" L’abolition de l’homme, de C.S. Lewis "
7 août 2015
" Quel est donc cet homme aboli dont parle Lewis dès le titre de son livre, « L’abolition de l’homme » ?
Alors que les hommes sont en guerre, que l’Europe est sous la botte nazie, et que l’on ignore encore qui, de la liberté ou de la tyrannie, sortira vainqueur de l’apocalypse, un homme, écrivain et professeur, un Irlandais habitant en Angleterre, donne une série de cours sur l’éducation à l’université de Durham en février 1943.
Cet homme, Clives Staples Lewis, plus connu comme C. S. Lewis, est horrifié par la lecture d’un manuel scolaire. Celui-ci, sous des aspects pédagogiques, tend à supprimer la notion même de morale universelle. Et cette idée, présente dans un manuel à destination de la jeunesse, blesse tant l’auteur, qu’il se décide à en faire le point de départ de son cours, donnant ainsi trois brèves conférences, publiées par la suite sous le titre, L’abolition de l’homme.
L’abolition de l’homme, de C.S. LewisAlors que les hommes sont en guerre, que l’Europe est sous la botte nazie, et que l’on ignore encore qui, de la liberté ou de la tyrannie, sortira vainqueur de l’apocalypse, un homme, écrivain et professeur, un Irlandais habitant en Angleterre, donne une série de cours sur l’éducation à l’université de Durham en février 1943.
Cet homme, Clives Staples Lewis, plus connu comme C. S. Lewis, est horrifié par la lecture d’un manuel scolaire. Celui-ci, sous des aspects pédagogiques, tend à supprimer la notion même de morale universelle. Et cette idée, présente dans un manuel à destination de la jeunesse, blesse tant l’auteur, qu’il se décide à en faire le point de départ de son cours, donnant ainsi trois brèves conférences, publiées par la suite sous le titre, L’abolition de l’homme.
L’homme aboli, ce pourrait être cet Allemand vitrifié par la pensée nazie, ou ce Russe, déshumanisé par le communisme ; mais non, l’homme aboli c’est n’importe quel homme qui rejette toute idée de morale universelle, et ce que perçoit et dénonce Lewis, c’est qu’il se trouve aussi dans les démocraties qui se battent pour la liberté.
L’abolition de l’homme, par C.S. Lewis
Le texte a été écrit en 1943, et on le croirait sorti d’une plume d’hier. Il trouve sa source et sa motivation dans un manuel scolaire anglais des années 1940, et il pourrait être né de l’inquiétude d’un contemporain sur la tournure des événements actuels. Ce texte est bref, 90 pages, mais il dit tout, tout ce qu’est l’actuelle vision de l’homme. Il devrait être lu par tous les professeurs soucieux de donner un esprit à leurs élèves, il devrait être médité par tous les parents, désireux de transmettre une âme à leurs enfants. Ce texte parle d’éducation, il parle de morale, et il parle de l’homme.
L’orientation nouvelle de l’éducation
L’abolition de l’homme, de C.S. LewisAlors que les hommes sont en guerre, que l’Europe est sous la botte nazie, et que l’on ignore encore qui, de la liberté ou de la tyrannie, sortira vainqueur de l’apocalypse, un homme, écrivain et professeur, un Irlandais habitant en Angleterre, donne une série de cours sur l’éducation à l’université de Durham en février 1943.
Cet homme, Clives Staples Lewis, plus connu comme C. S. Lewis, est horrifié par la lecture d’un manuel scolaire. Celui-ci, sous des aspects pédagogiques, tend à supprimer la notion même de morale universelle. Et cette idée, présente dans un manuel à destination de la jeunesse, blesse tant l’auteur, qu’il se décide à en faire le point de départ de son cours, donnant ainsi trois brèves conférences, publiées par la suite sous le titre, L’abolition de l’homme.
L’homme aboli, ce pourrait être cet Allemand vitrifié par la pensée nazie, ou ce Russe, déshumanisé par le communisme ; mais non, l’homme aboli c’est n’importe quel homme qui rejette toute idée de morale universelle, et ce que perçoit et dénonce Lewis, c’est qu’il se trouve aussi dans les démocraties qui se battent pour la liberté.
L’abolition de l’homme, par C.S. Lewis
Le texte a été écrit en 1943, et on le croirait sorti d’une plume d’hier. Il trouve sa source et sa motivation dans un manuel scolaire anglais des années 1940, et il pourrait être né de l’inquiétude d’un contemporain sur la tournure des événements actuels. Ce texte est bref, 90 pages, mais il dit tout, tout ce qu’est l’actuelle vision de l’homme. Il devrait être lu par tous les professeurs soucieux de donner un esprit à leurs élèves, il devrait être médité par tous les parents, désireux de transmettre une âme à leurs enfants. Ce texte parle d’éducation, il parle de morale, et il parle de l’homme.
L’orientation nouvelle de l’éducation
Lewis n’a rien d’un réactionnaire moisi, et s’il rechigne sur les évolutions morales de son époque, ce n’est pas par nostalgie du passé, c’est par souci de révéler de très grands maux. Son ouvrage n’a rien de politicien. Il n’évoque jamais l’actualité, la guerre, les combats, à tel point que si l’on ignorait la date de rédaction, on pourrait croire ce texte rédigé dans son cottage, à l’ombre de la paix et de sa tasse de thé.
Pour autant, Lewis a des idées claires sur l’instruction de la jeunesse. Il est essentiel pour lui de bannir la relativité des idées morales, et de fournir à la jeunesse des idées solides, afin que celle-ci puisse affronter la vie. Dans cette optique, il lui apparaît de tout premier ordre de former le cœur, ce qui passe par l’acquisition de sentiments. Vouloir faire des hommes durs, des hommes sans cœur, c’est soumettre la jeunesse à la tyrannie des propagandes futures.
« Faire dépérir la sensibilité de nos étudiants fera d’eux des proies encore plus faciles pour les propagandes à venir. Car il faut bien que la nature affamée se venge, et un cœur endurci n’est pas une protection infaillible contre un cerveau ramolli. »
La sensibilité marche de concert avec l’esprit. Bannir la première de l’éducation, c’est condamner la raison à être faible et à manquer de capacité. Les hommes munis de cœur auront un bon cerveau. Glosant sur une citation d’Aristote dans l’Éthique à Nicomaque, il rappelle que “Le but de l’éducation est d’apprendre aux gens à aimer et à haïr, ce qu’il convient d’aimer et de haïr”. Pour être d’accord avec cela encore faut-il être persuadé que le relativisme moral n’a pas de légitimité, et qu’il y a des choses bonnes et des choses mauvaises par elles-mêmes. Or, la stabilité morale, c’est justement ce que l’éducation nouvelle refuse. Ce thème nous est aujourd’hui familier, et l’on découvre –non sans une certaine stupeur- qu’il était déjà présent à l’époque de Lewis. On devine alors l’historien et spécialiste de la littérature médiévale quand il distingue les deux types d’éducation, au prise l’une avec l’autre pour l’hégémonie sur les esprits.
« Là où l’ancienne éducation initiait, la nouvelle ″conditionne″. Avec l’ancienne, on traitait les élèves comme les oiseaux traitent leurs petits pour leur apprendre à voler ; dans la nouvelle, on les traite plutôt comme un éleveur traite ses jeunes volailles, pour des raisons dont elles ignorent tout. En un mot, l’ancienne éducation était une sorte de propagation, des hommes transmettant la force de leur humanité aux hommes, la nouvelle n’est que propagande. »
Propagation ou propagande ? Il fallait un certain sens de la provocation pour avancer cette dialectique en pleine guerre mondiale. La propagande, c’est-àire l’éducation chargée d’engraisser les hommes sans vouloir les rendre capables de voler, n’est pas seulement le propre des régimes que l’Angleterre combat. Et la propagation, c’est-àire la transmission des savoirs et l’élévation vers l’humanisation, est une fonction essentielle de l’éducation qui se fait ranger au placard. Entre l’instruction limitée à l’accumulation des savoirs, et l’éducation uniquement tournée vers le développement des sentiments, il y a un parallèle commun. La première crée des esprits, la seconde modèle des animaux, mais aucune ne forme un homme.
« La tête gouverne les entrailles par l’intermédiaire du cœur, le siège, comme Alain de Lille nous le dit, de la magnanimité, des émotions organisées en sentiments stables par des habitudes bien entraînées. Le cœur, la magnanimité, le sentiment, tels sont les indispensables agents de liaison entre l’homme cérébral et l’homme viscéral. On peut sans doute même dire que c’est cet élément médiateur qui fait de l’homme un homme ; car par son intellect, il est simplement esprit et par ses appétits, simplement animal . »
Cette nouvelle éducation modifie donc la conception de l’homme.
« Les professeurs ne façonnaient pas l’homme selon un modèle choisi. Ils transmettaient ce qu’ils avaient reçu ; l’enseignant initiait le jeune néhyte au mystère de l’humain qui les recouvrait l’un et l’autre de sa majesté […] Cela change désormais. Les valeurs ne sont plus que de simples phénomènes naturels. Dans le cadre du conditionnement, on s’efforce de produire chez l’élève des jugements de valeur […] Ils [les pédagogues] savent comment produire une conscience et décident quel genre de conscience ils veulent produire. Eux-mêmes se situent en dehors, au-dessus . »
Produire des consciences en fonction des nécessités du moment, et pour des orientations bien précises, telles semblent être les volontés de ces nouveaux professeurs.
« Les conditionneurs vont par conséquent devoir choisir quel genre de Tao artificiel ils veulent produire dans l’espèce humaine, pour des raisons qui leur sont propres. Ils pousseront les autres à agir, ils seront créateurs de motivations. Mais d’où tireront-ils eux-mêmes leurs motifs d’agir ? »
Voilà une question qui est pertinemment posée. S’il s’agit de transmettre la morale naturelle, il est facile de la trouver et de la propager. Mais si l’on veut bâtir une nouvelle morale, sur quoi celle-ci va-t-elle reposer, et comment est-il possible de la justifier ? Car si l’on refuse toute valeur, comment faire perdurer le système ? Les premiers vont enseigner des valeurs, parce qu’ils ont été formés avec l’ancienne morale qu’ils ont aboli. Malgré eux ils sont conditionnés par elle et vont la transmettre. Mais ces valeurs se délitent à chaque génération, et arrive un moment où les nouvelles générations n’ont plus été élevées dans cette morale, qui est notamment la morale de la transmission. Et si la valeur de la transmission n’est plus transmise, comment peut-on justifier de transmettre quelque chose aux autres ?
« Ce n’est pas que ce soit des hommes mauvais ; ce ne sont plus des hommes du tout. En sortant du Tao, ils ont sauté dans le vide. Ceux qui leur sont soumis ne sont pas non plus nécessairement des gens malheureux. Ils ont perdu toute humanité ; ce sont des produits fabriqués. La conquête finale de l’homme s’avère être l’abolition de l’homme. »
La disparition de la morale conduit nécessairement à la disparition de l’homme lui-même.
La disparition de la morale
Morale, le mot fait peur. Pourquoi ? Parce que morale est devenue synonyme de restriction et d’interdiction, alors même que c’est elle qui assure la liberté. Oui, sans morale, pas de liberté possible. Et la disparition de l’une rend Lewis inquiet sur la pérennité de l’autre. Si, dans l’éducation, le cœur et le sentiment ont été rejetés, que reste-t-il pour fonder la morale ? L’instinct. Et voilà l’homme qui retombe dans ses travers animaux, alors même que l’on pensait que le combat contre les sentiments allait l’en délivrer. Et si c’est l’instinct qui gouverne, alors la morale est réduite aux volontés des personnes. Chacun son instinct, donc chacun sa morale. Chacun sa morale, cela porte un nom ; c’est le relativisme. “Si rien n’est obligatoire en soi, rien n’est obligatoire du tout .” Et voilà comment une conception erronée de l’éducation donne une compréhension faussée de ce qu’est la morale.
Ainsi, devient moral ce qui est voulu, ce qui est guidé par l’instinct. Et l’homme bâtit sa propre morale, sans se demander si celle-ci est fondée sur la raison et si elle repose sur la justice. L’homme veut donc créer une nouvelle éthique, mais a-t-il ce pouvoir ? “D’où est-ce que le Novateur tire cette autorité de prendre et de choisir ce qui lui convient ? ” s’interroge Lewis. Et plus loin de répondre :
« La loi naturelle n’est pas un système de valeurs possible parmi beaucoup d’autres. C’est la seule source de tous les jugements de valeur. Si on la rejette, on rejette toute valeur. Si on conserve une seule valeur, on la conserve tout entier. (. . .) La rébellion des nouvelles idéologies contre la loi naturelle est une rébellion des branches contre l’arbre : si les rebelles réussissaient, ils découvriraient qu’ils se sont détruits eux-mêmes. L’intelligence humaine n’a pas davantage le pouvoir d’inventer une nouvelle valeur qu’il n’en a d’imaginer une nouvelle couleur primaire ou de créer un nouveau soleil avec un nouveau firmament pour qu’il s’y déplace. »
Non, la morale ne dépend pas d’une volonté humaine, la morale est une découverte, une compréhension de ce qu’est l’homme, la morale fait partie de la nature même de l’homme, l’on ne peut donc pas la modifier, à moins de vouloir modifier l’homme. Ce fixisme moral ne signifie pas qu’il n’y a pas d’évolution possible, mais les évolutions, ou les améliorations, doivent venir de la morale elle-même, et non pas de l’extérieur. Ce sont plutôt des approfondissements que des créations. Le rejet du concept de valeur amène les sceptiques à vouloir trouver de nouvelles normes, alors même qu’ils ont rejeté les anciennes. Cette attitude n’a pas beaucoup de sens.
L’homme aboli
Quel est donc cet homme aboli dont parle Lewis dès le titre de son livre ? C’est l’homme qui a perdu le combat mené contre la nature, un combat perdu dans la victoire. C’est là que l’historien se fait jour, et qu’il comprend le drame qui se tisse en Europe depuis plusieurs siècles. L’homme a en effet la capacité de plier la nature à sa volonté, il a, grâce au développement technique, la possibilité que celle-ci lui soit ordonnée, et l’homme cherche de plus en plus à s’en affranchir. Or maîtriser la nature et la mettre au service de l’homme est une chose, mais cette situation aboutit, paradoxalement, au contrôle de l’homme.
« Si les rêves de certains planificateurs scientifiques se réalisent, la conquête humaine de la nature sera synonyme de domination de quelques centaines d’individus sur des milliards d’êtres humains. Dans ce cas, il n’y a et ne peut y avoir d’augmentation du pouvoir de l’homme. Tout nouveau pouvoir conquis par l’homme est aussi un pouvoir sur l’homme. Tout progrès le laisse à la fois plus faible et plus fort. Dans chaque victoire, il est à la fois le général qui triomphe et le prisonnier qui suit le char triomphal. » "
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https://www.contrepoints.org/2015/08/07/217031-l-abolition-de-lhomme-de-c-s-lewis
Modifié il y a 4 mois, le samedi 22 juin 2024 à 10:50