" Chronique Covid N°25 – « Les conflits d’intérêts pendant la crise Covid : Comment ont-ils été pris en compte par les missions d’enquêtes parlementaires ? » - deuxième épisode !
Il n'y a pas de repas gratuit.
Extrait:
" A contrario, et bien qu’elle s’en dénie, la jeune Professeure Karine Lacombe, est l’archétype du PU-PH confit de conflits d’intérêts
Principale intervention de la Professeure Karine Lacombe devant la mission d’enquête de l’assemblée nationale le 25 juin 2020 à propos des conflits d’intérêts en médecine :
« Les liens d’intérêts, alors vraiment, vous avez employé le terme de conflits d’intérêts. Le conflit d’intérêts c’est une notion qui existait il y a vingt, vingt-cinq ans, qui a énormément fait de mal à la science. Je suis issue d’une époque ultérieure. Les liens d’intérêts, c’est un dispositif qui a été voté par le législateur. Ce n’est pas à vous que je vais rappeler les Lois. La Loi anti-cadeau, vous savez la Loi anti-Cadeau, l’Ordonnance 2017-49 du 19 janvier 2017 qui est relative aux avantages offerts par les personnes qui fabriquent et commercialisent les produits, etc, etc… Cette Loi extrêmement importante parce qu’elle interdit aux professionnels de santé et aux étudiants, mais moi je me place plutôt sur les professionnels de santé, de recevoir des avantages illicites de la part des industriels du secteur de la santé. Il y a des dérogations. Ces dérogations, elles sont de trois types. La rémunération, l’indemnisation ou le défraiement d’activité de recherche, de valorisation de la recherche, d’évaluation scientifique, de conseils, prestations de services, etc, etc…dès lors que la rémunération est proportionnée au service rendu. Les avantages perçus pour les étudiants en médecine, je n’en parle pas. Et l’hospitalité offerte eux médecins dans des manifestations à caractère exclusivement professionnel et scientifique. Et ça, c’est ce que l’on appelle des liens d’intérêts. D’ailleurs, vous les connaissez ces liens d’intérêts, puisque le législateur a fait en sorte que tout soit transparent. Tout est dans la base de Transparence que vous connaissez tous. Tout le monde est allé la consulter. Il faut savoir que les liens d’intérêts sont régis de façon très stricte par les professionnels de santé, les industriels, le Conseil de l’ordre et les employés des professionnels de santé. Je vais vous parler pour ma part. Donc, je suis professeure des universités, je suis payée par le Ministère de l’enseignement supérieur, et je reçois des émoluments de l’hôpital. Je ne suis pas un salarié de l’hôpital. Je ne suis pas un salarié de la fonction publique hospitalière. Donc, je reçois des émoluments. Quand un industriel me demande une prestation, le type de prestations qui sont dans la base de données Transparence sont en gros de deux types. Ça peut être des prestations d’experts, et certains ont confondu « board » avec « conseil d’administration. Un « board » n’est pas un conseil d’administration. Ça l’est peut-être dans le monde de la finance, mais ça ne l’est pas dans le monde de la médecine. Donc, je peux être interrogée en tant qu’expert et on peut me demander en tant qu’experte professeure, de faire de l’enseignement à l&rsquocasion d’une conférence, qui en général est retranscrite libre de droits et qui est organisée par l’industrie. Dans le cadre de ces deux activités, je peux revenir sur chacune d’elles, nous avons des frais ; Tout professionnel, par exemple quelqu’un qui travaille dans la banque, Quelqu’un qui fait des missions de consulting etc…, à partir du moment où il est mandaté par la personne qui le paye pour faire cette mission, a son repas pris en charge, éventuellement son transport, et éventuellement son hôtel. C’est ce qu’on appelle des avantages en nature. Mais, ce sont des avantages en nature dans le cadre d’une mission. Si ensuite je reviens sur la façon dont ces liens d’intérêts sont encadrés par la Loi. Quand un professionnel de l’industrie me propose une prestation, que ce soit d’experte ou de conférencière, nous rédigeons un contrat. Ce contrat est envoyé à mon employeur qui est l’université. Je demande un cumul d’activité à l’université. L’université donne son accord ou pas. Ce sur quoi l’université se base pour donner son accord, c’est qu’elle regarde la rémunération. La rémunération est fixe, elle n’est pas libre. Cette rémunération est un montant brut en général horaire. Et l’université dit « OK », le travail qui est demandé correspond bien à 2 heures, 3 heures, 4 heures de travail, je donne mon autorisation de cumul. Ensuite, cette autorisation de cumul est validée par l’hôpital. L’hôpital donne son autorisation et ensuite, cette convention, avec l’autorisation de ces deux institutions, est envoyée au conseil de l’ordre, et le conseil de l’ordre, en dernier ressort, son avis est consultatif, mais il dit oui, j’autorise, ou non, je n’autorise pas. Et ensuite, le législateur a fait en sorte que toutes ces données soient dans une base de transparence [1]. Donc je pense que le lien d’intérêts en France est vraiment très encadré. Pourquoi, il est important lorsqu’on est un scientifique d’avoir des liens d’intérêts ? Et non pas des conflits ? Ça, j’insiste bien. Et je pense que maintenant, en tout cas dans les domaines d’expertise dans lesquels je travaille, il n’y a plus de conflits d’intérêts. Pourquoi c’est important d’avoir un lien d’intérêts ? Parce que il y a des molécules innovantes, des molécules innovantes qui sont développées par des biotechs, des startups, qui ensuite n’ont pas les moyens de commercialiser [2], alors de continuer le développement de ces molécules par ce que vous parliez tout à l’heure de l’hépatite C, et pour développer un médicament innovant dans l’hépatite C, qui a été une vraie révolution dans l’hépatite C, par ce que ça a permis de guérir des patients qui par ailleurs avaient des infections chroniques avec beaucoup de comorbidités, maintenant tout le monde connait ce terme, eh bien il a fallu des milliards et des milliards, de dollars, d’euros, pour développer ce médicament. Evidemment, une boite de biotech, de startup, n’a pas l’argent pour faire ça, ce développement. Donc souvent, ces molécules sont rachetées par des industriels. Ensuite, ces industriels vont développer ces médicaments. Le fait d’avoir, de travailler en collaboration avec les industriels, nous permet nous avant que le médicament ne soit mis sur le marché d’avoir accès à ces traitements innovants pour nos patients. Par exemple, je reviens sur l’hépatite C, nous avons pu avoir accès à de nombreux médicaments innovants qui ont permis de guérir l’hépatite C. Alors, je m’arrête sur les conflits d’intérêts. On pourra y revenir si vous le souhaitez. »
[1] Drôlement transparente la base transparence santé. Pour Karine Lacombe, sur 150 conventions déclarées, 105, soient 70%, sont sans montant ! Donc, puisque ses 35 conventions avec montant lui ont rapporté 64.543 €, par simple règle de 3, il se pourrait qu’elle ait perçu au total 276.613 € pour les 150… (Voir le tableau dans la chronique précédente ici)
[2] Lapsus révélateur ?
Cette jeune infectiologue est sur un nuage doré ou rose, à 10.000 mètres d’altitude en orbite autour de la Lune, dans un déni total des conflits d’intérêts, que procurent pourtant les liens d’intérêts. Un parfait exemple de dissonance cognitive ! En effet, sa manière de banaliser les liens d’intérêts derrière leur existence administrative et réglementaire (dans la base transparence santé), comme si tout cela était normal, sans prise de conscience du caractère massif de ses liens d’intérêts, de surcroit en les opposant aux conflits d’intérêts, alors qu’il n’y a pas lieu de les distinguer (voir la définition donnée par Jean-Sébastien Borde dans ma chronique précédente ici), témoigne d’une démarche de réduction de la dissonance entre le fait d’être influencée par les firmes dans ces décisions thérapeutiques et celui d’accepter leurs cadeaux.
Un article remarquable de la revue indépendante Prescrire, « Le repas : un cadeau particulièrement influent » (Rev Prescrire 2018 ; 38 (416) : 456-462), détaille les mécanismes de l’influence et de la persuasion utilisé par le marketing qui exploite finalement des situations et réactions psychologiques courantes (réciprocité, cohérence, conformité, sympathie, autorité, rareté, dissonance cognitive). Il explique que « le fait d’accepter un cadeau ou un repas lors d’une réunion de « formation », créé un inconfort psychologique du fait d’une discordance entre la pensée, « je travaille pour les patients » et les actes « Je mange aux frais d’un labo ». Or, souvent, cet inconfort est résolu en alignant ses pensées sur ses actes et non le contraire. En pratique, cela veut dire que nombre de professionnels de santé vont se convaincre qu’ils sont venus à cette séance de formation continue, non pas pour le repas, mais parce que le sujet médical est intéressant ».
Retour à la réalité, ci-dessous, le détail « tous montants » (avantages perçus, conventions signées et rémunérations) de ce qui a été déclaré dans la base transparence santé par les 6 firmes pharmaceutiques les plus généreuses à son égard :
karine_lacombe_confit_de_conflits_dinterets_par_labos.jpg
Question du député Boris VALLAUD portant sur les conflits d’intérêts : « Plusieurs questions sur le lien d’intérêts, conflits et conflits d’intérêts, faut dire que la nuance n’a pas été vraiment faite dans ce qui nous a été dit hier (audition du Pr Didier Raoult, voir plus haut dans ma chronique). J’aimerais savoir quelle appréciation vous portez sur la compétence et l’indépendance dans la crise, du conseil scientifique et de ses membres ? de la HAS ? de la Haute Autorité de Santé et de l’agence du médicament ? Et je voudrais savoir si avoir un lien d’intérêts prédispose à avoir des préférences pour tel ou tel traitement ? développé par l’industrie avec laquelle on aurait ces liens d’intérêts ? Ça c’est ma première question
Réponse du Pr Karine LACOMBE aux questions du député Boris VALLAUD :
« Sur les liens d’intérêts du conseil scientifique, de la HAS et de l’agence du médicament, je suis quelqu’un de profondément humain. Nous avons été devant une crise sanitaire majeure où nous avons vu arriver des personnes à l’hôpital sur leurs 2 jambes, sans oxygène, avoir de l&rsquoygène à 4 litres à midi, être intubés ventilés le soir et pour certains, décéder le lendemain. Je crois que cela nous a appris beaucoup d’humilité et je ne peux pas croire que dans une situation sanitaire aussi exceptionnelle, il y ait eu de la part du conseil scientifique, de la HAS ou de l’agence du médicament, volonté de ralentir l’arrivée sur le marché de médicaments, que ce soient des médicaments « repositionnés » ou de médicaments innovants, simplement par ce qu’il y avait un laboratoire aussi puissant puisse-t-il être et il faut faire attention à l’image qu’on peut en avoir, les géants au pieds d’argile, on connait tous. Donc, je n’arrive pas à croire, je n’ai aucune preuve, c’est mon cœur qui parle, je n’ai aucune preuve qu’il n’y a pas eu de sous-mains, etc… Ce qu’on pourrait dire, les conflits d’intérêts, les financements occultes etc…Donc, je me prononce en tant que médecin, qui a été en contact avec certains membres du conseil scientifique, évidemment avec la HAS, l’agence du médicament comme tout médecin qui avait des responsabilités en tant que recherche, et je n’ai jamais eu le sentiment qu’un médicament était plus favorisé qu’un autre, mais au contraire. On nous a poussé à monter les essais nécessaires pour montrer que certains médicaments étaient efficaces et peut être plus que la prise en charge standard. Et d’ailleurs, dans l’essai Discovery, il y avait un bras « hydroxychloroquine » [3], comme il y a un bras « remdésivir », comme il y a un bras « lopinavir », etc. »
Nous sommes encore au pays des « bisounours »
[3] Par ailleurs, il me semble me souvenir que l’hydroxychloroquine n’avait initialement pas été incluse dans l’essai Discovery. En effet, nous apprenions le 22 mars que « après d’âpres débats entre scientifiques » un bras hydroxychloroquine avait été rajouté par l’INSERM, coordonnateur de l’essai à l’époque (ici)
Au député Boris VALLAUD, qui souhaitait savoir si les liens d’intérêts prédisposaient les médecins à avoir des préférences de médicament, puisque la Pr Karine Lacombe, ne lui a pas répondu, je vais répondre à sa place.
Cher Monsieur le Député, parmi les très nombreux travaux à avoir démontré et confirmé indiscutablement cet état de fait, je vous recommande la lecture de l’étude suivante : « Pharmaceutical Industry-Sponsored Meals and Physician Prescribing Patterns for Medicare Beneficiaries » publiée en août 2016 dans le JAMA Internal Medicine, l’une des meilleure revue médicale (en accès libre ici)
Ce travail mené chez près de 280.000 médecins américains, a recherché parmi 4 classes médicamenteuses les plus prescrites en cardiologie et dans la dépression, à savoir, les statines, les bétabloquants cardio-sélectifs, les antihypertenseurs du système rénine angiotensine, les inhibiteurs de la recapture sélective de la sérotonine, et plus précisément la molécule la plus prescrite et la plus promue dans chaque classe, rosuvastatine, nébivolol, olmésartan, et desvenlafaxine, l’effet sur la prescription d’une invitation au restaurant par le laboratoire les commercialisant.
Car, oui, Monsieur le député, aux USA, les chercheurs ont accès et depuis beaucoup plus longtemps que chez nous, non seulement aux avantages perçus, conventions, rémunérations des médecins dans le « Sunshine Act » (leur transparence.sante.gouv.fr), mais aussi aux prescriptions individuelles des médecins (Seule l’assurance maladie y a accès en France). Ils ont ainsi pu démontrer que les médecins qui s’étaient vu offrir un seul repas d’une valeur inférieur à 20 $ (16,85 €) avaient accru leur prescription de 18% pour la rosuvastatine (Crestor®) par rapport aux autres statines, de 70% pour le nébivolol versus autres bétabloquants cardiosélectifs, 52% pour l’olmésartan et de 118% pour la desvenlafaxine. Des repas supplémentaires ou d’un valeur de plus de 20 $ étaient associés à une augmentation plus forte des prescriptions.
jama_intern_med_pharmaceutical_industry-sponsored_meals_and_physician_prescribing_patterns_06-2016.jpg
A ce propos, Monsieur le Député, il faut savoir que la HAS ne considère toujours pas les invitations au restaurant, repas, hospitalité, comme des liens d’intérêts majeurs, et pas même les prises en charge dans les congrès (inscription, déplacement, repas, hôtel…) et cela contre l’avis de son propre comité déontologique qui avait été sollicité en 2014, par son président, à l’époque le Pr Jean-Luc HAROUSSEAU (ici)
D’ailleurs, je pense que compte-tenu des coûts exorbitants de certains médicaments aujourd’hui, la solidarité nationale serait fortement gagnante si elle demandait aux hôpitaux de prendre en charge sur leurs budgets les prises en charge des PU-PH dans les congrès plutôt qu’ils ne soient financés par les firmes pharmaceutiques. Le coût annuel de ces prises en charge par PU-PH étant très marginaux par rapport aux dépenses médicamenteuses générées par leurs prescriptions sous influences…
J’espère Monsieur le Député que lors des prochains débats à l’Assemblée nationale, dans le cadre de la discussion du PLFSS 2021, vous pourrez prendre des mesures afin de colmater cette vulnérabilité de l’expertise dans les rangs de la HAS
Sachez que j’en serai un observateur attentif…
Question de la députée Martine WONNER, elle-même médecin psychiatre :
« Non pas les conflits d’intérêts avec les laboratoires, mais peut être les liens d’intérêts et notamment avec le laboratoire Gilead, puisque la presse ce matin-même évoque des sommes conséquentes reçues de ce laboratoire et peut être d’autres. Qu’avez-vous fait de ces sommes ? »
Réponse du Pr Karine LACOMBE à Martine WONNER :
« Mes liens d’intérêts, j’ai expliqué le principe des liens d’intérêts. Combien ils étaient encadrés par la Loi. Je ne sais pas, je n’ai pas regardé les médias ce matin, Ce que je peux vous dire, c’est que l’encadrement de mes liens d’intérêts est extrêmement strict, il n’y a pas d’enrichissement personnel ? Par ce que c’est ce que l’on peut soupçonner avec les conflits d’intérêts. Il n’y a pas de financements occultes. La base de transparence est là pour le prouver. Il n’y a pas non plus d’enrichissement personnel. Tout le travail qui a fait l’objet de rémunérations est un travail effectivement fait. Quand je prépare, juste pour vous donner un ordre d’idée, quand je prépare une conférence, le laboratoire va me demander de faire une demi-heure de conférence, derrière, il y a 7 heures de travail. 7 heures de travail, que je fais le soir, que je fais le week-end [4]. Quand on me demande de participer à une réunion d’experts ou d’apporter une expertise, j’ai des documents à relire, un avis intellectuel à porter et un regard scientifique à porter sur ces documents. C’est en général 4 à 5 heures de travail. Là aussi fait le soir et le week-end. Donc, il est normal quand on fournit un travail qu’on ait une rémunération. A la valeur du travail que l’on fait, cette rémunération est encadrée, déclarée et en toute transparence ».
[4] Je voudrais être sûr d’avoir bien compris. Par exemple, je note sur Transparence santé, une convention passée entre Gilead et la Pre Karine Lacombe, signée le 1er juin 2017, pour un contrat d’« intervenant à une manifestation / orateur » le 8 juin 2017, à Paris, pour une « réunion médicale », sans que n’ait été déclaré le nom de la manifestation (Voir ci-dessous) et avec un montant de convention de 1.306 €. Considérons qu’il s’agit d’un net [5]. Admettons qu’elle ait travaillé 7 heures, soit une journée complète. En comptant 21 jours ouvrés par mois en moyenne, à ce tarif, si Karine Lacombe travaillait à 100% comme orateur pour les labos, elle toucherait 329.112 € par an. Le cumul d’activité dont parle Karine Lacombe est donc beaucoup plus lucratif que le salaire qui lui est versé par l’université, augmenté des émoluments qu’elle reçoit de l’hôpital…
Comme elle ne répond pas à la question de l’usage qu’elle a fait de ces sommes, on est en droit de se poser la question de l’enrichissement personnel au travers de ce type d’activité, par rapport à un PU-PH qui refuserait les faveurs des firmes pharmaceutiques…
[5] Selon un « questions / réponses » publié par les laboratoires Janssen sur une page de leur site web (ici), exposant leur méthodologie de publication des liens d’intérêts, il est bien spécifié en réponse à la question « les montants apparaissent-ils bruts ou nets ? » que « Les liens d’intérêt du type honoraires, dons, subventions, partenariats ou autres supports financiers apparaissent tels qu’effectivement versés » (Le site Transparence santé est très avare d’informations de ce type)
convention_gilead_karine_lacombe_01-06-2017-orateur-paris-08-06-2017-1306_euros.jpg
Propos (critiqués plus tard par David HABID et Éric CIOTTI) et question du député Julien Borowczyk, lui-même médecin, sur les conflits d’intérêts :
« Pour en revenir aux liens d’intérêts ou conflits d’intérêts, d’abord je crois qu’il faut que l’on soit un petit peu humble partout, vous l’êtes en tant que médecin, il faut que nous le soyons en tant qu’élus, puisque nous aussi nous sommes confrontés à des lobbies, et donc je crois que c’est important que nous soyons capables de faire la part des choses. Sur ces liens d’intérêt moi, vous avez été questionnée sur le conseil scientifique, je crois, c’est une de mes questions, ne pas avoir entendu parler d’études sur le remdésivir, pas beaucoup, en tout cas beaucoup moins que sur l’hydroxychloroquine finalement, je voulais avoir votre avis làessus ? »
Question du député Jean-Jacques GAULTIER, lui-même médecin biologiste :
« Le doute dans la population, ce qui sème le doute aussi chez les médecins, chez les élus, chez tout le monde, les essais cliniques, on a parlé du fiasco du Lancet..., de Discovery…, Et puis, les conflits d’intérêts, ou les liens d’intérêts, qui sèment le doute. On a parlé de Gilead, d’Abvvie, Tout ça ce sont des labos, de l’industrie pharmaceutique en lien avec le remdésivir, l&rsquoinavir, ritonavir, tout traitement potentiel, molécule candidate et alternative à l’hydroxychloroquine. Donc, vous pouvez très bien comprendre le doute qui est semé par rapport à ces liens avec l’industrie pharmaceutique. Le président du haut conseil de santé publique (HCSP) a lui-même reconnu avoir subi des pressions et avoir signé un avis qu’il a qualifié d’absurde. Ce qui est quand même un comble. Comprenez qu’il est quand même difficile pour un conseil, difficile pour un arbitre d’être rémunéré par une des équipes, même si c’est un autre moment, même si c’est pour une autre prestation, même si c’est légitime, même si c’est légal ».
Questions et interventions député David Habib, sur les conflits d’intérêts « Je voudrais d’abord dire à notre collègue Julien Borowczyk qui a parlé de possibilité pour chacun d’entre nous d’être soumis, ah, il n’est plus là, d’être soumis à des conflits d’intérêt, euh, non ! Il y a des règles, il y a des règles, alors ce n’est pas à vous que je le dis. Sanofi est né dans ma commune. Alors, je suis très fier, je n’ai jamais manger avec un dirigeant de Sanofi… Voilà. Et la question des conflits d’intérêts, je le dis pour notre commission et la qualité de notre commission, je crois que c’est la confiance que l’on doit avoir dans le travail de la présidente et du rapporteur. C’est ça qui nous permettra d’évoluer. Pour le moment, on a à essayer de définir ce qui s’est passé. Il y a une phrase que vous avez dite qui m’a interpelé. Vous avez dit, la science a été malmenée en France. Immédiatement, j’ai envie de vous de demander, et ailleurs ? Est-ce que c’est un débat hexagonal, comme tous les débats que la France peut connaître ? Sur l’éducation, sur la philosophie. Il y a quelque chose, une particularité française. Moi, je souhaiterais que vous puissiez nous éclairer làessus et que l’on essaye de comprendre. Par ce que ce qui est évident c’est qu’on avait tous confiance dans le personnel médical. Philippe Vigier vous a posé la question, en vous disant, aujourd’hui on est tous, il n’y a pas que la science qui est malmenée, on est tous les français malmenés. Par ce qu’on a vu un milieu complètement émietté, complètement éclaté. Madame la Professeure, quand vous dites il avait le temps médiatique, mais le meilleur moyen de résister à ce temps médiatique, c’est de ne pas aller sur les plateaux. Et je ne comprends pas qu’Olivier Véran n’ait pas rappelé à un moment donné à l’ensemble des médecins qui sont libres, mais qui ont aussi peut être des obligations d’éthique, qu’ils sont mieux dans leurs hôpitaux que sur les chaînes de télévision. Je voudrais revenir sur un point, la captation de la parole médicale, aussi on a ce sentiment-là. »
Le Pr Karine LACOMBE, très expéditive, car elle estime manifestement qu’elle a déjà suffisamment répondu sur les conflits d’intérêts :
« Vous parlez de doutes sur les liens d’intérêts Gilead, Abbvie, je pense que j’ai déjà pas mal répondu à cette question quand j’ai expliqué ce qu’était un lien d’intérêts, et quand même Madame, je suis revenu sur les sommes et l’absence d’enrichissement. Peut-être juste pour le temps (?) »
Éric CIOTTI, rapporteur général de la mission d’enquête :
« David Habib l’a fait tout à l’heure, mais moi aussi je m’étonne des propos de notre collègue Borowczyk et qui concernent les conflits d’intérêts et je pense que ses propos et en tout cas ne concernaient pas les parlementaires en général, même si le propos qu’il a tenu pouvait le concerné et ne nous concerne pas dans le cadre auquel nous sommes soumis ».
Brigitte Bourguignon, Députée et Présidente de la mission d’enquête « Bien, il aura l&rsquocasion de répondre quand il sera là »
Karine LACOMBE affirme s’être battue contre GILEAD pour faire baisser le prix des antiviraux à action directe dans l’hépatite C chronique et le VIH, en tant que bénévole chez Médecins du Monde en Asie :
« L’hépatite C, écoutez, je connais bien cette thématique, puisque j’ai été aux côtés de Médecins du Monde. J’ai travaillé longtemps comme bénévole pour Médecins du Monde dans les pays asiatiques pour le VIH et les hépatites virales, et j’ai été des combats avec le « Medicines patent pool » avec Médecins du Monde pour l’accès aux traitements de l’hépatite C, à des prix, en particulier l’accès aux génériques à des prix les plus faibles possibles et l’accès aux génériques et la cassure du monopole de Gilead sur les traitements de l’hépatite C. Donc, vous parlez à une convaincue. Et je ne crois pas dans mon discours, mais je m’excuse si ça a été le cas, avoir dit que le laboratoire était merveilleux dans tout ce qu’il a fait. Et actuellement, le traitement de l’hépatite C, c’est 17.000 euros avec des médicaments d’un autre laboratoire et bien inférieur à 40.000 euros avec les médicaments du laboratoire Gilead »
Il aurait été intéressant de s’avoir ce qu’elle prescrit dans ces conditions ?
Commentaires de la députée Valérie RABAULT qui contredit ce qu’a dit Karine LACOMBE sur les négociations de prix de sofosbuvir en France avec GILEAD SCIENCES :
« Ce n’est pas une question mais un commentaire. Je ne connais rien en médecine, mais sur les finances publiques, j’ai quelques connaissances. Sur l’hépatite C, je ne partage pas du tout le récit que vous avez fait de ce qui s’est passé. Un traitement à l’hépatite C, c’est 67.000 euros, il y a 3 boites à prendre et ça coûte la bagatelle de 1 milliard d’euros, un peu plus d’ailleurs, aux finances publiques de la sécurité sociale. La négociation avec le laboratoire américain ne s’est pas du tout passée comme ce que vous avez dit. Pas du tout. Ça a été un bras de fer épouvantable, ça a été un bras de fer où la France s’est retrouvée toute seule avec les italiens. L’Allemagne a fait son marché de son côté. Par ce qu’elle avait des excédents budgétaires. Et donc, je ne crois pas que quoique ce soit des liens qui pouvaient exister a fait que le prix a baissé, bien au contraire. Un traitement, c’est 67.000 euros. Et pour avoir été bien au courant de la négociation, au tout départ de la négociation en 2016, je peux vous dire qu’il n’y a aucun cadeau qui a été fait à la France. »
Pour conclure, mais on y reviendra :
Au total, les liens d’intérêts ou conflits d’intérêts, une seule et même notion, constituent une sérieuse menace pour la validité des résultats de la recherche clinique et peuvent altérer fréquemment la pertinence des choix diagnostiques, thérapeutiques dans la pratique médicale courante, en ville comme à l’hôpital, chez de très nombreux professionnels de santé, au détriment des patients et des assurés sociaux.
La transparence sur ses liens d’intérêts est très incomplète (exemple des montants de conventions massivement sous-déclarés)
Quels contrôles et quelles sanctions l’Etat est-il capable d&rsquoérer au regard des obligations auxquelles sont tenus des entreprises du monde de la santé ?
Mais surtout la gestion des liens d’intérêts est quasiment inexistante.
Quel journaliste, quel parlementaire prend la peine de demander aux professionnels de santé qu’il interview ou auditionne de déclarer ses liens d’intérêt en préalable à sa prise de parole ?
La Loi est quasiment jamais respectée dans ce domaine
Combien utilise la base de données transparence pour se renseigner ou vérifier ?
Combien de professionnels de santé le font spontanément ?
Comment des agences sanitaires comme la Haute Autorité de Santé, peuvent-elles encore ne pas considérer les repas offerts et les prises en charge des PU-PH dans les congrès comme des conflits d’intérêts majeurs ?
Que font les universités, les hôpitaux, les agences régionales de santé, pour prendre à bras le corps cette problématique qui menace la qualité, la pertinence et la soutenabilité des soins ?
L’indépendance de l’expertise sanitaire est-elle hors de notre portée ?
Auteur: François Pesty pour FranceSoir
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Publié le 14/09/2020 à 12:11