concept.
On peut aller jusqu'à inverser les choses et dire : "Si je peux tracer un cercle géométrique sur un tableau matériellement, réellement, c'est qu'il existe idéalement" c'est-àire dans mon esprit il existe un concept de cercle (Platon). Ce concept de cercle dont mon esprit dispose c'est ce qui va me permettre de tracer réellement ce cercle. La réalité n'est pas que matérielle, plus exactement la réalité matérielle n'est qu'une petite partie de la réalité. Ce qui m'abuse, c'est que, lorsque je viens au monde, cette réalité s'impose comme étant la réalité. Et ceci me marque d'une empreinte quasiment indélébile. Il faut tout le travail de la philosophie qui est un travail de construction, pour substituer peu à peu à cette empreinte, une reconstruction conceptuelle plus riche.
L'être se décline à deux niveaux. Il y a l'être réel qui se matérialise, il y a aussi l'être logique (propre à l'entendement) qui lui n'est que pensable.
On appelle idéalisme tout système de pensée, toute philosophie qui, à l'instar de celle de Platon qui fut le premier de tous les philosophes idéalistes, pose d'abord logiquement, avant toutes choses, le primat de l'être logique sur l'être réel. Le propre de l'idéalisme est de dire : il existe une autre réalité que la réalité matérielle et la réalité matérielle n'est au fond que la représentation de cette réalité supérieure qui est la réalité intelligible, la réalité de l'idée. Platon va tenter de nous montrer que le degré le plus grand de la réalité n'est pas dans la matière. La table n'est jamais qu'une duplication très décevante de quelque chose qui est posée au départ comme étant réelle absolument, vraie absolument. Ce réel absolument on ne le trouve qu'au niveau des pures idées, des purs concepts.
Être et exister peut intéresser aussi bien les êtres matériels que les êtres logiques, comme les êtres mathématiques, les idées philosophiques. Ce sont des êtres logiques qui n'ont pas de matérialité.
Cette distinction est tout à fait capitale puisqu'elle va nous poser immédiatement un problème, puisque nous ne pouvons plus nourrir la même certitude face à l'existence, laquelle a cessé de nous apparaitre comme quelque chose d'évident, qui ne pose pas de problème, qui est perméable à toute question, qui va de soi. Au contraire l'existence est vouée d'emblée, d'autorité, à ce que nous pourrions appeler une véritable duplicité.
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immanente (clôturé)
il y a 8 ans
(Je continue à recopier ton étude Arsinoé; j'espère que tous tes petits anges vont bien !)
1 ) Exister c'est être dans la réalité
Cette réalité, comme le fait remarquer Descartes, m'est communiquée par l'entremise des sens, lesquels peuvent être trompeurs. Comment puis-je être assuré de l'existence de cette réalité si je suis sans cesse abusé par mes sens ? Si je veux me protéger efficacement de ce risque je suis obligé, dira Descartes, de déserter ce premier domaine de l'existence et de me réfugier dans le second.
2 ) Exister c'est être dans une pensée
Exister ici désigne une existence purement idéale, purement logique. Mais si je privilégie ce sens d'exister au prétexte de me protéger de la tromperie des sens, je rencontre un autre problème. Je risque d'être enfermé dans une sorte de cocon, risque connu des philosophes : le solipsisme. Je risque de me retrouver prisonnier de ma propre pensée, de ne plus pouvoir jeter une passerelle entre le monde objectif, extérieur à moi, objectivement existant, et moi-même. Comment sortir de soi? Car si mon existence n'est assurée que du côté de la pensée, si mon existence est la pensée de mon existence, je suis coupé du monde, coupé des autres. Je ne peux plus retrouver le monde qui m'entoure.
Quand Sartre et Merleau-Ponty se sont aperçus des risques encourus par cette stratégie de réflexion et de pensée, ils ont délibérément tourné le dos au sujet et ont essayé de poser comme point de départ un rapport de conscience au monde. Pour Sartre et Merleau-Ponty ce qui est donné au départ ce n'est pas moi face à ma propre vie, ce n'est pas moi tout seul, c'est moi avec les autres dans le monde. Donc je ne suis descriptible que comme un rapport à un ensemble de choses, non pas comme une substance, une entité, mais un rapport.
C'est pour cela que l'existentialisme athée français est extraordinairement tributaire de la phénoménologie. On ne peut expliquer cette mouvance de l'existentialisme sans forcément retrouver des a priori, soit au contraire des conclusions qu'apportent à ces penseurs la phénoménologie qu'ils traduisent puisqu'elle nous vient d'Allemagne. Donc si mon existence est la pensée de mon existence, je ne peux plus retrouver le monde qui m'entoure. L'existence n'a rien d'évident.
L'existence semble renvoyer à deux plans :
- La réalité en s'aidant de la matière. J'existe réellement donc je suis un être dont la matérialité peut être éprouvée.
- Exister est quelque chose qui n'a plus rien à voir avec le réel, entre autre ce qui est dans le réel est matériel, mais ce qui nous amène au domaine de la pure pensée, de la logique. C'est le seul domaine où on rencontre à l'état pur la notion de nécessité. Seuls les êtres logiques font apparaitre une relation de nécessité.
Si sur le plan logique j'utilise la conjonction "parce que", je pose quelque chose qui est antérieur à autre chose et qui va être la cause de quelque chose qui est conséquent. Au niveau du discours cela fonctionne bien. On est dans la nécessité logique. Quand on rentre dans la réalité c'est terminé (Hume). Dans l'univers matériel et physique on ne rencontre jamais des relations nécessaires à l'état pur. La science pose que telles choses entretiennent des relations de nécessité avec telles autres, elle en a besoin. Ses expérimentations n'ont jamais prouvé le contraire. Nous allons donc dire : telle chose est nécessairement liée à l'autre de telle façon. Cela a-t-il un sens dans l'absolu? Certainement pas. La nécessité ne se rencontre qu'au niveau de la logique.
L'un des gros problèmes de l'existence est qu'elle ne se laisse pas démontrer (Sartre). Nous ne pouvons pas la justifier, donc elle n'est nullement nécessaire. Aucune existence n'est nécessaire.
Si aucune existence n'est nécessaire il ne peut y avoir de science de l'existence. Le seul être capable de comprendre cela c'est l'être humain. Il va falloir qu'au sein même de son existence il soit porté par la métaphysique qui s'accroche à l'essence, à Dieu. Si ce n'est pas le cas, il va falloir assumer en permanence cette non nécessité de l'existence réelle, ce que nous appelons sa contingence. Tel est le problème existant majeur.
Il y a une sorte d'ambiguïté dans le terme existence. D'un côté il renvoie à l'existence réelle, matérielle, et de l'autre côté il y a tout ce domaine qu'il ne faut pas oublier, auquel nous pensons rarement, parce que notre vie est d'abord engagée avec les autres dans les choses, dans la matière qui nous résiste, c'est cela qui attire notre attention, il ne faut pas oublier cet autre plan qui occupe la pensée. Or la philosophie a à voir avec la pensée.
Exister doit se comprendre de deux façons : exister matériellement, exister sur le plan de la logique.
L'existence commence à révéler sa fragilité, sa vulnérabilité. De certaine qu'elle était, évidente, la voilà progressivement incertaine.
Genèse du concept d'existence, histoire du concept.
Nous voyons qu'il émerge lentement dans l'histoire, que l'existence apparait comme différenciation que la pensée introduit au sein de l'être. Ce que nous pensons c'est l'être, ensuite par différenciation successive nous allons isoler progressivement une chose que nous appellerons l'existence. Dans toutes nos traditions, l'existence n'est qu'une modalité de l'être. Elle n'existe pas en elle-même, elle n'a aucune autonomie. C'est une façon qu'a l'être de se manifester à nous, d'apparaitre. C'est une façon d'être de l'être.
Mais dire ceci revient à affirmer la suprématie de l'être, le primat de l'être sur l'existence. Dire qu'il y a une une suprématie de l'être sur l'existence implique deux propositions qui en sont les conséquences. Le primat de l'idée, du concept sur la matière, ce qui revient à dire qu'il va y avoir un primat du logique, de ce qui est pensable, de ce qui est représentable dans la pensée. Primat du logique, de ce qui est pensable sur l'empirique, c'est-àire sur l'expérience, sur la matière, ce qui constitue la réalité phénoménale.
La réflexion philosophique commence pour nous, dans notre tradition, par une réflexion sur l'être, donc référence à Parménide. Nous trouvons dès le début du poème parménidien la déesse donnant des conseils au jeune homme. Ces conseils s'adressent aux philosophes qui vont, d'une façon imagée, poser les conditions d'intelligibilité des choses.
La déesse dit au jeune homme : "A toi s'offrent deux voies, la voie de l'être et la voie du non-être. N'entre jamais dans la voie du non-être. N'égare pas ta pensée du côté du non-être. Le non-être n'est pas pensable donc ta pensée va irrémédiablement échouer".
Le non-être n'est pas pensable.
Si nous essayons de le penser nous introduisons de l'être de la pensée à l'intérieur même du non-être. Nous sommes en face d'une contradiction insurmontable. "Evite cette voie. Si tu la suis tu seras totalement emprisonné dans des contradictions que tu ne pourras jamais dépasser". C'est une voie aporétique (aporia) un chemin sans issue.
La déesse met bien en garde le jeune homme en lui répétant : " Si tu veux penser, ne t'égare pas dans le domaine du non-être, jamais tu ne le saisiras. A essayer de le saisir tu introduiras de l'être au sein même du non-être donc tu n'auras jamais affaire au non-être en tant que tel et ta pensée tournera à vide. Détourne toi de cette voie".
Il ne reste donc qu'une seule voie, c'est celle de l'être. "Poursuis sans relâche cette voie".
"L'être est, le non-être n'est pas". C'est une tautologie féconde. Cette phrase doit se comprendre dans deux sens. D'une part la pensée ne peut penser que ce qui est (le non-être n'est pas) et on comprend que la pensée pour Parménide est elle-même une modalité de l'être. D'autre part lorsque Parménide dit le non-être n'est pas, il veut dire que tout ce qui est négatif est le fruit d'une sorte de tricherie. Je suis obligé de poser quelque chose, puis de nier cette chose pour avoir quelque chose de l'ordre du négatif.
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immanente (clôturé)
il y a 8 ans
Citation de "immanente"Citation de "skynyrd57"Citation de "joestrummer21"incapable de penser par elle ou lui meme il reproduit ici le site forum de philosophie.( http://www.forumdephilosophie.com/t3163-autour-d-une-pensee-de-l-existence) c'est le sibellieus de la philo
et alors arc
Bien sûr Arsinoé c'est Arcturus ! je reproduis ici ce qu'elle a écrit là bas !
Nous avons décidé elle et moi de poursuivre notre étude ici. Bientôt tu verras apparaitre sur le topic "never more" mes propres écrits, repris de là-bas aussi, sous le nom de "aliochaverkiev".
Nous préférons continuer d'étudier ici, l'environnement est plus comique.
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immanente (clôturé)
il y a 8 ans
Citation de "joestrummer21"Citation de "immanente"Citation de "immanente"Citation de "skynyrd57"Citation de "joestrummer21"incapable de penser par elle ou lui meme il reproduit ici le site forum de philosophie.( http://www.forumdephilosophie.com/t3163-autour-d-une-pensee-de-l-existence) c'est le sibellieus de la philo
et alors arc
Bien sûr Arsinoé c'est Arcturus ! je reproduis ici ce qu'elle a écrit là bas !
Nous avons décidé elle et moi de poursuivre notre étude ici. Bientôt tu verras apparaitre sur le topic "never more" mes propres écrits, repris de là-bas aussi, sous le nom de "aliochaverkiev".
Nous préférons continuer d'étudier ici, l'environnement est plus comique.
tes propres écrits? avec les fautes aussi?
je compte sur toi pour les corriger ! je connais tes compétences !
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julienne56 (clôturé)
il y a 8 ans
Citation de "lecouperet"Citation de "arsinoe"Je propose, autour de ce sujet, de développer les différents moments de la pensée de l'existence. Comment a pu naître le mot existence, comment il a évolué, jusqu'à ce que les philosophies existentielles s'en emparent.
Bonsoir ,
C'est un bien beau sujet mais nous ici de l'existence on en connaît qu'un bout , celui que l'on tend a l'autre !
Chacun un p'tit bout le tout fera le reste.
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julienne56 (clôturé)
il y a 8 ans
bonne soirée.
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